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Lankhor - 1993


TEST sur Amiga


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INFORMATIONS

Titre Original :

La Secte Noire

Titre Alternatif :

La Secte Noire

Genre :

Aventure

Sortie :

1993

Développeur :

Lankhor

Langue :

Français

Support(s) :

Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, DOS

PEGI :

7
CONCEPTION

Amiga


Code additionnel :

Jean-Luc Langlois

Compositeur :

André Bescond

Graphiste :

Serge Fiedos

Programmeur :

Bruno Gourier, Christian Droin

Idée originale :

Jean-Claude Lebon, Jean-Pierre Godey

Illustrateur boite :

Stéphane Polard

Scénariste :

Jean-Claude Lebon

Testeur :

Kathy Hollins, Béatrice Langlois

Amstrad CPC


Graphiste :

Jean-Claude Lebon

Programmeur :

Jean-Pierre Godey

Scénariste :

Jean-Claude Lebon

Atari ST


Compositeur :

André Bescond

Programmeur :

Bruno Gourier, Christian Droin
INTERVIEWS
DOWNLOAD
PLAYLIST
LANKHOR
[1987] No : Never Outside
[1987] Manoir de Mortevielle, Le ./images/jeux/manoir_mortevielle.gif
[1988] Troubadour
[1988] Killdozers
[1989] Rody et Mastico
[1990] Secte Noire, La
[1990] Rody et Mastico III
[1990] Rody et Mastico II
[1990] Raiders
[1990] Maupiti Island ./images/jeux/maupiti_island.gif
[1990] Black Sect ./images/jeux/black_sect.png
[1991] Vroom ./images/jeux/vroom.png
[1991] Trésor d'Ali Gator, Le
[1991] Crypte des maudits, La
[1992] Vroom Datadisk
[1992] Survivre
[1993] Vroom Multi-player
[1993] Formula One (F1)
[1994] Kawasaki Superbike Challenge
[1999] Official Formula 1 Racing
[2000] Warm up
[2000] F1 World Grand Prix
[2001] Ski Park Manager
RECOMMANDATIONS
[1986] Manoir de Mortevielle, Le ./images/jeux/manoir_mortevielle.gif
[1988] Explora ./images/jeux/explora.jpg
[1990] Secte Noire, La
[1990] Maupiti Island ./images/jeux/maupiti_island.gif
[1991] Crypte des maudits, La
MAGAZINES
Micro News #35
[mai 1990]
  • page
    12
  • Preview Amstrad CPC
Amstar #46
[juin 1990]
  • page
    6
  • Preview Amstrad CPC
Amstrad 100% #27
[juin 1990]
  • page
    14
  • News Amstrad CPC
Joystick #6
[juin 1990]
  • page
    9
  • Preview Amstrad CPC
Amstar #49
[sept 1990]
  • page
    52
  • Test Amstrad CPC
Joystick #8
[sept 1990]
  • page
    155
  • Test Amstrad CPC
Micro News #39
[sept 1990]
  • page
    43
  • Test Amstrad CPC
TILT #84
[déc 1990]
  • page
    160
  • Test Amstrad CPC
Joystick #13
[fév 1991]
  • page
    40
  • Solution
Génération 4 #35
[juil 1991]
  • page
    76
  • Preview
Joystick #18
[juil 1991]
  • page
    13
  • Preview Amiga
TILT #93
[sept 1991]
  • page
    20
  • Preview
Génération 4 #39
[déc 1991]
  • page
    48
  • Info
Génération 4 #42
[mar 1992]
  • page
    84
  • Preview
  • page
    85
  • Preview
Génération 4 #43
[avr 1992]
  • page
    29
  • Publicité
TILT #102
[mai 1992]
  • page
    30
  • Preview
Génération 4 #62
[jan 1994]
  • page
    42
  • Test PC
Joystick #45
[jan 1994]
  • page
    116
  • Test PC
Amiga Concept #1
[fév 1994]
  • page
    46
  • Test Amiga
Génération 4 #63
[fév 1994]
  • page
    75
  • Test Amiga
Joystick #46
[fév 1994]
  • page
    122
  • Test Atari ST
Amiga Revue #64
[mar 1994]
  • page
    57
  • Test Amiga
ST Magazine #81
[mar 1994]
  • page
    70
  • Test Atari ST
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TEST
C’est le dernier jeu d'aventure de Lankhor, et sans doute le plus contesté et le plus mal aimé du studio. On dit de lui qu’il aurait englouti tous les profits de « Vroom » mais aussi qu’il aurait mis fin au développement de « Sukiya », la troisième aventure de Jérôme lange, causé le départ d'un de ses fondateurs, Bruno Gourier, créateur du « Manoir de Mortevielle » et fait de Lankhor un simple studio de développement et non plus un éditeur indépendant. Rien que çà ! A l’image de son scénario, « Black Sect » semble être empreint d’une certaine malédiction. Trente ans après il est temps de revenir sur l’histoire de la conception de ce jeu aussi mal aimé et mal connu des joueurs.
Une petite bourgade perdue dans le Périgord Noir plongée dans la terreur d’une confrérie secrète et énigmatique. Le patriarche du village, gardien d’un grimoire ancestral, sauvagement assassiné et le livre sacré… dérobé. C’est à vous que reviens la lourde tâche de partir à la recherche de cette terrible secte, venger la mort de votre aïeul, et récupérer le grimoire ancestral qui permettra aux habitants de retrouver le calme et la sérénité.

Si le « Manoir de Mortevielle » nous avait ébloui en renouvelant le genre, « Maupiti Island » avait réussi à transcender cette expérience en nous transporter sur une petite île paradisiaque de l’océan Pacifique. Lankhor avait tout simplement créer deux jeux d’aventure exceptionnels, inoubliables qui ont marqués toute une génération, devenant avec les années des références sur ST/Amiga.

