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Atari - 1982


TEST sur Atari 2600


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INFORMATIONS

Genre :

Action/Aventure

Sortie :

1982

Développeur :

Atari

Langue :

Anglais

Support(s) :

Atari 2600

PEGI :

7
CONCEPTION

Atari 2600


Concepteur :

Howard Scott Warshaw
PLAYLIST
ATARI
[1972] Pong
[1976] Breakout
[1978] Space Invaders
[1981] Yars' Revenge
[1981] Raiders Of The Lost Ark
[1982] Pole Position
[1982] E.T. The Extra-Terrestrial ./images/jeux/E.T.png
[1982] Alien
[1986] Super Sprint
[1989] Bad Lands
MAGAZINES
TILT #3
[jan 1983]
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TEST

C’est l’un des mythes les plus connus de l’histoire du jeu vidéo, une de ses histoires qui a enflammée la toile pendant des années avec son lot de fantasmes, d’exagération et de bashing. Le tristement célèbre jeu vidéo E.T. sorti à Noël 1982 était si mauvais que sa société Atari a préféré enterrer des millions de cartouches d’invendus dans le désert pour s’en débarrasser. Une part de vérité certe mais entourée de beaucoup de fausses informations. En 2014 des fouilles sont entreprises dans une décharge du Nouveau-Mexique révélant qu’Atari s’était débarrassé de cartouches d'E.T. mais aussi de tout et de n’importe quoi pour des raisons fiscales.

C’est l’occasion de revenir sur cette histoire et les raisons de ce désastre. Une histoire passionnante, une période charnière et tumultueuse du jeu vidéo qu’il fallait que je vous raconte.

Le vaisseau spatial d’ « E.T. » s’est crashé sur la Terre. Heureusement il a trouvé en Eliott, le petit garçon qui l’a recueilli, une âme généreuse et charitable. Il aurait pu rester chez son nouvel ami, se faire dorer la pilule au soleil, boire des bières et manger comme un gros profiteur. Oui mais voilà la Terre ça craint. C’est pollué, les voitures elles volent pas mais se font volées, la télévision cathodique c’est moche et les jeux vidéo sur Atari 2600 sont tout pourris. Alors évidemment il faut le comprendre « E.T » veut se casser au plus vite de là et repartir sur sa planète. Votre mission est donc d’aider ce gros ingrat d' « E.T. » à retrouver les trois pièces de son communicateur transgalactique (en fait un téléphone) pour l’assembler et appeler sa planète car oui malgré leur technologie ces donneurs de leçons extra-terrestres utilisent encore des téléphones ! ça craint aussi un peu chez eux, bref, en gros vous devez aider « E.T. » à retourner chez lui. Le big problème c’est que l'énergie d' « E.T. » se vide à vue d’oeil, le mettant en danger, il faut donc faire au plus vite !
Le jeu EuTé, c’est comme iti mais en français donc c’est mieux … ouff on a échappé au pire (1982)

« C’est le jeu vidéo qui vous met dans la peau d’ E.T. » disait la publicité à la télévision. Oui mais voilà « E.T. » c’est surtout le jeu vidéo qui vous met constamment dans un trou ! un foutu trou ! Certains disent même qu’il aurait mis toute l’industrie du jeu vidéo dans un gros trou, un gouffre financier qui a abouti au "Crash du jeu vidéo de 1983" ! Rien que çà.

Si pour beaucoup « E.T. » c’est un petit extraterrestre bedonnant qui s’est écrasé sur Terre et qui veut juste rentrer chez lui dans un conte pour enfant signé Steven Spielberg , c’est aussi une histoire plus complexe qu’il n’y parait, plus intimiste, renvoyant directement à l’enfance de son réalisateur, celle de ces familles monoparentales élevant seule leurs enfants, accaparées par leur travail, leurs responsabilités, n'ayant presque plus de temps à consacrer à leur propres enfants, et pour lesquels « E.T. » prend la forme d'un ami d'opportunité bienvenue... fusse-t-il imaginaire.

Pour d’autres ce nom sonne comme l'un des plus mauvais jeux vidéo jamais produit, qui a lui seul aurait engendré une crise d’ampleur dans le secteur pour terminer sa course au fond d’une fosse dans une décharge du nouveau Mexique où des millions de cartouches aurait été enterrées, un peu à l’image de ce trou où le petit personnage du jeu ne cesse de tomber sans arrêt.

LE PIRE JEU VIDEO DE TOUS LES TEMPS ?

J'ai fait le pire jeu vidéo de tous les temps !

Ce n'est pas mon avis. Pourtant c'est la conclusion retenue par de nombreuses listes depuis quelques temps. Allez sur Google, tapez "les pires jeux vidéo de tous les temps" et voyez ce que vous obtenez. D'innombrables fans et médias me rappellent régulièrement ce « fait ». En 1995, le magazine New Media a déclaré que mon jeu « E.T. » était si mauvais qu'il a causé à lui seul le crash du jeu vidéo du début des années 80, faisant s'effondrer une industrie aux revenus approchant les quatre milliards de dollars.

C'était tellement mauvais qu'Atari a dû l'enterrer profondément dans le désert juste pour se débarrasser de la puanteur ! C'est du moins la légende. Snopes.com dit que c'est vrai. Je l'ai toujours nié.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Mais que pense finalement son concepteur Howard Scott Warshaw de sa progéniture ?

Ce n’est pas un grand jeu, je pense que c’est un bon jeu. C’est un jeu solide, c’est un jeu complet.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Alors « E.T. » est-il le plus mauvais jeux vidéo de l'histoire comme certains l’affirment ? Et est-ce que l’échec commercial d'un jeu vidéo fusse-t-il aussi marketé qu' « E.T. » peut-il être responsable à lui seul de l'effondrement de toute une industrie ? La réponse est loin d’être simple et mérite qu’on s’y attarde puisqu’elle renvoi à toute une pratique de l’industrie du jeu vidéo du début des années 80 dont le représentant le plus célèbre est le géant américain Atari.

Toute histoire d’E.T. n’est qu’une petite partie de l’histoire d’ Atari

Manny Gerard - Co-chef exploitation Warner Communications Inc
(*) Extrait du documentaire « Atari : Game Over »

Au travers du jeu « E.T. » c'est l'occasion dans cet article de revenir sur une des périodes les plus troubles du jeu vidéo et d'apporter des éléments de réponses en fonction de chiffres sourcés, d'articles d'époque et d'interview de personnes clés de cette affaire dont celles de l’unique concepteur du jeu vidéo « E.T. » Howard Scott Warshaw.

Le programmeur a eu l'occasion de revenir à plusieurs reprises sur la période où il a travaillé chez Atari et les jeux qu'il y a développé de 1981 à 1984. Pour construire cet article je me suis donc basé notamment sur les sources suivantes :

- « Once Upon Atari » (documentaire, Howard Scott Warshaw, 2003)

- « Atari : Game Over » (documentaire, 2014)

- « Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari » (documentaire, 2017)

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Le livre d’Howard sur son expérience chez Atari, un livre unique et passionnant dans l’univers d’Atari au début des années 80

- « Once Upon Atari : How I made history by killing an industry » (« Il était une fois Atari : Comment j’ai fait l’histoire en détruisant une industrie »). Le livre passionnant d’ Howard Scott Warshaw (2020) sur son expérience chez Atari entre 1981 et 1984, une formidable plongé dans l’univers du géant du jeu vidéo au début des années 80.

- Articles d'époques du journal "New York Times".

Les liens vers l’ensemble des sources étant à la fin de l’article.

Cette histoire aurait pu commencer fin 1982 soit à la sortie du jeu « E.T. » pour les fêtes de Noël jusqu'au fameux crash du jeu vidéo l’année suivante, mais comme souvent pour comprendre le contexte, toutes les imbrications et les causes de ce désastre, il est nécessaire de remonter quelques années plus tôt…

LE RACHAT D'ATARI PAR …

En 1976 Emanuel (dit Manny) Gerard, co-chef d’exploitation chez Warner Communications Inc reçoit un appel :

J’étais dans mon bureau chez Warner, en 1976. Le téléphone a sonné, c’était un certain Gody Crawford, et il m’a posé une question que je n’ai jamais oubliée :

« Est-ce que ça vous dirait d’acheter une société de divertissement technologique et à forte croissance ? »

Et j’ai dit « oui ».

Je ne savais pas à quoi mais j’ai dit « oui »

Manny Gerard - Co-chef exploitation Warner Communications Inc (1974-1984)
(*) Extrait du documentaire « Atari : Game Over »

La société dont il est question c’est Atari. Fondée par Nolan Bushnell et Ted Dabney en 1972, la société est considérée comme pionnière et fondatrice de l'industrie du jeu vidéo d'abord dans les bornes d'arcades à pièces notamment grâce à son succès "Pong" décliné dans différentes versions et supports dont des consoles domestiques.

Un accord d’achat est trouvé et Warner fait l’acquisition d’Atari pour la somme de 28 millions $. Nolan Bushnell lui empoche 15 millions de $ et reste à la tête de la société, cela afin de ne pas perturber les équipes.

En 1977, Atari présente sa première console : la VCS (Video System Computer) qui sera vendue sous le nom de Atari 2600 en 1980 et ne sera commercialisé en France qu'à partir de 1981.

En juin 1978, Warner engage comme dans un poste de conseiller Raymond Edouard Kassar dit Ray Kassar.