Aussi en 1993, après une gestation difficile de presque trois ans et alors que la troisième enquête de Jérôme Lange se fait attendre, lorsque Lankhor sort « Black Sect » dans une quasi-indifférence générale, c’est la douche froide. Les joueurs sont déçus, le jeu n’a pas l’aura d’une enquête de notre détective préféré, il ne plait tout simplement pas et ne se vend pas. La presse, elle, est intransigeante, « Black Sect » est un jeu d’un autre temps. Rien, non rien dans « Black Sect » ne semble avoir cette touche si particulière des jeux made in Lankhor, cette touche de perfection qui a fait le succès de la société pendant plusieurs années.

Il faut dire qu’à sa sortie, le secteur du jeu vidéo avait beaucoup changé depuis l’annonce de son développement en 1991. L’Atari ST et l’Amiga qui avaient jusque-là dominé un marché micro 16 bits fleurissant, sont sur le déclin. Le renouvellement trop tardif des gammes avec les micro-ordinateurs Atari Falcon 030 et l’Amiga 1200 associé à des errements stratégiques des direction de ses deux sociétés aboutira à la fermeture d’Atari France et de Commodore France en 1994. Tel des frères ennemis, liés à la vie, à la mort.

Si pour Atari et Commodore l’avenir semble plié, le marché du jeu vidéo lui continue. Depuis quelques temps, les joueurs n’ont plus d’yeux que pour les consoles japonaises Super Nes, Megadrive en tête mais aussi PC-Engine plus ancienne et moins puissante mais qui garde un public d’inconditionnel, des machines consacrées exclusivement au plaisir du jeu et sur lesquelles on trouve essentiellement des shoot'em up, beat'em all, jeux de plateforme et quelques RPG. Pour les jeux d’aventure, c’est une autre catégorie de joueurs qui se tournent principalement vers le PC qui avec ses modes VGA et S-VGA en 640x480 256 couleurs semble taillé sur mesure pour les amateurs les plus exigeants de point & clic. Bien sûr cela a un prix et ce n’est pas pour toutes les bourses. Parallélement l’arrivée des premières productions sur CD-rom bouleverse complétement le marché du jeu et l'attente du public, avec des productions toutes plus folles les unes que les autres comme « DUNE CD-Rom », « The 7th Guest » ou un FPS qui fera longtemps parler de lui « Doom ». Ces nouveaux jeux changent la donne et relèguent au rang d'antiquité nos bien aimés 16 bits qui ont pris en un an un sacré coup de vieux.

Et c’est dans ce contexte difficile pour nos vieux micros que Lankhor sort en 1993 « Black Sect ». Son échec sera tellement retentissant pour Lankhor qu’il impacte fortement les finances de la société et sa stratégie mettant un coup de frein à ses futurs produits dont le tant attendu « Sukiya ».

Black Sect n’a pas du tout marché, beaucoup d’investissement pour 1000 ventes…çà a consommé les bénéfices de Vroom !

Quand j’ai vu ensuite les produits à la Myst, j’ai pensé que c’était dommage, on a raté un virage. Par la suite, on a bien essayé de poursuivre le projet Sukiya, on l’a même fait grandement évoluer, en 3D, mais on n’était plus éditeur, et on n’a trouvé personne qui en voulait. En fait on n’avait même plus les moyens de le produire.

Jean-Luc Langlois – Co-fondateur de Lankhor

Mais pour mieux comprendre cet échec, remontons deux ans plus tôt….

En 1991 après trois ans de développement tumultueux le tant attendu « Vroom » sort enfin sur Atari ST, et quelques mois plus tard sur Amiga et PC. Malgré cette longue attente, tellement longue qu’on en était à se demander s’il sortirait un jour, le jeu rencontre un énorme succès. Le résultat est tout simplement stupéfiant, Lankhor réussit encore une fois un coup de maître et montre toute sa maitrise, tout son savoir-faire faisant que ces jeux se démarquent des productions standards. Le jeu est salué par tous, la presse, les joueurs et fait l’unanimité en décrochant le fameux Tilt d'or 1991 de la Meilleure Simulation sportive sur ST/Amiga.

Mais Lankhor a surtout construit sa réputation auprès des joueurs c’est grâce à deux jeux d’aventure.

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« Jérôme, il y a longtemps... Quelle tristesse, Julia est morte. »

Le premier est sorti en 1987 et nous a plongé dans les mystères d’une vieille demeure des années 50 où une amie d’enfance, Julia Defranck vous demande de l'aide. A votre arrivée le couperet tombe, Julia est morte ! d'une embolie pulmonaire nous dit-on. Juste après avoir envoyé cette lettre... Etrange, non ? Une sombre affaire qu’il faudra dénouer grâce à une enquête qui commence par la fouille méticuleuse des lieux, la collecte d’indices mais aussi en interrogeant les différents protagonistes de ces lieux. Un huit-clos passionnant s'inspirant des romans d'Agatha Christie. Chose peu commune pour l’époque les personnages parlent grâce à une synthèse vocale révolutionnaire créée par Jean-Luc Langlois et sa soeur Béatrice. Les réponses étaient certes un peu robotiques, un peu hachées mais l’effet pour l’époque était saisissant, incroyable, presque impossible, les micro-ordinateurs ST et Amiga se mettaient à parler de vive voix. Le « Manoir de Mortevielle » marqua durablement toute une génération et l’histoire du jeu d’aventure. C’est un premier jeu pour Lankhor mais un coup de maître.

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« Maupiti Island » restera le chef d’oeuvre de Lankhor [Amiga]

Trois ans plus tard, Lankhor remet le couvert avec « Maupiti Island », la suite du « Manoir ». Plus belle, plus passionnante, plus aboutie, cette nouvelle aventure propose ni plus ni moins qu’une enquête encore plus prenante mais bien plus complexe qui prend place cette fois sur une petite île en Polynésie française, proche de Bora-Bora. Là aussi il s’agit de résoudre une sombre histoire de disparition qui avec le temps se transformera en un crime avéré. L’enquête est difficile, très difficile mais grâce à ses graphismes magnifiques signés Dominique Sablons, sa synthèse vocale encore meilleure, ses musiques et effets sonores d’André Bescond et ses petites animations en tout genre, le jeu réussit à nous transporter sur ce petit bout de paradis, et le succès est encore une fois au rendez-vous. « Maupiti Island » sera le chef d’oeuvre de Lankhor.