Le temps faisant son œuvre des tensions commencent à émerger entre le fondateur historique et le nouvel acquéreur. Dans un rapport accablant, il est fait état de problèmes de management au sein d’Atari. Il est notamment reproché à Nolan Bushnell un certain désintéressement depuis le rachat par la Warner soulignant que les salariés travaillent dans un environnement pour le moins décomplexés, babacool certains diront, parfois même un peu borderline où création de jeux vidéo se mélange à une consommation de substances illicites et d’alcool.

La devise de la société était « on prend les jeux au sérieux » mais on disait souvent « On prend les jeux par intraveineuse ». Ils n’aimaient pas trop qu’on dise cela. Je ne vois pas pourquoi ? [rires]

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)
(*) Extrait du documentaire « Atari : Game Over »

Un héritage totalement assumé par son fondateur Nolan Bushnell pour stimuler la créativité de ses développeurs.

L’un des crédos d’Atari était « Work hard, play hard ». On avait toujours des jeux, pas seulement des jeux Atari, des babyfoots, des tables de billard dans les salles de repos et d’autres choses. Ce que ça disait c’était, « On se fout de quand vous venez au boulot, si vous venez au boulot. Faites votre boulot et tout ira bien, on est tous des adultes ici. On se fout de savoir comment vous venez au boulot. Vous voulez porter des baskets et des jeans ? On s’en fout…

On cherchait de gens travailleur mais capables de s’amuser en même temps. L’atmosphère de fête était un plan délibéré pour les motiver. J’établissais des quotas. S’ils étaient atteints, bière pour tout le monde.

Nolan Bushnell – Co-fondateur d’Atari (1972-1978)

Que son successeur Ray Kassar a essayé de corriger.

Faire face au problème de la drogue était un défi permanent. Vous savez, nous avons fait de notre mieux, mais c'était un problème difficile : nous avions 12 000 personnes à un moment donné. C'était la Californie : tout le monde fumait de l'herbe. Ce n'était pas un problème endémique, il n'a pas - à mon avis - affecté le travail de qui que ce soit. Mais c'était un problème et chaque entreprise avait ce problème.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)

Pour les développeurs, évidemment, la philosophie était tout autre…

Le bain à remous était très collaboratif (rires). Atari était collégial d'une manière très positive et loufoque, bizarre. C'était un environnement inventif idéal car il contenait les deux éléments essentiels dont vous avez besoin dans tout type d'environnement créatif. L'un d'eux est la liberté. Nous étions libres de courir et de faire ce que nous voulions dans n'importe quelle direction, tant que nous livrions le produit. L'autre chose qu'il avait, c’étaient des gens farfelus et créatifs qui sont des innovateurs, de vrais innovateurs.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

En 1978 soit deux ans après le rachat d'Atari par la Warner, l'emblématique Nolan Bushnell est poussé vers la sortie suite à des différences de point de vue sur l'évolution de la gamme Atari, notamment il souhaitait remplacer rapidement la console Atari 2600 par une nouvelle console plus puissante. Raymond E. Kassar qui a passé 25 ans dans l'industrie du textile chez Burlington Industries devient dès lors président exécutif. Dès son arrivée, le changement est pour le moins brutal, le nouveau président compte bien remettre de l'ordre et du sérieux dans cette entreprise qu’il juge déstructuré. Fervent défenseur de l’Atari 2600, le nouveau PDG n’aura de cesse alors de pousser jusqu’au non boutisme et au-delà du bon sens l’exploitation de la machine, tout en lançant une nouvelle gamme d'ordinateur : L'Atari 400 et 800.

En 1980, la société américaine Atari n'a plus rien avoir avec celle fondée par Nolan Bushnell. Les bornes d'arcades sont toujours une part de son activité mais la part des ordinateurs et consoles notamment avec le très populaire Atari 2600 a pris le pas sur l'activité de la société et génère des revenus astronomiques. Atari domine 75 % du marché des jeux vidéo domestiques, ne laissant que quelques miettes à ses concurrents comme Mattel, Colecovision, CBS Electronic, Philips... La console Intellivision de Mattel représente 18 à 20 %. L' Odyssey de Philips est en troisième place mais loin derrière. En aout 1982, Coleco, une entreprise mieux connue jusqu’alors pour ses piscines hors sol, arrive sur le marché avec sa console dit de deuxième génération, la Colecovision. Celle-ci présente non seulement de bien meilleurs graphismes que l'Atari 2600 mais aussi un gadget inédit : un module de compatibilités avec les jeux VCS 2600 ! Ce qui lui vaudra un procès d'Atari pour violation de brevet.

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trio gagnant de gauche à droite : L’atari VCS 2600 (1977), l’intellivision (1979) de Mattel et la Colecovision, la concurrente la plus sérieuse à la VCS, malheureusement sortit trop tardivement en 1982 juste avant le crash.

En seulement trois ans, les ventes annuelles d'Atari sont passées de 75 millions de dollars à plus de 2 milliards de dollars, ce qui en fait l'une des sociétés à la croissance la plus rapide de l'histoire.

Avec une croissance à deux chiffres et pour soutenir une production toujours plus importante de jeux, Atari embauche de nombreux développeurs.

C'est dans ce contexte qu'Howard Scott Warshaw, 23 ans, intègre le 11 janvier 1981 la société Atari.

Après sa maîtrise en génie informatique, Warhaw décroche un premier job comme ingénieur systèmes chez Hewlett-Packard, un premier boulot confortable certes mais disons... ennuyeux.

Atari faisait le genre de programmation que j’aimais vraiment sous des contraintes très strictes dans un environnement vraiment difficile mais c’était aussi un environnement fou et farfelu parce que j’étais une bonne poire chez Hewlett-packard. J’étais plus exubérant et flamboyant que la plupart des gens qui travaillaient chez Hewlett-packard. J’avais entendu dire qu’Atari était un endroit un peu plus sauvage. Je n’avais pas vraiment prévu que j’allais être une bonne poire là-bas aussi.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Décidé à reprendre son avenir en main, le jeune Howard voit en Atari la société qui pourra concrétiser ce dont il pense être fait : créer des jeux vidéo.

La programmation de microprocesseurs en temps réels était très à la mode. Ça nous permettait de faire deux choses au début des années 1980. On pouvait créer des systèmes de guidage de missiles, tuer des gens à 2 centimes par tête comme on disait. Ou on pouvait créer des jeux vidéo. Pour ma part c’était une application bien meilleure. J’étais fait pour ça. C’est ce qu’il fallait que je fasse.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Bien qu'il n'ait aucune expérience dans le développement de jeux vidéo, Howard se fait rapidement une place dans l’entreprise.

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Yars’Revenge a été un énorme succès sur 2600. [Atari 1981]

En 1981 on lui confie la tâche de convertir un jeu d'arcade, « Starcastle » sur 2600. Mais les piètres performances techniques de la console VCS ne lui donne guère espoir en cette conversion. Ce qu'il confie à la direction, son idée est alors de créer un nouveau jeu.

Cela n'allait pas fonctionner. Je veux dire que « Star Castle » était un jeu basé sur des graphiques vectoriels. Il y a beaucoup de choses que l'Atari VCS ne peut pas faire. Mais ce qu'il ne peut vraiment pas faire, c'est une représentation graphique vectorielle. Cela aurait été un désastre - de l'organisation, de la disposition de l'écran et de la façon dont tout fonctionne. Je pensais juste que cela aurait été un jeu injouable et sans intérêt, surtout quand vous n'avez que 128 octets de RAM pour travailler sur le VCS.

J'ai donc décidé de réorganiser le jeu. J'ai fait une proposition à mon manager et lui ai dit que ce jeu allait sucer le 2600. Et je ne pouvais pas me permettre que mon premier jeu soit nul, alors j'ai proposé une organisation d'écran alternative, changé certains mécanismes et repensé certaines choses cela pourrait être plus approprié au matériel, j'ai eu la chance qu'il me laisse faire avec cela, et c'est le jeu qui est finalement devenu « Yars' Revenge » , qui a en quelque sorte laissé Star Castle dans la poussière.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

A sa sortie « Yars’ Revenge » remporte un énorme succès autant critique que commercial, il s’écoulera à un million d’exemplaire et sera même considéré comme l’un des meilleurs jeux jamais produit sur Atari 2600.

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« Raiders Of The Lost Ark » est un peu l’oublié de la 2600. [Atari 1982]

Au début des années 80, les sociétés commencent à s'intéresser aux conversions des films. A cette époque les grandes sociétés de productions et de distribution ignoraient complétement le secteur du jeux vidéo, et bradaient souvent leur licence, sans même demander un droit de regard sur le jeu final. Quant au jeu il bénéficiait rapidement de la notoriété du film, sans nécessairement de campagne marketing.

Fort du succès de son premier jeu « Yars’Revenge », Howard se voit propulser comme programmeur attitré de l’adaptation en jeu vidéo sur 2600 du dernier film de Spielberg « Les aventuriers de l’arche perdue ».

Si « Raiders of The Lost Ark» n'est pas la première adaptation de film en jeu vidéo (on se souviendra des piètres adaptations de "Superman" (1978) ou de "Shark Jaws" (1975) adaptation non officielle du film "Les Dents de la Mer"), c'est certainement celle avec le plus fort potentiel commercial. La pression est énorme pour Howard.