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Bon pour arriver là, y a du taff.

Au terme de l’aventure quelques mots esquissent une nouvelle aventure policière, « Sukiya » parfois écrit « Soukiya », le pavillon de Thé où l’action se situe cette fois dans un monastère japonais sous les cerisiers fleuris d’un jardin zen. D’après le manuel de Maupiti le jeu sortirait pour octobre 1990 ! ... ben voyons.

En 1991 après le succès critique et commercial de « Vroom », beaucoup regarde avec une certaine impatience vers cette suite qui a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs previews prometteuses dans les magazines Génération 4 ou Joystick faisant entrevoir le meilleur pour cette nouvelle aventure. Malheureusement comme souvent avec Lankhor, la sortie est maintes fois repoussée mais tant que le jeu sorte et s’annonce superbe on est prêt à faire quelques concessions. Les divers écrans présentés dans la presse sont superbes et le jeu s’annonce comme l’apothéose du jeu d’aventure sur micro 16 bits et du savoir-faire de Lankhor.

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Une des previews de Black Sect et ... Suriya et pourquoi pas Surimi tant qu'on y est ? [Joystick 34]).

Dans le magazine Génération 4 n°39 de décembre 1991 page 74 à la question d'un lecteur sur quand sortira Sukiya, le journaliste répond par ces quelques mots assez justes et révélateurs :

Lankhor annonce le jeu pour juin...il faut cependant savoir que le calendrier lankhorien comporte 16 mois de 5 semaines de 10 jours de 30 heures, ce qui veut dire qu'en temps "corrigé" par la rédaction, Soukiya devrait être prêt pour Noël 92.

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Première preview de « Black Sect » sur Atari ST [Gén4 N°35/juillet 1991]

Pourtant durant l’été 1991, Lankhor prend tout le monde de court en annonçant une conversion que personne n’attendait, celle d’un jeu d’aventure sortie sur Amstrad CPC en juin 1990 « La Secte Noire ». Un développement qu'on comprend au détriment de Sukiya dont la sortie semble du coup encore repoussée. Dans son numéro 35 de juillet 1991, le magazine Génération 4 affiche quelques images d’une préversion 16 bits de la « Secte Noire », renommée pour l’occasion « Black Sect ». Dans cet article assez complet d’une page quelques images préliminaires plutôt agréables sont dévoilées, le jeu a l'air bien avancé. Il est indiqué qu’il ne s’agirait pas d’une grosse production mais d’un petit jeu d’aventure, sans synthèse vocale, une sorte d’amuse-bouche avant le tant attendu « Sukiya ».

L’idée de faire une version 16 bits de ce jeu CPC n’est pas nécessairement mauvaise pour peu qu’elle ne retarde pas encore plus la sortie de « Sukiya » mais comme nous y reviendrons plus tard ce fut évidemment le cas et tout le monde l'attend « Lankhor » (bon il fallait bien que je la place quelque part).

LA NAISSANCE DE LA SECTE NOIRE

Sorti en juin 1990 sur Amstrad CPC « La Secte noire » est un jeu d’aventure imaginé, programmé et réalisé par Jean-Pierre Godey et par Jean-Claude Lebon.

J-C Lebon, le graphiste et scénariste du jeu raconte dans une interview la naissance de ce projet alors qu’il n’avait aucune connaissance dans ce domaine.

Se lancer dans la conception d’un jeu était du domaine du faisable. Toujours jouer fait qu’un moment on se dit pourquoi ne pas tenter le coup devenir créateur à son tour.

Jean-Pierre Godey était lui aussi d’accord, donc « La Secte Noire » fut ainsi faite. Jean-Pierre s’est plus tourné vers la programmation et moi, j’ai commencé un scénario.

J’ai déjà commencé par établir une trame tout en sachant que les images collent à l’histoire. J’ai débuté par de petits graphismes sur papier et Jean-Pierre Godey s’est beaucoup plus penché sur la création d’un utilitaire graphique, car à cette époque, sur Amstrad il n’y avait pas grand-chose de bien terrible…

Jean-Claude Lebon – concepteur de « La Secte Noire » CPC

Malgré sa qualité intrinsèque, dans un premier temps le jeu ne trouve pas d’éditeur car le marché sur cette machine est quelque peu tombé en désuétude. Les micro-ordinateurs stars de cette période, ce sont l’Atari ST et l’Amiga. Seul Lankhor et plus précisément l’un des co-fondateurs, Bruno Gourier se montre pourtant intéressé.

Trouver un éditeur qui accepte n’était pas évident. Plus personne ne croyait à l’Amstrad. Atari et Amiga dominaient déjà le marché. Donc les chances étaient assez minces. J’ai contacté plusieurs éditeurs « UBI-SOFT, LORICIELS des grosses sociétés de ce genre mais ARH!! : Plus d’Amstrad !!!

Leur choix c’était Atari Amiga et PC. La déception… mais avec de la motivation je me suis tourné chez Lankhor.

Un rendez-vous fut donné par Bruno Gourier et, le soir en rentant de l’entretien le téléphone a sonné…La nouvelle était super bonne. « La Secte Noire » allait être éditée. Voilà le gros de l’histoire.

Jean-Claude Lebon – concepteur de « La Secte Noire » CPC

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Le mystère de la porte blindée... [Amstrad CPC]

En 1990 Amstrad met fin à la production de cet ordinateur anglais mythique, faisant place aux nouvelles gammes : les ordinateurs CPC+ et la console GX-4000. « La secte noire » trouve néanmoins son public grâce à la qualité de sa réalisation, réussissant à prouver aux autres sociétés qu’il y avait encore en France un potentiel commercial sur cette machine. Un nouvel engouement semble alors s’emparer de ce vieux micro et de nouveaux jeux sont annoncés par différentes éditeurs pour le plus grand plaisir des possesseurs d’Amstrad.