Il leur fallait quelqu’un pour adapter « Les aventuriers de l’arche perdue ». A mon avis, comme Yars avait eu beaucoup de succès, ils ont voulu que je fasse un jeu important. Mais c’était Spielberg qui allait décider. Quand je l’ai rencontré, s’il avait dit : « Ce n’est pas la bonne personne », ils auraient choisi quelqu’un d’autre.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Après avoir commencé son développement au milieu de 1981, Warshaw est invité à rencontrer Steven Spielberg pour discuter du jeu et avoir l'aval du réalisateur. Cet entretien n'est pas anodin car Spielberg est connu pour être attentif aux droits dérivés de ses films et s'il dit non cela pourrait compromettre la suite du développement du jeu.

Vous savez, quand vous allez faire un jeu pour un film de Steven Spielberg, vous devez être approuvé par Spielberg ; il n'y a pas deux façons de contourner cela. J'avais donc terminé Yars' Revenge, et Warner avait acheté les droits des Aventuriers de l'Arche Perdue. Quelqu'un allait devoir faire Raiders et plusieurs programmeurs et moi étions disponibles à l'époque.

J'ai dû prendre l'avion pour Los Angeles pour rencontrer Steven Spielberg aux studios Warner pour voir si je pouvais faire un jeu qui était une nouvelle expérience. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un comme ça auparavant, J'adorais ses films.

C'est très intimidant. Donc, je lui ai montré Yars' Revenge , et il a aimé le jeu, et nous avons eu une conversation agréable. Le lendemain, j'ai appris que Spielberg avait approuvé le projet.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

"Raiders of the Lost Ark" a été conçu pour une cartouche ROM de huit kilo-octets . Alors que Warshaw s'occupait lui-même de la plupart des graphismes du jeu, le graphiste Jerome Domurat a produit le personnage animé d'Indiana Jones.

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Le superbe covert Art du jeu mais c’est le film en jeu ?!! ben non. [James Kelly, Atari 1981]

L'emballage, le manuel et les illustrations publicitaires très inspirés et très réussis, nous vendant du rêve (comme souvent à cette époque) , ont été peints par le directeur artistique d'Atari, James Kelly.

Pendant le développement du jeu, Howard Warshaw portait un chapeau et se baladait avec un long fouet en cuir .

Au final le développement dure environ 10 mois et ironie du sort le jeu arrive sur les étals des magasins en novembre 1982 soit un mois avant celle du jeu « E.T. » qui pourtant a été développé juste après.

Le jeu rencontre un certain succès et reçoit des critiques positives de la presse spécialisée, même s'il a été en dessous des attentes d'Atari, moins d'un million d'exemplaires vendus en février 1983.

Ce qui n’empêche pas le programmeur d’ironiser sur les chiffres de vente de ses créations.

Ils ont vendu des millions d’exemplaires. C’était énorme. Je peux dire que je suis le seul programmeur de l’histoire d’Atari dont tous les jeux se sont vendus à des millions d’exemplaires.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

… VEUT REVOIR SES MILLIONS

Quand le nouveau film de Spielberg « E.T. L’extra-terrestre » sort dans les salles américaines le 11 juin 1982, c'est un énorme succès.

Sur l'année 1981, Atari a réalisé des ventes records, un niveau jamais atteint pour un montant de deux milliards de dollars et espère bien continuer sur sa lancée en 1982. Mais pour cela il lui faut des titres forts, des titres qui parlent au public et comme pour "Raiders Of The Lost Ark", le nouveau film de Spielberg « E.T. » semble être une excellente opportunité.

Steve Ross, le PDG de Warner Communication se lance alors dans négociation des droits du film « E.T. » pour en faire un jeu vidéo. Mais les négociations trainent, et les droits d’adaptations ne sont signés qu’en juillet 1982 pour un montant astronomique de 22 millions de dollars ! soit deux fois le budget du film estimé à 10,5 millions de dollars. Cet accord mondial et exclusif comprend les jeux d'arcade à pièces et ceux à domicile.

Les négociations étaient en cours entre les gens d’Atari et ceux d’Universal par rapport à ce qu’on allait payer. Steve ROSS qui était le CEO chez Warner a proposé un montant tellement extravagant que personne n’y croyait. Il proposait 20 ou 30 millions de dollars. C’était une fortune. Steve ROSS voulait que Steven Spielberg travaille pour Warner parce qu’il savait que Spielberg était un génie. Et tout cela a joué un rôle dans cette histoire. On a acheté les droits pour E.T. et il fallait que le jeu sorte pour Noël. Ça a été un problème.

Manny Gerard - Co-chef exploitation Warner Communications Inc

Cette accord tardif pose un grave problème à Atari puisque la Warner souhaite que le jeu puisse profiter de la fenêtre de tir des fêtes de Noël 1982, signifiant qu'avec la phase de production des cartouches et de commercialisation, le jeu devrait être prêt pour duplication pour la fin de l'été.

Malgré l’euphorie de la direction de Warner d’avoir acquis une telle licence, le PDG d'Atari, Ray Kassar ne semble lui pas sur la même ligne et ne partage pas cet enthousiasme. Il ira même confier dans la presse qu'un film n'a jamais été une bonne base pour faire un jeu vidéo. Ce qui en soi et avec le recul, est difficile à contredire.

L'équation semble presque insoluble dans les temps impartis, la durée moyenne d’un développement sur Atari 2600 étant plutôt aux alentours de six à huit mois. Insoluble jusqu'à un appel...

Un jour, j’étais dans mon bureau. Je venais de terminer « Raiders Of The Lost Ark» et j’étais épuisé. J’ai reçu un appel. C’était Ray Kassar, le PDG de l’époque d’Atari. Et vous savez au bas de l’organigramme, comme ingénieur je ne reçois pas très souvent d’appels du PDG d’Atari. C’était très étrange qu’il m’appelle. Cela devait être quelque chose comme le 27 juillet 82. Et il me dit qu’ils ont besoin d’un jeu sur « E.T. » pour le 1er septembre. Et il me demande si je peux le faire. Je lui dit absolument mais à condition qu’on trouve le bon arrangement.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Trop confiant et un brin présomptueux, le programmeur émérite de "Yars' Revenge" et de "Raiders Of The Lost Ark" vient de donner son accord au PDG d'Atari en acceptant de faire un jeu sur « E.T. » sur Atari 2600 en seulement cinq semaines !

Un appel du big boss d’Atari Ray Kassar est une chose rare, depuis son arrivé l’homme a fait en sorte garde ses distances avec ses salariés contrairement à l’ancien patron Nolan Bushnell qui n’hésitait pas lui à les cultiver une certaine proximité.

Pourtant ce n’est pas la première fois que Warhaw rencontre Kassar. La première fois c’était lors d'une présentation de son premier jeu et premier succès "Yars' Revenge" comme il le raconte dans son livre "Once Upon Atari" sorti en 2020.

La première fois, c'était lors d'une conférence de presse. J'étais en train de jouer à la démo de mon premier jeu, Yars' Revenge, sur l'un des tout premiers téléviseurs à grand écran (une énorme monstruosité à rétroprojection). Ray a émergé de la flopée de gens des médias rampant dans la pièce. Il s'est approché de moi et m'a dit:

"Bonjour Howard, j'ai entendu parler de ce que tu as fait avec Yars."

"Ouais? Qu'en avez-vous pensé, Ray ?

Il sourit à moitié, "Continue juste à faire des jeux, Howard."

Puis il se retourna et se fondit dans la foule. C'était ma première rencontre avec Ray Kassar.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Raymond E Kassar, quel choix étrange de la direction de Warner, étrange ce new-yorkais issu de l'industriel du textile qui depuis sa prise de fonction et l'éviction de Nolan Bushnell, dirige Atari comme s'il vendait des paires de chaussettes. Kassar s'était retrouvé propulsé en 1978 à la tête de la plus grosse société de jeux vidéo de l'époque, comme si de rien n'était, sans aucune compétence technique ou appétence particulière de ce milieu. Tout au long de sa direction il aurait structurer Atari mais oublia son cœur de métier, ni pourquoi avait été créé.

L'entreprise n'avait pas d'infrastructure. Il n'y avait pas de directeur financier; il n'y avait pas de fabricant, pas de ressources humaines. Il n'y avait rien. L'entreprise était totalement dysfonctionnelle. Pour vous donner un exemple, quand je suis arrivé là-bas le premier jour, j'étais vêtu d'un costume et d'une cravate et j'ai rencontré Nolan Bushnell. Il avait un T-shirt. Le T-shirt disait : "J'adore baiser." C'était mon introduction à Atari.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)

En novembre 1978, la direction de la Warner étudie le cas Atari qui ne rapporte pas autant qu’espéré. La machine ne se vend pas bien et le taux de retour est important. La qualité du matériel est en cause. Il faut restructurer et réduire les coûts pour baisser le prix de vente de la VCS. Le manque d’implication de Nolan Bushnell et ses désaccords récurrents avec les choix de la direction comme de continuer à exploiter le VCS pousse la Warner à se séparer de lui. Deux ans après son lancement, Nolan Bushnell voulait déjà passer à une nouvelle version ce que la direction ne concevait pas.