Et alors qu’on le pensait fini et enterré, les années 1990-91 voient fleurir de petites pépites parmi les meilleurs jeux sur cette machine asthmatique sans doute aidé par la maitrise que les développeurs avaient fini par acquérir avec les années sur ce 8 bits si populaire en France. La liste est longue : Targhan (Silmarils), Sly Spy (Ocean), B.A.T (Ubi Soft), The Simpsons (Ocean), Teenage Mutant Hero Turtles II (Mirrorsoft) etc… et même Turrican 1 et 2 (Rainbow Arts), Lemmings (Psygnosis) et Final Fight (U.S Gold).

Après avoir travaillé sur « La Secte noire », Jean-Pierre Godey et Jean-Claude Lebon reprennent du service en travaillant sur « Mokowe », un jeu se déroulant dans la savane puis sur une suite à la secte « La Crypte des Maudits » encore meilleure et toujours édité par Lankhor.

La société compte bien surfer sur ce petit marché en éditant d’autres jeux de développeurs indépendants sur CPC avec plus ou moins de succès, parmi lesquels on trouve « SDAW », « Fugitif », « Saga », « Alive », « Infernal House », « Silva », « Survivre ».

UN DEVELOPPEMENT CHAOTIQUE

Ce n’est qu’après avoir livré ces trois jeux début 1991 que l’idée de faire une version 16 bits est évoqué comme l’explique Jean-Claude Lebon.

Lankhor, enfin, surtout Bruno ! décida d’adapter « La Secte Noire » sur d’autres machines. Voilà donc, c’était reparti pour un long moment. Il m’a fallu réécrire le scénario avec un maximum de choses en plus, vu que les machines étaient plus puissantes et bien sûr cela a duré une année.

Jean-Claude Lebon – concepteur de « La Secte Noire » CPC

Il faut dire que Bruno Gourier, co-fondateur de Lankhor, créateur du « Manoir de Mortvielle » et le programmeur de « Maupiti Island » s’était fortement investi pour faire éditer ce jeu indépendant sur CPC, aussi il pousse dans cette direction et prend en charge le développement de la version ST de « Black Sect ».

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L’éditeur de jeu d’aventure interne à Lankhor

Christian Droin prend en charge la version Amiga. Pour faciliter le développement, il conçoit un éditeur interne sur Atari ST pour créer des jeux d’aventure. Cet éditeur (téléchargeable ci-contre) fonctionne en moyenne résolution (640x400) et permet grâce à divers menus très complet d’implémenter des lieux, des zones d’interactions, des personnages, des objets et des actions. On y retrouve aussi la notion de durée de l’aventure (3 jours max) ainsi que la temporalité des événements. La version de cet utilitaire que j’ai pu me procurer est très instable et assez complexe à paramétrer. Je suppose que pour implémenter l’ensemble des interactions du joueur avec les personnages et les objets cela nécessitait d’abord de travailler sur un arbre de décision sur papier qu’il fallait ensuite retranscrire dans cet éditeur. Rien ne semble exister sur l’implémentation musicale qui devait donc se faire bien plus tard.

De son côté Jean-Luc Langlois continue à travailler sur les versions de « Vroom data-disk » (1992) puis « Vroom Multiplayer » (1993), une version Megadrive sous le nom « F1/Formula One » (1993) édité par Domark, un virage pour la société qui n’avait jusque-là jamais sorti de jeu sur console.

Malgré l’aide de Christian Droin sur la partie programmation, toutes ses versions de « Vroom » ont un impact important sur l’ensemble des autres jeux de la société notamment « Sukiya » qui ne cesse d’être repoussé. Pour gagner du temps, Jean-Luc Langlois décide même de travailler à domicile et s’éloigne petit à petit de son équipe tant la charge de travail est énorme, ne voyant pas que depuis quelques temps, l’ambiance n’est plus la même au sein de Lankhor.

Après Maupiti, je suis passé sur Vroom et j’ai travaillé beaucoup dans cette direction. Il y avait une personne qui était là pour le scénario de Sukiya, les dessins avançaient bien, on avait aussi fait un éditeur pour ce genre de jeu. Mais c’est alors qu’il y a eu des désaccords au sein de Lankhor : cet outil, fait essentiellement par Christian Droin, a été finalement utilisé en priorité pour la conversion de Black Sect, qu’on avait déjà sorti préalablement sur CPC.

Ce sont les prémices de la séparation de Lankhor : c’est évident qu’on aurait dû faire Sukiya. A cette période on ne travaillait peut-être plus assez en collaboration, je travaillais beaucoup à domicile sur Vroom.

Jean-Luc Langlois – Co-fondateur de Lankhor

Cette stratégie de la société de se concentrer sur « Vroom » n’est pas partagé par tous. Bruno Gourier n’avait pas souhaité se lancer dans la programmation de « Vroom » et aurait préféré que Lankhor se concentre plus sur les jeux d’aventure que de se disperser même si l’expérience sur « Maupiti island » a été compliqué selon ces dires.

On n’avait jamais d’argent !!! (Quelle époque de merde !!! Au bout d’un moment, ça ne faisait rêver que les gens extérieurs !!!) Pendant la réalisation, on couchait au pied des ordinateurs pour ne pas perdre de temps car on avait besoin d’argent et ce n’était pas sympathique du tout !!!

Bruno Gourrier– Co-fondateur de Lankhor

J-L Langlois se souvient aussi de cette période compliquée à la fin du développement de Maupiti.

La phase de test a été longue, et certains bugs n’ont été trouvés que sur le tard ; il a fallu refaire des masters ! On n’était pas nombreux, on n’était principalement que trois à faire le jeu. A la fin on a quand même connu quelques moments difficiles, le jeu avait d’ailleurs pris beaucoup d’ampleur et largement empiété sur notre vie privée.