Je n'aurais pas pu accomplir ce que j'ai fait avec Nolan sur la photo. Atari ne pouvait pas avoir deux patrons. Eh bien, deux personnes ne peuvent pas diriger une entreprise. Je veux dire, une personne doit avoir la responsabilité finale. Nolan dirait une chose et je dirais une autre chose. Comment résolvez-vous cela? Soit ils vont avoir confiance en lui, soit en moi. Vous devez avoir lui ou moi.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)

Le style Kassar tranche avec celui que Bushnell avait instigué dans l’entreprise. Trop éloigné de ses salariés, de ses ingénieurs, de ses développeurs, l’archétype même du big boss « jupitérien » (pour reprendre les termes du « New York Times ») tel qu’on se l'imagine, un peu trop caricatural sans doute mais ayant lui aussi amener sa pierre à l'édifice du désastre qui s'annonçait. Ses premières décisions au licenciement de Bushnell ont été d’arrêter tous les contrats en cours, d’augmenter le budget marketing et de diminuer drastiquement le budget R&D. A un moment il y avait trois entreprises de publicités qui travaillaient en parallèle pour promouvoir les jeux Atari ce qui coutait des millions de dollars, quant au laboratoire R&D il est finalement fermé, entrainant le départ de son directeur Larry Wagner, suivi par Jay Miner, le père de la puce TIA de l’Atari 2600.

En 1979, Atari croulait sous l'argent. Néanmoins, ils ont pris la décision de supprimer tous les coûts de développement de cette première année de production. Cela leur a permis de faire tout juste assez de profit pour ne pas honorer les augmentations qu'ils avaient promises aux ingénieurs et aux programmeurs. Le chef de la programmation Larry Kaplan et la moitié des membres de son équipe sont partis et ont créé Activision.

Jay Miner - Lead Designer Atari 2600, Atari 800, Amiga
Ingénieur R&D Atari (1975-1979)
(*) Extrait de la revue Amiga User International - juin 1988

Jay Miner finira par partir pour travailler sur sa nouvelle machine basée sur le processeur 68000 de Motorola qui aboutira à l’Amiga.

C'était le début de la fin pour le vieil Atari, cependant, à ce moment-là, je voulais créer une super machine à base de 68000 pour faire de la concurrence à Apple, mais Atari décida qu'il ne voulait pas d'autre machine. Il a décidé également de ne pas payer le bonus qu'il avait promis à moi et aux ingénieurs. Je suis donc parti, comme presque tous les programmeurs et développeurs. Atari s'est mis à produire une série de cartouches de fond de tiroir, en pensant peut-être que les gens achèteraient n'importe quoi. Je leur reproche d'être responsables en grande partie du crash qu'a connu l'industrie du jeu vidéo quelques années plus tard.

Jay Miner - Lead Designer Atari 2600, Atari 800, Amiga
Ingénieur R&D Atari (1975-1979)
(*) Extrait de la revue Amiga User International - juin 1988

Mais pour bien comprendre le personnage , laissez-moi vous raconter cette anecdote.

Nous sommes en 1979 le service marketing d'Atari fait circuler une note répertoriant les cartouches les plus vendues de l'année précédente en indiquant les chiffres de vente et ayant contribué aux bénéfices faramineux de l’entreprise. Le but était d’aiguiller les développeurs dans leurs futures idées de jeux.

Quatre des principaux développeurs d'Atari surnommés en interne « les quatre fantastiques » : David Crane, Alan Miller, Larry Kaplan et Bob Whitehead se rendent compte qu'à eux seul ils sont responsables de 60% des 100 millions de bénéfices de la société sur l’année écoulée alors qu'ils ne touchent qu'un maigre salaire d’environ 20 000$ par an. Ils ne comprennent pas ce peu de reconnaissance de l’entreprise et réclament des droits d’auteur sur leur création comme cela se fait dans l’industrie du livre, de la musique et leur nom sur les cartouches. En effet jusqu’alors les programmeurs ne sont pas cité sur les cartouches de jeux ni dans les manuels.

D'après les ventes, il était clair que la création d'un jeu amusant nécessitait un certain talent et que les concepteurs dotés de ce talent fabriquaient des jeux qui se vendaient mieux. Les jeux qui se vendaient mieux étaient plus appréciés par le consommateur - c'est agréable d'être reconnu quand quelqu'un aime vraiment votre travail.

David Crane – co-fondateur d'Activision

Les quatre développeurs se rendent dans le bureau de Kassar et tentent alors de négocier un intéressement, mais la confrontation tourne court. La direction d’Atari ne l’entend pas ainsi, elle n’a que faire des états d’âmes de quelques personnes qu’elles jugent comme un des rouages d’un processus plus complexe. Kassar réaffirme son point de vue au détriment des développeurs, il s’énerve : "Allons donc ! Les concepteurs ne sont que de vulgaires ouvriers d’usine. Des droits d’auteurs ? Voilà qui est absurde", qualifiant dans la presse locale, ces frondeurs comme des « prima donnas hystériques », ne s'empêchant de comparer leur travail à celui des personnes qui créent les motifs sur les paires de chaussette ! C’en est trop ! Les quatre éconduit décidément de quitter Atari pour fonder Activision qui deviendra le premier éditeur tiers et un sérieux concurrent à Atari créant de nombreux hits comme Pitfall, Ghostbusters...

Lorsque nous en avons discuté avec le président d'Atari, il était clair qu'il y avait une grande déconnexion entre les concepteurs de jeux et la direction. Nous sommes partis le lendemain. Nous ne nous sommes jamais présentés comme "plus grands que le jeu", mais il était tout aussi logique de créditer un concepteur de jeu que de créditer l'auteur d'un livre - les gens pouvaient alors choisir d'acheter des jeux à un concepteur particulier s'ils aimaient le sien ou son style.

David Crane – co-fondateur d'Activision

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Les premiers concepteurs et fondateurs d’Activision : de gauche à droite Robert Whitehead, Steve Cartwright, Larry Kaplan, David Crane et Allan Miller. [Photo Victoria Rouse]
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Un T-shirt tenu par Allan Alcorn en réponse aux phrases polémiques de Ray Kassar dans la presse.

Cette interview de Kassar dans le San Jose Mercury News en 1979 qualifiant les programmeurs d’Atari comme des « prima donnas » n’a fait que générer plus d’animosité envers lui, et certains programmeurs ont répondu en le qualifiant de « tsar de la serviette » et en portant des T-shirts avec la mention inscrite : « JUSTE UNE AUTRE PRIMA DONNA HYSTERIQUE D’ATARI ».

Même si Kassar regrettera plus tard dans une interview dans les années 2000 que cette phrase a été sortie de son contexte et qu’elle n’aurait pas dû être dans le journal. Elle résonnera quelques années plus tard comme révélatrice du mode de pensé des dirigeants de ces sociétés, et deviendra une des composantes de la plus grave crise du jeux vidéo, mais nous n’en sommes pas encore là… Pour le moment Atari se porte très bien, et pense, que les talents sont facilement remplaçables telles des serviettes ou des paires de chaussettes.

Les profits astronomiques générés en 1980 par la vente de jeux vidéo conforte Kassar que sa stratégie est la bonne, renforçant un peu plus sa position sur le sujet de la rémunération et des intéressements des salariés, mais en ce Noël 1980 un nouveau fait vient raviver les tensions entre les développeurs et leur direction.

C’est l’histoire d’une dinde dans un missile…

Une autre anecdote tout aussi révélatrice concerne le programmeur Rob Fulop…

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Le covert Art de « Missile Command » est l’oeuvre de l’artiste George Opperman. [Atari 1981]

Rob Fulop est un développeur talentueux chez Atari. Embauché à la mi-1978 par le fondateur historique d’Atari Nolan Bushnell juste avant son départ, Rob est le créateur émérite de la conversion du jeu « Missile Command ». Témoin direct des périodes tumultueuses de l’entreprise, de l’éviction de Bushnell, à la montée de Kassar, jusqu’à la fronde des développeurs de 1979 partis fonder Activision. Plus rien ou presque ne peut le surprendre. Mais ce Noël 1980 est particulier, tout semble indiquer qu’il sera inoubliable. Son adaptation du jeu d’arcade « Missile Command » sur 2600 est magnifique, les critiques sont élogieuses, « l’un des meilleurs jeux sur VCS » peut-on lire dans la presse. Le jeu est parti pour crever le plafond des meilleures ventes sur VCS.

Un jour de décembre 1980, des petites enveloppes nominatives sont distribués aux salariés les plus méritants, une manière de prouver la gratitude de l’entreprise à ses meilleurs éléments. Les remous de l’affaire Activision ont peut-être porté leurs fruits et la direction a semble-t-il évoluer sur le sujet. Les enveloppes sont nominatives. Une fois celle dans les mains de Fulop des idées folles se bousculent dans sa tête : un gros chèque ? un superbe voyage ? pourquoi pas les clés d’une nouvelle voiture ? Son cœur palpite, c’est forcément important. Les mois de travail acharné sur sa conversion de « Missile Command » vont sans doute rapporter des millions à Atari. Fulop le sait, il est sur son petit nuage, rien, non vraiment rien ne pourra gâcher son merveilleux Noël. Il l’ouvre. Une petite feuille est pliée. Il la déplie. Il la lit. Il se fige. Il ne comprend pas. Il regarde encore dans l’enveloppe, peut-être a-t-il manqué quelque chose, par terre, non rien. Rien de plus que cette petite feuille mentionnant « un bon de retrait pour une dinde gratuite ». Rapidement l’incrédulité fait place au sentiment de mépris dont il se sent être victime. Pour le remercier d’avoir créé un superbe jeu et d’avoir participé aux énormes bénéfices de la société, Fulop s’était pris une énorme gifle en plein visage par son employeur. C’était comme cela qu’Atari remerciait à cette époque ses meilleurs développeurs.