Jean-Luc Langlois – Co-fondateur de Lankhor

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Sylvian Bruchon et Kad Merad à ses débuts sur les planches.

Cette expérience difficile explique peut-être en partie pourquoi Lankhor trainait un peu les pieds sur « Sukiya ». A cette époque le seul graphiste de Lankhor, Stéphane Polard travaille à la construction des circuits des différentes versions de « Vroom » mais aussi sur la suite de « Maupiti ». Sylvian Bruchon s'attèle activement à l'écriture du scénario de Sukiya, avant de partir sur les planches d'un petit théâtre parisien, le Funambule, avec un certain... Kad Merad, qui travaillait lui aussi chez Lankhor en mettant des jeux dans les boites pour payer ses cours du soir.

C’est ainsi que Serge Fiedos, la vingtaine, après un passage à l'école supérieure des beaux-arts d'Orléans, fait son entrée dans la société pour réaliser les graphismes de « Black Sect » sur ST/Amiga/PC. Si au départ le graphiste s’inspire librement de la version originale CPC, rapidement de nouveaux lieux sont créés comme l’auberge permettant à cette version 16 bits de se démarquer de son ainé. La création a sans doute commencé sur Atari ST mais rapidement les graphismes sont réalisés sur PC VGA en 256 couleurs puis downgrader sur micro 16 bits.

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Quelques croquis de conception pour les lieux.

Si les versions ST/Amiga n’ont pas à rougir face à la version PC, les couleurs restent plus ternes et bien évidemment la palette moins étendue que sur la très belle version PC VGA 256 couleurs.

Graphiquement le jeu est très propre, les écrans de jeu sont très soignés, animés, colorés (attention c’est du 16 couleurs sur ST/Amiga ne vous emballez pas non plus). Chaque écran donne lieu à quelques bruitages (rivière, corbeau, etc..) pas révolutionnaire mais c’est un réel plus pour se plonger dans l’ambiance du jeu. Bref de ce côté-là vraiment rien à redire et si le reste avait été du même acabit on aurait été en face d’un très bon jeu d’aventure.

Il est néanmoins dommage que durant toute son existence Lankhor ait toujours négligé les capacités de l’Amiga et de ces différents modes graphiques (320x256 en 32 couleurs), ni même pensé au mode Half-brite qui permettait d’utiliser 64 couleurs (32 couleurs et ses nuances) ce qui pour un jeu d’aventure aurait pu faire une grosse différence, préférant recopier inlassablement une version ST (320x200 en 16 couleurs) certe jolie mais bien inférieure à ce que aurait pu proposer la machine de Commodore. Même en 1990, Lucasfilm proposait « Secret Of Monkey Island » en 32 couleurs sur Amiga !

MAIS LE JEU DANS TOUT CA ?

Point de départ de tout jeu d’aventure, pour ceux l'ayant acheté, le manuel. Dans un long préambule de presque 8 pages, on peut y lire des informations détaillées sur le phénomène sectaire, leur hiérarchie, l’enrôlement et évidemment les dérives de ces groupes le tout avec quelques références bibliographiques.

Après avoir vite expédié en quelques lignes un scénario qu'il faut dire bien peu étoffé, l’interface est expliquée en détail et là ce n'est pas moins de 11 pages pour comprendre le fonctionnement du jeu, qui semble en premier lieu loin d’être aussi intuitif.

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L’introduction met bien dans l’ambiance. [Amiga]

Le jeu commence par une introduction du plus bel effet où l’on voit une ombre se faire poignarder par un adepte de la secte et le grimoire se faire dérober, s’ensuit alors une sorte de rituel obscure où le grimoire est brandit en l’air et le titre du jeu s’affiche.

Dès les premières notes on reconnait la partition musicale d’André Bescond, le compositeur des superbes musiques de « Maupiti island », plus mystérieuse, plus rythmée mais avec ses sons qui ont une tonalité particulière assez reconnaissable. Néanmoins durant le jeu la musique sera quasi absente au profit d’effets sonore, sauf pour les fins de partie.

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Bonjour l’hospitalité locale. [Amiga]

A l’entrée du village, personne n’est là pour vous accueillir. Vous le sauveur d’Isségeac ! Quelle bande d’ingrat ! Pas un chat ou plutôt si un chat noir évidemment qui se lèche les papattes et qui griffe en plus ! c’est le chat de l’aubergiste,

Justement l’auberge du village « Le chat qui miaule », un bon moyen pour se renseigner sur cette secte. Aussitôt entrer, aussitôt sorti. Le gérant est aimable comme une porte de prison. « Il ne fait pas crédit » me dit-il. Aucun renseignement non plus si ce n’est qu’il semble attiré par l’argent. Peut-être une piste…

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Comment ouvrir une porte blindée ? [Amiga]

A l’Est, une sorte de bunker avec une porte blindée, un lieu qui porte le doux nom de « Ruines du pendu ». Sur l’arbre, effectivement est pendu le cadavre d’un nain ! Un endroit bucolique à souhait. Cette porte vous intrigue ! Que se-t-il cache derrière ? En vous approchant plus près, des bruits de pas se font entendre derrière la porte. Vous y avez passé sans doute un bon moment à chercher. Mais comment ouvrir cette foutue porte ? avec une clé ? un mécanisme ? Mais rien, non rien n’y fait.

Inutile de vous faire languir plus longtemps, la porte blindé ne s’ouvre tout simplement pas, c’est un piège sournois des concepteurs du jeu comme l’explique J-C Lebon.

La porte blindée… Je crois que celle-ci était plus là pour bloquer un peu le joueur…Aimant jouer aussi, c’était un petit plus!. Pas mal de personnes cherchaient une solution afin de l’ouvrir. Mais c’était un leurre qui a fait couler de l’encre.