J’étais assis là, abasourdi. Je ne pouvais pas croire que j’avais une dinde pour avoir fait « Missile Command ». Je ne connaissais pas grand-chose aux affaires à l’époque. J’avais 23 ans. Mais je me souviens avoir pensé, comme c’est stupide... j'ai reçu exactement le même bonus qu'Atari a donné aux secrétaires et aux fabricants. Pendant ce temps, les cadres du front office ont reçu de somptueuses primes à six chiffres

Rob Fulop – Programmeur chez Atari (1978-1981)
(*) Extrait interview Gamasutra - November 23, 2006

Le mois suivant, Fulop part fonder la société Imagic avec quatre autres personnes - 2 programmeurs VCS seniors (Dennis Koble et Bob Smith), Mark Bradley (Gestionnaire de comptes), et Bill Grubb (vice-président du marketing et des ventes).

Cela m’a couté un bon ami au travail, mais cela a couté beaucoup plus cher à Atari.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)
(*) Extrait du livre “Once Upon Atari : How I made history by killing an industry”

Le jeu s’écoulera à 2,5 millions d’exemplaires soit en 4ème position des jeux les plus vendus sur Atari 2600 après « Pac-Man » (7,7 millions d’exemplaires ex.), « Pitfall ! » (4 millions) et « Asteroid » (3,8 millions ex.), se permettant même de devancer le célèbre « Space Invaders » (2 millions ex.).

Inconsciemment ou pas, Ray Kassar avait ouvert la boite de Pandore, jusqu’à maintenant la conception des jeux sur Atari 2600 était un processus complexe nécessitant des compétences particulières et aucune entreprise n’avait osé se frotter au géant Atari. Le départ de ces brillants développeurs, qui connaissent très bien la machine et la façon de développer les jeux, rebat les cartes, une brèche dans laquelle d’autres beaucoup moins compétents se glisseront.

Assez curieusement, Kassar pense que le métier ne requiert aucune compétence ou talent particulier. Sans doute par méconnaissance du métier, il aimait dire qu’il ne savait même pas utiliser une console de jeux. Pourtant encore plus à l'époque être concepteur signifiait designer, créer les mécanismes de jeu, ses graphismes, la musique et bien sûr le code. Ce n'était pas à la portée de tous ! Mais cela Kassar l’ignore ou fait fit de. Qu'importe, après tout le consommateur prendra ce qu'on lui donne, bon ou mauvais les cartouches se vendent comme des petits pains, en dizaine de milliers voir en millions d'exemplaires.

Un brin rancunier le PDG d’Atari essayera à de nombreuses reprises d'entraver l'existence même d'Activision et d’Imagic par différents procès, en menaçant de ne plus livrer les fournisseurs qui distribueraient leurs produits, etc... La machine finit par se retourner contre Atari lors d'un procès à Activision qui utilise des cartouches non officielles pour ces jeux au lieu de passer par Atari qui touchait de jolis royalties sur ces cartouches, procès qu'Atari perd par abus de position dominante, créant une jurisprudence dans laquelle s'engouffrent de nombreuses petites sociétés, inondant le marché de jeux souvent médiocres.

ET E.T. DANS TOUT CA ?

Mais refermons cette parenthèse, et revenons à cet appel de Ray Kassar à Howard pour le jeu « E.T. ». Ce qu’ Howard ne sait pas encore, c’est qu’il n’est pas la première personne que le PDG a appelé avant, et tous ont été catégoriques, c'est impossible de faire un jeu en cinq semaine.

Pourquoi Ray m'a t-il appelé directement ? Ce n'est jamais arrivé auparavant. Tout cela a été si excitant, j'avais oublié à quel point c'était étrange. Atari est très attaché à la culture secrète et aux communications par canaux secondaires, il se passe toujours quelque chose dont vous n'êtes pas au courant. Voici ce que je ne savais pas :

Je n'étais pas le premier que Ray a appelé pour faire le jeu ET. Son premier appel était à George Kiss, mon grand­patron (ou le patron du patron). George est le responsable de l'ingénierie du système de jeu personnel Atari, et il a dit à Ray ce que toute personne sensée et bien informée dans cette situation ferait : vous ne pouvez pas faire un jeu en cinq semaines. Ce n'est tout simplement pas assez de temps.

La plupart des PDG n'aiment pas le « non » comme réponse. Ainsi, après avoir été informé par le responsable du développement que cela ne pouvait pas arriver, Ray pensait toujours qu'il valait la peine de passer un autre appel. Howard apparemment construit suffisamment de réputation ou fait assez d'impression pour qu'il pense qu’il pourrais s'en sortir alors que d'autres ne le pouvaient pas.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)
(*) Extrait du livre “Once Upon Atari : How I made history by killing an industry”

Cinq semaines. Cinq petites semaines pour conceptualiser, designer et développer un jeu sur Atari 2600 ! La tâche semble impossible. Warshaw pense lui le contraire, confessant bien plus tard que l’effervescence du succès de « Raiders Of The Lost Ark » avait joué dans sa mauvaise appréhension de la situation et que son orgueil avec « E.T. » avait dépassé toute mesure.

Je ne sais pas si quelqu’un avait essayé de faire un jeu en six ou peut-être cinq mois et cela allait être cinq semaines du jamais vu c’était ridicule. Si vous réfléchissez ce n’est pas un défi de programmation, les gens pensent que c’est un défi de programmation, ce n’est pas un défi de programmation, c’est un défi de conception. C’est une inversion de pensée, au lieu de dire je vais faire un jeu amusant et je vais voir combien de temps cela prend, ce que j’ai dû dire c’est que je vais faire quelque chose que je peux faire en cinq semaines et voir à quel point je peux le rendre amusant. Vous changez l’indépendant par la variable dépendante fondamentalement en mathématique.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

La direction de Warner n’avait aucune connaissance du processus de développement d’un jeu vidéo, aucune réflexion sur la possibilité ou l’impossibilité de réaliser le jeu dans les temps impartis n’est entré dans la négociation. Seul l’objectif d’être en rayon pour les fêtes de Noël 1982 semblait être important. Un objectif que la société ne peut pas louper, et c'est dans six mois. Le délai est irraisonnable tout comme les sommes engagées par Warner pour l'acquisition de la licence, 22-25 millions de dollar ce qui implique de produire de nombreuses cartouches ne serait-ce que pour récupérer son investissement. Atari pense produire cinq millions d’exemplaires d’E.T.

Ross m'a forcé à faire « E.T. » Je me souviens, il m'a appelé et m'a dit : « J'ai garanti à Spielberg 25 millions de dollars pour travailler sur ce projet. J'ai dit: "Steve, nous n'avons jamais garanti d'argent à personne, pourquoi voudriez-vous garantir 25 millions de dollars? Tout d'abord, je pense qu'il sera impossible de produire un vrai gros succès parce que ce n'est pas une histoire d'action."

Mais il a coupé court. L'autre problème était que nous n'avions pas assez de temps pour obtenir les puces, les puces semi-conductrices. C'était en août. Il le voulait pour Noël. Normalement, vous savez, nous avions un délai de six mois.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)
(*) Extrait interview (2017)

Mais avant cela, le projet doit être validé. Ray Kassar indique alors à Howard de se rendre deux jours plus tard, à l’aéroport de San Jose où un jet l’attendra. L’objectif est de rencontrer Steven Spielberg à la Warner. Sa tâche lui proposer un concept de jeu que le réalisateur devra approuver ou non. Il ne reste que 36 heures à Warshaw pour trouver un concept !

Malgré cela, le développeur voit grand… trop sans doute, et un objectif innover.

J’ai découvert un mardi après-midi que j’avais jusque jeudi matin pour prendre l’avion et présenter un design cohérent à Spielberg. Bien sûr si tu n’as que cinq semaines pour faire un jeu, tu ne devrai pas prendre beaucoup plus que 36h pour concevoir le jeu. J’ai fait ce que j’ai fait. J’étais confiant. Je pouvais le faire. J’ai juré que cela aller être un grand jeu.

Je lui ai proposé un monde en 3D pour ce jeu. La complexité de ce que j’allais essayer de faire dépassait la limite entre essayer de concrétiser quelque chose et s’aventurer dans l’impossible et se jeter d’une falaise.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

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Steven Spielberg et Howard dans les locaux d’Atari. [Photo Dave Staugas]

L’émotion dans ce jeu devait provenir de l’interaction entre les personnages. L’agent du FBI s’intéresse à ce que l’on a. C’est pour cela qu’il vole ce que l’on a dans les mains. Le scientifique s’intéresse à ce qu’on est. Il nous ramène en ville parce qu’il veut nous étudier. Et Elliott vient nous sauver. A certains moments, on peut appeler Elliott et il vient nous sauver. J’ai pensé que ces choses-là allaient donner du sentiment au jeu.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

A l’exposé de sa vision du jeu, Howard écoute celle de Spielberg qui voit plutôt quelque chose dans le style de … « Pac-man ». Howard acquiesce mais comprend qu’en l’état un jeu comme « Pac-man » nécessiterait beaucoup plus de temps d’ajustement rien que pour peaufiner la jouabilité et en cinq semaine c’est impossible. Il ne se démonte pas et lui répond que son film « E.T. » est innovant et qu’il faut un truc nouveau qui soit à la hauteur du film.

La vérité est qu'un jeu de type Pac-man même si j’empruntai un noyau ou quelque chose comme ça, il faut du temps pour faire quelque chose qui va vraiment être jouable. Vous devez le régler et vous avez besoin de temps pour le régler et je savais que je n’allais pas avoir le temps de régler quoi que ce soit parce que tout allait être développé au plus vite.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Pour l’aider dans sa tâche le développeur se fait installer une station de développement chez lui sur laquelle il pourra y travailler jour et nuit, 24h sur 24h. Comme pour « Raiders Of The Lost Ark », les sprites des personnages seront eux réalisés par le graphiste Jérôme Domurat.

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Howard se fait installé chez lui une station de développement pour travailler sur E.T. 24/7. [Photo Dave Staugas]

Malgré cela et à la surprise générale, Warshaw réussi le pari de tenir l’engagement sur la deadline et livre le jeu dans les temps. Une dernière formalité est que Spielberg approuve le jeu vidéo, ce qu’il fera sans rechigner jusqu’à vanter le jeu lors d’une émission télé.

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Le superbe covert Art du jeu mais c’est le film en jeu ?!! ben non. [Hiro Kimura, Atari 1982]

Pour l’illustration sur la boite, la tâche revient à l’artiste Hiro Kimura qui s’était occupé de certains des covert art les plus remarquables d’Atari comme Yars’ Revenge, Centipede, Pac-man puis plus tard de Mario-Bros. Il a travaillé pour Atari, Warner Communications, Coca-Cola, Pepsi, HP, IBM, Intel, Universal Studios. Pour l’illustration d’E.T. il s’explique sur son implication dans le projet.

La première fois que j’ai vu E.T. c’était grâce à Atari. La société avait loué un cinéma afin de projeter le film à l’ensemble des employés. Quelques jours plus tard, il m’a été demandé de travailler sur l’illustration de couverture du jeu tiré du film. Je me souviens que je disposais de moins de temps que d’habitude, moins de deux semaines, parce que le jeu devait sortir pour Noël cette année-là, quelques mois plus tard à peine

La partie la plus difficile du projet venait du fait qu’il n’existait que peu de photos tirées du film, en particulier d’E.T. et d’Elliott, car il venait juste de sortir. Seules quelques diapositives en 35 mm furent fournies par le studio. En désespoir de cause, ma femme et moi nous nous rendîmes dans un cinéma proche où j’ai pris des photos de l’écran pendant que ma complice s’assurait que personne ne remarque notre étrange manège.

Grâce à ces éléments supplémentaire, je commençais les croquis à la hâte. Je réussis à finir à temps et le jour où je les ai apportés chez Atari, M. Spielberg leur rendait visite afin de voir l’avancement du jeu. Je lui fus presenté et lui montrai mon travail. Il me demanda d’effectuer deux modifications : premièrement, Elliott devait avoir l’air plus soucieux que provocateur et deuxièmement, il fallait que la lueur autour du doigt d’E.T. soit plus visible. J’ai dû appliquer les changements la nuit même et le résultat final est celui qu’on retrouve sur l’emballage du jeu.

Hiro Kimura – Illustrateur pour Atari

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Steven Spielberg chez Atari pour voir l’avancement du jeu. A droite Ray Kassar, PDG d’Atari. [Photo Dave Staugas]

Pour Howard, il finit le jeu harassé, exténué mais satisfait du travail accompli, mais ce qu’il ne sait pas encore c’est que l'histoire ne fait que commençait…

Howard avait réussi à négocier un chèque de 200 000 $ et un voyage à Hawaï. Ce voyage se fera pendant les fêtes de Noël 1982.

Le jeu « E.T. » sortira bien pour les fêtes de Noël 1982. Par contre pour la qualité, c’est autre chose.

Au lancement le jeu se place dans le top des meilleures ventes. Tout semble se dérouler comme prévu. Mais au bout de quelques semaines les ventes commencent à s’essouffler.

« Après quelques temps, les gens me croisaient dans les couloirs, des gens d’autres départements du marketing, de la direction, et ils me disaient « Tu sais quoi, Howard ? Tu as fait du bon travail. On ne t’en veut pas. Tu as fait quelque chose d’exceptionnel, tu t’es vraiment investi là-dedans, et on ne veut pas que tu penses autre chose. Ça n’a rien à voir avec toi. Ne t’en veux pas. » Et moi, je me disais : « Mais de quoi ils parlent ? » .

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

La presse spécialisée ne semble elle pas pressé de tester le nouveau jeu vedette d’Atari que tout le monde attend pourtant… Bizarre. Comme pour laisser couler, laissant passer les fêtes de Noël et laisser la chance au titre de se faire une place dans la hotte de Noël des petits enfants impatients et tant pis si la fête est gâchée et les enfants déçus. Après tout ils ont accepté les autres daubes qu’on leurs avaient servi avant.

E.T. c’est génial, je le sais car j’ai dessiné un petit croquis sur un bout de table et c’est le jeu qui a été fait .. Courez acheter le jeu (1982)

Etant donné la popularité du film, le jeu bénéficie d’un accès médiatique privilégié comme dans cette émission T.V. U.S. « Bob Sarlatte's American Hot Stuff » où Howard présente son jeu « E.T » mais a même la promotion par le réalisateur himself !

Côté tests dans les magazines U.S il faudra attendre avril 1983 pour commencer à voir apparaitre quelques tests, pas folichons, quelques lignes succinctes, peu élogieuses comme pour combler un petit espace disponible sur la page. « E.T. » n’a rien d’un grand hit mais juste d’un jeu développé en cinq semaines pour faire de l’argent et cela se voit forcément.

Ainsi dans la revue US « JoyStik » n°5 d’avril 1983 (à ne pas confondre avec le magazine français), le journaliste termine le test en ces termes « Malheureusement, les graphismes d'Atari ne semblent pas beaucoup s'améliorer avec l'âge - ils sont toujours en blocs et fades. Fondamentalement, la cartouche du jeu E.T. semble être destinée à la tranche des 6-11 ans. Ainsi. Si vous êtes un joueur vidéo plus âgé ou plus sérieux, vous devriez éviter cette cartouche. »

Dans le magazine US « Electronic Games » de mars 1983 page 49 on peut lire « E.T. s'est révélé étonnamment controversé parmi les joueurs. Les critiques accusent la cartouche d'avoir été sortie à la va vite et de manquer d'action poussée, mais d'autres défendent avec véhémence le jeu au motif qu'il est fidèle au finish du film et d'une complexité appropriée pour ceux qui sont les plus susceptibles d'être intéressés par un tel jeu. »

Dans la revue US « Create Computing » de janvier 1984 page 122 on peut lire « Les graphismes sont grossiers et le jeu n'a pas beaucoup d’intérêt. Clairement un jeu pour enfant, E.T. d'Atari est une déception pour quiconque est assez âgé pour lire cette critique. »

Côté français, à cette époque pas beaucoup de magazine sauf l’emblématique « Tilt ». Dans le numéro 3 de janvier 1983 page 36 on y trouve une très belle publicité pour le jeu francisé « Euté » avec quelques pages plus loins, une critique très objective comme on en trouvait souvent à l’époque, et malheureusement sans aucune forme d’ironie « Complexité, graphisme excellent, rapidité d’action, et thème désormais populaire : une cassette qui devrait connaitre un très gros succès »… un peu de brosse à reluire ça fait pas de mal.

Pour beaucoup « E.T. » était un jeu vraiment difficile, brutal et injuste, qui n’avait pas beaucoup de sens.

Les gens ne l’ont pas aimé. Ils ne l’ont pas aimé du tout.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

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Hi ! Howard ? Salut c’est Steven. Je voulais te dire que ton jeu « E.T. » est .. comment dire ? intéressant.
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C’est le début de l’aventure, « E.T. » atterri sur Terre dans… une cabine téléphonique ! La classe ! [Atari 2600]

Le jeu souffre avant tout de sa comparaison avec le film, du gouffre entre la qualité du film et le résultat inspiré du film en jeu vidéo. Le problème est qu’à la fin 1982 des jeux comme Pifall ! pousse la VCS au bout du bout mais surtout la Colecovision avec ses superbes graphismes fait la part belle dans les pages des magazines. Si bien que les joueurs ont eu l’impression d’avoir pris une gifle.

Quand vous faites un jeu comme « Raiders Of The Lost Ark » basé sur un film d’action simple, cela a du sens car il a une progression très naturelle. « E.T. » n’est pas vraiment un film d’action-aventure, c’est un film au ton émotionnel et comment traduisez-vous ce ton émotionnel dans un jeu d’action ? ce qui n’a pas vraiment de sens, donc les gens savaient qu’ils aiment l’expérience du film, s’attendaient à aimer l’expérience du jeu, mais n’avaient aucune idée de ce que le jeu devait être ou pourrait être. .

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Le jeu est assez monotone, confus et déroutant. Si on attrape un téléphone, l’agent du FBI vous attaque et peu importe dans quelle direction on va, on tombe systématiquement dans un trou. Et si on sort du trou, on y retombe immédiatement. C’est un des principaux défauts de conception du jeu que beaucoup ont assimilé à un bug le « foutu trou » où tombe constamment « E.T. ».