Jean-Claude Lebon – concepteur de « La Secte Noire » CPC

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Vous verrez souvent cet écran [Amiga]

Au nord un pont traverse une rivière. Une paysanne y lave son linge. Encore plus loin une impasse et un artisan rémouleur qui réclame une bague pour passer. Mais bien sûr. Evidemment vous le tabassez mais cela finit par se retourner contre vous et l’aventure est déjà finie ! Oui car la mort guette chacun de vos pas dans « Black Sect ». Morsure de vipère, noyade, chute dans un trou, mauvaise rencontre… autant de morts sournoises qui vous attendent. Heureusement vous pouvez sauvegarder votre progression.

L’aventure est difficile, et progresser ne se fera qu’au terme de longues heures de recherche méticuleuse, à cliquer sur chaque pixel, à faire des actions parfois incongrues pour espérer trouver un indice ou enclencher un mécanisme. Le jeu propose néanmoins de voir son pourcentage de progression dans l’aventure malheureusement cette donnée n’est rafraîchit qu’une seule fois par heure si bien que vous ne savez pas précisément quelle action a influé sur votre progression.

La première des différences et non des moindres par rapport à « Manoir de Mortevielle » et « Maupiti Island », c’est que « Black Sect » n’est pas une enquête policière. Il n’est d’ailleurs pas présenté comme telle dans la notice du jeu, c’est ce qu’on pourrait appeler un jeu d’aventure à l’ancienne. Dans son mécanisme de jeu, le gameplay se rapproche plus de titres comme « Les Portes du Temps » (1989) ou « Explora » (1988) que de ses illustres prédécesseurs. Comprenez que vous ne pourrez pas interroger les personnages rencontrés mais seulement interagir avec eux par exemple en leur donnant un objet. Ainsi dès votre arrivée dans le village pour y retrouver ce fameux grimoire dérobé par la secte vous ne pourrez poser aucune question aux habitants, ce qui peut paraitre assez problématique, voir illogique. Résoudre l’aventure consiste donc à trouver la succession des actions à enchainer avec le bon timing alors que dans « Maupiti » c’est la succession de vos questions avec les personnages rencontrés qui font naitre des hypothèses sur les faits et les suspects possibles. Dans l’un vous êtes un enquêteur, l’aventure n’est pas linéaire et dans l’autre vous subissez un peu celle-ci, c’est tellement linéaire que vous êtes relegué au rang d'un spectateur impassible. Un peu comme si vous passiez du rôle de Sherlock Holmes à celui de Dr Watson. Bon je tire volontairement le trait mais vous l’aurez compris, l’un est plus immersif que l’autre.

Cela abouti évidemment à un manque d’implication du joueur dans l’aventure. Ce n’est pas très captivant et au final assez décevant surtout au vu de ce que Lankhor nous avait habitué jusqu’alors. On aurait peut-être pu leur pardonner en 1990 mais à sa sortie en 1993 le jeu avait déjà pris un sacré coup de vieux.

En dehors de cela, le jeu est aussi volontairement ou involontairement difficile par des choix de conception plus que discutable.

Durant votre quête, vous serez amené à récupérer des objets, certains auront une utilité, d’autres non. Trouvé lesquels sont utiles, comment et où les utiliser est déjà une tâche complexe, à cela vient s’ajouter un inventaire limité à cinq objets. La récupération d'un nouvel objet se fera au détriment d'un autre, le surplus devra être déposé et cela vous obligera à revenir de nombreuses fois rechercher des objets déposés à un endroit, devoir en déposer d’autres, pour pouvoir les utiliser à un autre endroit. Cette limite absurde gonflant artificiellement la difficulté du jeu est en fait plus un handicap à l’aventure car à la différence encore de « Maupiti » dans cette aventure vous ne pouvez pas vous déplacer directement d’un lieu à un autre mais à l’ancienne écran par écran (Nord-Sud-Est-Ouest), ce qui signifie qu’à chaque changement de lieu ce sont des temps de chargement interminables et une certaine lassitude qui vous gagne. D’autant plus que la notice ajoute un point important « Toutefois votre force étant limitée, le nombre d’objets possédés sera fonction de leurs poids et de leurs volumes. » parce que sinon vous comprenez ça serait trop facile.

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L’interface du jeu. [Amiga]

Malgré cela, on sent une « petite » volonté de dépoussiérer l’interface vieillissante qu’on connaissait sur les précédents jeux. Un effort louable mais dans les faits le résultat l’est beaucoup moins car l’interface est peu intuitive, plombé par des fenêtres surchargées d’icônes, entachée par une succession de clic pour faire une action simple.

Cette nouvelle interface affiche plusieurs zones :

- Zone 1 – C’est la fenêtre principale du jeu affichant le lieu, les personnages

- Zone 2 - Cliquer sur Lankhor pour afficher votre pourcentage de progression dans l’aventure. Attention les données ne sont rafraichies qu’une fois par heure. Cliquer sur l’heure pour avancer d’une heure, sur minute pour avancer de 5minutes, sur le jour pour avancer de 24 heures et sur AM/PM pour avancer de 12 heures.

- Zone 3 – Cliquer sur la bouée de sauvetage pour afficher l’aide sur un lieu ou un objet. Malheureusement bien souvent cette aide ne vous sera d’aucune utilité aux vues des réponses renvoyées par le système.

- Zone 4 – Affiche l’objet actuellement dans votre main et d’en changer

- Zone 5 – Le(s) objet(s) déposés dans ce lieu sont représentés par un tiroir. Si c’est vide c’est que vous n’avez déposé aucun objet.

- Zone 6 – Le Clap « Action » permet de faire des actions sur l’objet en main (et uniquement celui-ci).
Si vous cliquer sur la partie supérieure du clap
7 actions possibles : Regarder, prendre, fouiller, lire, utiliser, sentir et toucher.
Si vous cliquez sur la partie inférieur un petit damier s’affiche permettant de faire les actions ci-dessus sans les nommer. J’avoue que je n’ai pas bien saisie l’utilité du truc ni le gain de temps…

- Zone 7 – Faire des actions sur l’objet en main (et uniquement celui-ci).