Beaucoup de choses dans le jeu que les gens pensaient être des bugs étaient là intentionnellement et n’étaient pas des bugs … Dans le monde réel, si vous touchez un puit avec votre tête vous ne tombez pas dedans, vous devez le toucher avec vos pieds pour tomber dedans, mais dans le jeu c’est si un pixel touche un pixel qui fait partir du plan de jeu, j’ai ajusté la distance entre les choses pour rendre difficile la navigation dans le jeu, cela faisait partie du gameplay. Les gens ne l’ont pas compris de cette façon, ils ont regardé les choses comme elles étaient censées être et ont pensé que c’était un bug de collision. Il n’y a pas de bug de collision dans « E.T. » parce que tout est géré matériellement. .

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Selon Ray Kassar, le PDG d'Atari à l'époque, plusieurs millions des 4 millions produits (5 millions était envisagé au départ) ont été renvoyés à l'entreprise sous forme d'invendus et de retours clients. Atari a fini par jeter près de 800 000 cartouches de jeux dans une décharge du Nouveau-Mexique.

Les attentes commerciales étaient exagérées. Atari aurait déboursé 22-25 millions de dollars pour les droits de la marque et était si sûr que ce serait un succès qu'il a produit 4 millions de cartouches . (Ces cartouches coûtent environ 4,50 $ à 6 $ chacune à fabriquer, mais leur prix de détail est de 39,95 $ .)

En 1982, Atari a sorti la version maison de Pac-Man, très attendue par les joueurs du monde entier. Mais Pac-Man d'Atari n'a pas été à la hauteur de son battage médiatique. Au lieu de cela, c'était un gâchis complet et ne valait pas la peine d'attendre. En conséquence, seulement 7 millions de cartouches ont été vendues sur les 12 millions fabriquées, et beaucoup d'entre elles ont été retournées par des clients indignés.

Les chiffres sont décevants, en tout cas en dessous des attentes d'Atari. "Raiders Of The Lost Ark" se vendra à un peu moins de 1 millions d'exemplaires sur la durée alors qu' « E.T » se vendra quand même à un peu moins de 2 millions d'exemplaires. https://fivethirtyeight.com/features/where-ataris-e-t-ranks-among-video-game-flops/

Le problème est qu'Atari en avait produit trois fois plus de cartouches et se retrouvait avec un énorme stock d'invendus sans compter qu'un nouveau phénomène s'était amplifié à savoir les clients mécontents de la qualité du jeu qui le rapporte en magasin, lequel se retourne vers le distributeur pour se faire rembourser.

« E.T. » était le début de la fin. C'était quelque chose contre quoi nous étions tous. Ce n'était pas seulement moi. Nous étions tous contre. Les programmeurs pensaient que j'étais fou. Ils ont dit : "On ne peut pas produire un jeu en deux ou trois mois ! C'est fou." Alors nous nous sommes précipités. C'était un fiasco.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)

« E.T. » est-il responsable de la chute d’Atari ? Pour cela il faudrait avoir une idée de combien a coûté à Atari financièrement l’échec d’E.T. ? Pour cela faisons un rapide calcul :

Dans un article américain de la revue infoworld du 28 novembre 1983 il est indiqué que la production d’une cartouche VCS coute entre 4.50$ et 6$, auquel il faut ajouter pour la publicité 1$ à 2$.

Mais « E.T. » est un jeu spécial, on peut supposer que le budget publicitaire a été plus conséquent donc doublons le et mettons +4$

Pour le magasin et le transport mettons +3$

Au final, une cartouche « E.T. » aurait couté à Atari 13$ à produire tout inclus.

Dans le magazine « Electronic Games » de janvier 1983 la cartouche « E.T. » est affiché à 34.86$, les prix oscille en fait entre 33-39$

Atari a produit 4 à 5 millions de cartouches « E.T. » donc rien que la production coute 65 millions $ auquel on ajoute le coût de la licence 25 millions $ soit un cout total de 90 millions $

Pour rentrer dans ses frais, Atari doit donc vendre au minimum 2 581 755 cartouches d’ « E.T. ». On peut donc comprendre à ce moment le chiffre de production de 4-5 millions de cartouches, l’objectif d’Atari n’étant pas de rentrer uniquement dans ses frais mais aussi de se faire des bénéfices.

Malheureusement sur la durée la cartouche « E.T. » s’est écoulé à 1 970 000 cartouches, ce qui est déjà un excellent score pour un jeu VCS.

La perte sèche d’Atari sur ce jeu serait donc d’environ 24 millions de dollars. Pour une entreprise faisant 2 milliard de chiffre d’affaire on peut dire que cette perte est tout à fait acceptable.

« E.T. » ne peut donc pas être responsable seul de la chute d’Atari.

Mais alors que s’est-il passé ?

Dans un classement paru sur le site fivethirthyeight.com donnant la liste des 10 jeux qui n'ont pas atteint leur objectif, on y trouve « E.T. » mais seulement en seconde position, en premier on trouve un autre jeu célèbre sur Atari 2600, la conversion VCS de « Pac-man »

LE CAS …

Quelques mois avant la sortie d’ « E.T », la mauvaise conversion de « Pac-man » sur Atari 2600 avait fait polémique. La déconvenue des joueurs entre le jeu d’arcade et sa version 2600 était encore dans les mémoires.

En 1980, l’invasion de la culture pop et son Pac-man déferle sur les salles d’arcades. Créé par Namco, la petite boule jaune poursuivi par des fantômes gloutons et inversement est fait pour plaire aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Pac-man devient rapidement un véritable phénomène et 400 000 bornes d’arcade seront vendus dans le monde. Conscient que sa console a besoin de titre fort, Atari s’était donc empressé de négocier la licence pour en faire sa propre adaptation sur VCS.

La conversion de Pac-man sur 2600 souffre de beaucoup de problèmes et nous aussi on souffre d’y jouer (1982)

Mais à sa sortie en 1982, la conversion VCS réalisée par Tod Frye est jugée médiocre, en tout cas pas suffisamment à la hauteur du jeu original, sans doute freinée par les piètres performances de la console VCS à bout de souffle. La machine d’arcade utilisant une PCB sur mesure avec un microprocesseur fonctionnant trois fois plus vite que le microprocesseur 6502 de l’Atari 2600. Le jeu d’arcade contenait 16k de ROM, 2K de RAM vidéo et 2K de RAM générale. La cartouche Pac-man 2600 était, elle, limitée à 4K de ROM au total soit un quart de celle arcade. Sans compter les faibles capacités de 2600 à afficher les arrière-plans et les différents sprites. Confronté à des compromis importants et nécessaires lors de sa conception, la version 2600 est néanmoins décriés.

Pour cette nouvelle licence vedette, Atari fait fabriquer 12 millions de cartouches Pac-man. Seul problème le parc installé des Atari 2600 n’est que de 10 millions. Atari compte bien sur le fait que les personnes qui veulent jouer à Pac-man achète une 2600 rien que pour jouer au jeu.

Certains au sein d’Atari font part de leur doute dans cette conversion, estimant que le jeu n’était pas encore prêt pour être commercialisé. Le responsable marketing des jeux d’arcade, Frank Ballouz indique à Ray Kassar que personne n’y jouera. Des remarques que le PDG d’Atari semble avoir ignorer. Son opinion semblait minoritaire sur cette conversion même parmi les programmeurs d’Atari qui jugeait la conversion plutôt correcte.< /p>

»Pac-man » se vendra tout de même sur la durée à 7,7 millions d’exemplaires ce qui en fera le jeu le plus vendu sur Atari 2600. Malgré ce succès, Atari avait produit 12 millions de cartouches ! une quantité déraisonnable qui leur laissait sur les bras un stock d’invendu d’un peu plus de 4 millions de cartouches. Une autre perte pour la société en 1982

LES PREMICES DU KRACH

Longtemps pris pour des vaches à lait, incapable de discerner un bon jeu d’un mauvais jeu et que quoi qu’on lui sert, le consommateur achètera ce qu’on lui présente. Les joueurs s’étaient détourner des jeux vidéo et Atari n’avait rien vu venir. Des joueurs moins enthousiastes, entre les promesses d’un bon jeu et la réalité technologique de la VCS qui accusait ses cinq années d’existence, et dans ce tourbillon l’entreprise dominante du secteur était la première impactée par ce changement de mentalité.

Le 7 décembre 1982, nous devions faire une annonce sur le fait que nos revenus seraient bien en deçà des attentes.

Manny Gerard - Co-chef d’exploitation Warner Communications Inc (1974-1984)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)

Depuis plusieurs jours, Manny Gerard essayait de comprendre ce qu’il se passait.

Je m’en souviens très bien. Tout a commencé parce que je n’arrêtais pas de poser des questions aux vendeurs sur les ventes de la cartouche E.T. « Combien en vendent-ils ? Est-ce que « Pac-man » était là ? », « Oh, ils se vendent bien, nous allons répondre aux projections, tout va bien. »

Manny Gerard - Co-chef d’exploitation Warner Communications Inc (1974-1984)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)

Malheureusement, l’une des choses les plus difficiles pour Atari semble être d’obtenir les chiffres de vente facilement.

Ils avaient créé une gestion tellement stratifiée que la haute direction n’était pas au courant de ce qui se passait sur le terrain, et au moment où ils ont réalisé que rien ne se vendait c’était trop tard.