Pour se déplacer il faut cliquer sur un icône qui ouvre une nouvelle fenêtre affichant les directions possibles, soit deux clics, et ajoutant cette limite de cinq objets à la fois, et qu’il est impossible de se déplacer directement du village vers un lieu plus éloigné, tout parait plus complexe, plus long et plus fastidieux.

Un autre exemple est la manière d’utiliser un objet. Le menu d’action renvoi une multitude de possibilités comme « Mettre », « Tourner », « Appuyer », etc… certaine vous ne les utiliserez qu'une seule fois ! Ainsi « Utiliser écu sur le tavernier » renverra un « Ce n’est pas nécessaire… » ou un « Restons sérieux » alors que l’action « Donner écu au tavernier » fonctionne. Tout est une question de sens. Il aurait été bien plus conviviale d’avoir 2/3 actions de bases comme « Utiliser », « Actionner », « Regarder » répondant à la plupart des situations.

Une simple action comme « Donner pain à mendiant » prend un temps infini qui se finit parfois en queue de poisson avec un lancinant message « C’est sans intérêt ». Heureusement le clic droit permet de réexécuter la dernière action mais cela reste néanmoins assez laborieux à l’utilisation, peu intuitif et pas ergonomique du tout. Ajoutons à tout cela qu'un objet doit se trouver obligatoirement dans votre main pour pouvoir interagir avec, par exemple si vous voulez le donner à un personnage, il faut cliquer sur l’icône inventaire, cliquer sur l’objet, le sélectionner pour qu'il se retrouve dans votre main, et seulement vous pourrez cliquer sur l’icône action, puis cliquer sur le personnage.

Autre point, la difficulté de l'aventure, contrairement à « Maupiti Island », « Black Sect » a été pensé lors de sa conception pour être plus accessible. Malheureusement plus accessible est un bien grand mot, et vous constaterez rapidement que le jeu reste difficile et vous serez rapidement bloqué.

Pour ne pas rester bloqué, Lankhor a eu la très bonne idée de rajouter une aide représentée par une bouée de sauvetage. L’utilisation de ce bouton renverra un message censé vous guider, vous aiguiller normalement dans cette aventure.

Malheureusement le système d’aide renvoie des réponses aussi énigmatiques que les phrases de Dumbledore dans Harry Potter. Ainsi vous aurez droit à un « Patience et discrétion seront récompensées ! », ou encore « On passe ou on ne passe pas… » quand il ne vous envoie pas carrément balader avec « Je ne peux rien pour toi ici ! » ou « Ce n’est pas à moi de t’aider ! ». Bonjour l’aide ! Autant vous dire que ce n’est pas avec ce type de message que vous pourrez progresser.

Au final si « La secte noire » a été un succès sur CPC car ces concepteurs ont délivré avec brio un jeu utilisant au mieux les capacités du 8 bits, pour les possesseurs ST/Amiga et encore plus sur PC c’est tout autre chose et on en attendait un peu plus un jeu en adéquation avec les capacités de ces machines.

Ce constat est partagé autant par Jean-Luc Langlois que par Bruno Gourier.

Au lieu de se disperser, nous aurions mieux fait de continuer sur les softs d’aventures et d’insister sur les softs éducatifs. Peut-être serait-on encore ensemble et la boite fonctionnerait peut-être encore…

Mais avec des peut-être, on refait le monde…

Bruno Gourrier– Co-fondateur de Lankhor

Concernant l’illustration sur la boite du jeu, c’est l’oeuvre de Stéphane Polard, qui avait réalisé celle originale sur Amstrad CPC, seul le titre change. Concernant l'existance d'une démo de Sukiya, le graphiste a indiqué :

Il n'existe aucune démo. La programmation n'a jamais été commencée puisque celui qui était en charge de s'en occuper n'avait pas terminé celle de Black Sect!... Petit problème de dépassement de délais de quelques mois!...A bon entendeur, salut!....

Stéphane Polard – Grahiste chez Lankhor

Malgré les différentes langues au verso de la boite de "Black Sect", le jeu n’est jamais sorti officiellement en anglais ni en allemand mais la traduction avait été partiellement implémenté comme le code source le confirme. Par la suite des versions homebrew traduites dans différentes langues ont été réalisées par des passionnés ainsi qu'un remake PC amélioré au niveau de l'interface de 2012.

Le jeu n'a été produit qu'à quelques milliers d'exemplaires (on parle de 3000) et il ne s'en vendra qu'un millier d'après Jean-Luc Langlois. C'est donc un désastre financier pour la petite société.

CRITIQUE DE LA PRESSE

Si en 1991 les magazines spécialisés semblaient enthousiastes pour ce nouveau jeu, en 1994 c’est une autre histoire. L’attente se porte maintenant sur les nouvelles générations de jeux : RPG, FPS, RTS… comme Dune II ou Doom.

Alors que « Maupiti Island » avait bénéficié de 3 pages de test dans le Tilt n°78 de mai 1990, « Black Sect » se voit relégué à quelques lignes en fin de magazine, comme c'était le cas pour les petits jeux budgets voir les flops.

Dans le Génération 4 n° 62 de janvier 1994, le jeu obtient la note de 76% sur PC et on peut y lire :

Black Sect risque de ne charmer que les aficionados de l’aventure. Bien que se présentant un peu comme Maupiti Island, le jeu possède des graphismes à peine aussi jolis et une interface qui désoriente au premier abord. La partie se caractérise souvent par : Si tu fais ce qu’il ne faut pas tu meurs.

Le Joystick N°45 de janvier 1994 teste la version PC sur une pleine page avec au final un pas si mal 78% critiquant au passage une interface assez lourde :

On l’attend depuis très longtemps, un peu trop d’ailleurs. Si l’intrigue est prenante, l’interface de jeu reste peu maniable… « Black Sect » fait partie de la génération précédente des jeux d’aventure, avec toutefois une interface entièrement graphique. Le maniement des icones est extrêmement lourd et il est parfois nécessaire de cliquer trois ou quatre fois pour accomplir une action d’une simplicité extrême. A titre d’exemple déposer un objet nécessite cinq clics de souris.

Le Génération 4 n°63 de février 1994 teste les versions ST/Amiga et obtient une note honorable et équilibrée de 75%.

Avec un système de jeu que je trouve assez peu convivial et une réalisation à partir d’images fixe, Black Sect n’est pas vraiment un jeu de son époque. La réalisation est quant à elle plutôt à la hauteur avec des graphismes très propres quoiqu’un peu ternes, que ce soit sur Atari ST ou sur Amiga.

Le Joystick N°46 de février 1994 teste uniquement la version Atari ST sur une pleine page, obtenant un très beau 83% mais regrette un système d’icônes plutôt pénible.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce jeu d’aventure basé sur le monde des Sectes n’est pas ce que l’on a vu de mieux sur le plan technique. On pourrait même parle de retour en arrière. Le système d’icône qui parait pourtant cool s’avère pénible à l’emploi. En guise de revanche, Lankhor nous offre des graphismes de qualité notamment sur ST. Le trait est fin et les détails visibles. Ils sont d’ailleurs identiques sur Amiga ce qui est un peu dommage vu la supériorité de cette machine en ce domaine.

Dans l’Amiga Revue N°64 de mars 1994, le jeu n'obtient qu'un pauvre 67%

Si le jeu aurait fait fureur il y a cinq ans, il n’intéresserait que les nostalgiques ou les débutants de nos jours… Hélas, l’interface pour les gérer n’est pas réellement un chef d’oeuvre de convivialité et d’ergonomie.

Enfin l’Amiga Concept N°1 de février 1994, dans un calcul qui m’échappe un peu, met un très beau 91% mais le détail de ces notes graphismes, son, etc… est plutôt aux alentours de 75-80%. Le journaliste encense les graphismes mais fustige la prise en main délicate et les énigmes balaises.

L’APRES BLACK SECT

Après son départ de Lankhor en 1994, Bruno Gourier abandonne définitivement le secteur du jeu vidéo pour se lancer dans une carrière de prof de danse, puis fait des spectacles de contes et de marionnettes. De son côté, Lankhor abandonne son statut d’éditeur pour se consacrer uniquement au développement mais aussi le développement de Sukiya !

Serge Fiedos quitte Lankhor pour partir chez Delphine Software où il travaillera sur « Shaq Fu » puis sur « Fade To Black » avant de revenir chez Lankhor pour travailler sur les jeux de Formule 1 édités par Eidos interactive, par la suite l'illustrateur retourne à ses premiers amours l'illustration et la bande dessinée.

Pendant quelques années Lankhor connait une période à vide et se concentre sur les consoles, elle a du mal à trouver l'élan nécessaire pour prendre le virage PC CD que d’autres ont réussi à prendre déjà depuis quelques temps comme Cryo ou Ubi Soft. La société travaille même sur un projet de lunette 3D mais sans le concrétiser. En 1995 sort « Kawasaki Superbike Challenge » sur Game Gear, Mega Drive et Super Nintendo qui sera édité par Domark et Time Warner Interactive.

Début 1996, Daniel Macré, le créateur de Vroom, rejoint Jean-Luc Langlois à la direction de la société. ll sera un contributeur important aidant la société à prendre enfin le virage des jeux PC en signant un contrat de développement pour des jeux de Formule 1 sous licence FIA avec l'éditeur britannique Eidos Interactive. Un nouveau moteur 3D est créé, suivra en 1999 « Official Formula 1 Racing » et en 2000 « F1 World Grand Prix », édité par Eidos Interactive puis « Warm Up! » cette fois édité par Microïds suite à une défection d’Eidos.

Je me suis réinvesti dans Lankhor à partir du printemps 1995 tout en continuant à travaillé pour DEC. Lankhor battait de l’aile à ce moment et n’avait plus de locaux. Bruno Gourier avait quitté la société. Avec Jean-Luc, Christian et Béatrice, nous avons cherché à développer de nouvelles idées (jeux, lunettes 3D, etc.). Ce n’est qu’à la fin 1995 que nous avons signé avec Eidos (qui venait de racheter Domark) pour un jeu de F1 (sur la base d’un avant-projet et sur la réputation du jeu F1 publié par Domark). Le temps de trouver des locaux à Voisin-le-Bretonneux et de recruter, j’ai quitté DEC et j’ai rejoint Lankhor en tant que directeur début mars 1996 , Jean-Luc prenant le job de directeur technique. En sortirons Official Formula One (PC, PS One), F1WGP (PC, PS One) édités par Eidos, puis Warm Up! édité par Microïds.

Daniel Macré, créateur et programmeur de Vroom

Après l'annulation d'un important contrat, la société est dans une situation financière insurmontable et ferma ses portes fin 2001 mais réussira in-extremis à faire éditer « Ski Park Manager ».

COMPARAISON DES DIFFERENTES VERSIONS

Un petit échantillon de quelques images des différentes versions (dans l'ordre Amstrad CPC, Amiga et PC)

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EN CONCLUSION

ON AIME...
+ Graphismes soignés
+ Le thème des sectes, pas commun
+ L'introduction et sa musique
ON AIME MOINS...
- Un sous-Lankhor
- Interface dépassée
- Ce n'est pas une enquête policière
- Pas de synthèse vocale !

Sans doute le signe révélateur des difficultés et des divisons internes qui s’étaient opérés depuis quelques temps chez Lankhor, « Black Sect » n’est tout simplement pas à hauteur. Pas à la hauteur des standards de l’époque. Pas à la hauteur des productions précédentes de Lankhor. Pas à la hauteur des presque trois ans de développement qu'il a nécessité. Son échec cuisant nous privant pour toujours d’une suite à « Maupiti ». Si çà c'est pas de la malédiction !

DOCUMENTS ARCHIVES

black sect - Facture fourreau
black sect - Facture manuel
REVIEW
EN VRAC
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