Al Alcorn – Concepteur « Pong », ingénieur R&D Atari (1972-1979)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)

Les premiers chiffres de ventes des jeux Noël 1982 ne sont pas bons. Atari fait grise mine et revoit ses ambitions à la baisse. La Warner se voit obliger de communiquer, les promesses du géant faisant miroiter à ses investisseurs des bénéfices de +50% par rapport à l’an passé qui était pourtant une année exceptionnelle ne sont finalement que de 10 à 15%. Ce changement dans les projections n’est pas apprécié par les investisseurs. Le Marché s’emballe. A la fin de la journée, l’action Warner avait chuté d’un tiers de sa valeur.

Depuis quelques temps, il était indéniable que l’écart entre les jeux vidéo en borne d’arcade et même avec la concurrence (Colecovision, Intellivision) s’était creusé avec l’Atari 2600. L’obsolescence de l’Atari VCS semblait évidente pour tous sauf pour Atari. Le problème est que le département R&D avait été sacrifié au profit de celui du marketing, si bien qu’il n’y avait aucun produit de remplacement à proposer.

Ils avaient vendu autant de 2600 à quiconque en voulait, et essayer de pousser encore 10-15 millions d’unités sur le marché … c’était trop.

Nolan Bushnell – Co-fondateur d’Atari (1972-1978)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)

En 1982, Atari était la société qui avait la plus forte croissance. Sa console phare, la VCS sortie en 1977, était encore populaire mais commence à accuser son âge, et en informatique 5 ans c’est un gouffre technologique phénoménale. La concurrence n’est pas en reste, Mattel Electronics et sa console Intellivision sortie en 1979. D’autres consoles comme la Magnavox Odyssey de Philips.

Atari détenait environ 75% du marché du matériel et des logiciels, Mattel étant son principal concurrent. Au cours des années précédentes, Atari n’avait pas été en mesure de livrer tout ce qui était souhaité, de sorte que les distributeurs ont commandé plus que ce dont ils pensaient vraiment avoir besoin.

En 1982 une nouvelle génération de consoles arrive sur le marché comme la Coleco Vision. Non seulement la console est meilleure technologiquement mais elle propose une rétro compatibilité avec l’énorme bibliothèque de jeux de l’Atari 2600. La console se paye même le luxe de dépasser Atari en chiffre de vente.

Quelques mois plus tard, Atari répondra en sortant sa propre console dite nouvelle génération, la 5200. Une console qui n’est en rien une révolution puisque ce n’est qu’un Atari 400 sans clavier, une nouvelle tentative de tromper le consommateur qui se solde un échec commercial. A noter que cette console n’est jamais sortie en France afin de ne pas faire de l’ombre à l’Atari 2600 qui n’avait franchi notre sol qu’un an plus tôt.

Le marché était aussi pollué de jeux vidéo produits par des sociétés tierces attirées par l’appât du gain, une grande partie de ces jeux était de très mauvaise qualité faisant qu’il était difficile pour le consommateur de distinguer un bon jeu d’un tas de boue. Bien sûr Atari ne voyait pas la couleur des bénéfices sur la vente de ces cartouches. Ce phénomène appelé shovelware (contraction de shovel et software littéralement « logiciels fournis à la pelle » ) même s’il a existé est néanmoins à pondérer car les grosses licences étaient achetées par les acteurs majeurs du secteur et le consommateur se tournait généralement vers ses gros titres issus pour la plupart des bornes arcade.

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Holographique, Non Holoptics ! c’est un peu pareil mais en moins bien. [Projet Atari 1981]

Ray Kassar avait fermé le département R&D condamnant à long terme Atari, Jay Miner voulait proposer une nouvelle machine basé sur la puce 68000, il partira ailleurs pour créer l’Amiga, mais on sait aussi qu’Allan Alcorn avait travaillé sur une console holographique qui fut produite à quelques exemplaires l’ « Atari Cosmos ». Même si la console n’avait d’holographique que son nom (faut pas rêver on est qu’au début des années 80), on pouvait y voir une tentative de proposer quelque chose de plutôt innovant.

Howard Scott Warshaw donne son explication sur ce crash.

Si je devais résumer en une ligne, je dirai que ce qui a causé le crash du jeu vidéo et tué l’industrie, c’est que c’était le tout premier cycle de vie d’une console de jeu vidéo et dans le premier cycle de vie d’un produit il y a beaucoup d’erreurs que les gens font parce qu’ils ne savent tout simplement pas et qu’ils doivent trouver leur chemin dans le noir, et si vous réfléchissez ce qui s’est passé c’est que chaque console suivante était bien meilleure, mieux protégés, avec beaucoup de licences, mieux organisée légalement.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Bien plus tard dans le documentaire «« Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017) », Manny Gerard fera une sorte de méa-culpa.

Vous devez rendre obsolètes vos propres produits aussi vite que possible, parce que si vous ne le faites pas quelqu’un d’autre va le faire. Et je ne crois pas, maintenant, que c’était notre état d’esprit à l’époque, et j’en suis en partie responsable.

Manny Gerard - Co-chef exploitation Warner Communications Inc (1974-1984)
(*) Extrait du documentaire « Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)»

Sur le processus de création, Steve Jobs disait :

Vous ne pouvez pas simplement demander aux consommateurs ce qu'ils veulent et ensuite essayer de leur donner. Dès que vous l’aurez construit, ils voudront déjà quelque chose d’autre.

Steve Jobs – Co-fondateur d’Apple

Malheureusement même au niveau jeux, les concepteurs talentueux d’Atari ayant été poussés vers la sortie par le manque de reconnaissance de la direction, il n’y a aucun jeu viable capable de renverser les choses.

Un brin amnésique oubliant qu’il était en partie responsable de cette situation du départ des talents et de la fermeture du département R&D, Kassar confiera plus tard.

Il manquait un très bon produit. Personne n’était très créatif, tout à coup quelque chose s’est passé. Nous avons tous été déprimés. Nous allions si bien et tout d’un coup, à cause de quelque chose que nous devions faire, nous avons eu cet échec et c’était dur, c’était très dur pour nous tous.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)
(*) Extrait Easy To Learn, Hard To Master : The Fate Of Atari (2017)



Atari s'est suicidé. Ce n'était pas un homicide, et ce n'était pas la cartouche « E.T. » . C’était un effet concomitant de nombreux faux pas dans la technologie, dans le déploiement et dans le marketing.

Nolan Bushnell – Co-fondateur d’Atari (1972-1978)



Ne comprenant pas comment le succès d’Atari avait été fait en premier lieu, quand le marché s’est retourné ils n’avaient aucune idée de comment le réparer non plus.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Sans compter que beaucoup ont vu là une chance de renvoyer la monnaie de sa pièce à une entreprise qui avait longtemps fait pression sur eux.

Pendant des années, Atari a utilisé l'effet de levier dont ils disposaient pour visser des distributeurs partout. Lorsqu'ils avaient un jeu en vogue, ils obligeaient les distributeurs à acheter des copies des anciens jeux qui ne se vendaient plus, juste pour obtenir des copies du nouveau jeu. C'est le genre de choses qu'ils faisaient. Ainsi, lorsque le vent a commencé à tourner, tout le monde dans l'industrie attendait de leur sauter dessus à pieds joints. C'est ce qui a tué Atari, c'est l’antipathie qu'ils avaient générée par leurs pratiques commerciales impitoyables lors de leur ascension.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Dans un article très complet du New York Times du 9 décembre 1982 intitulé « Atari Licencie un directeur de ses fonctions », le journaliste décrit la situation chez Atari.

« Les démissions, sont devenus la marque de fabrique du plus grand producteur de jeux vidéo au monde et de son président-directeur général jupitérien, Raymond E. Kassar. Le chiffre d'affaires élevé disait quelque chose sur la gestion d'Atari, mais peu de gens écoutaient. Après tout, Atari était probablement l'entreprise à la croissance la plus rapide du pays, atteignant environ 2 milliards de dollars de ventes en quelques années alors que l'engouement pour les jeux vidéo balayait l'Amérique. »

Malgré la restructuration enclenché par Kassar, le journaliste du NYT souligne le manque de vision de la direction pour n'avoir embauché que des spécialistes de la communication, et aucun ingénieur pour travailler sur un plan de développement pour renouveler la gamme.

« M. Kassar, 54 ans, un vétéran de 25 ans de Burlington Industries, a essayé de transformer Atari d'un groupe d'ingénieurs peu organisé en une entreprise sérieuse, commerciale et orientée vers le marché. Il a recruté des cadres, comme lui, ayant une expérience en marketing mais aucune expérience en électronique, de sociétés telles que Polaroid, Jovan et American Can. Mais aussi vite qu'il les attire, M. Kassar semble les perdre. »

Comme la chanson de Pink Floyd « Money is Money », Kassar et son vice-président exécutif Dennis D. Groth, se sont débarrassés de leurs actions Warner quand elles étaient au plus haut, quelques heures avant la communication officielle indiquant que les bénéfices seront bien inférieurs aux attentes. Ce qui a enclenché une enquête de la SEC (Securities and Exchange Commission) pour délit d'initié.

« A la fin de 1982 des pertes pour Atari était de 536 millions de dollars. Vingt minutes avant d'annoncer officiellement le budget Atari avec son passif, Kassar a vendu 5.000 actions de Warner. Dans les jours qui ont suivi l'annonce, les actions de Warner ont chuté de 35%. La Commission de surveillance de la Bourse américaine accusé de Kassar délit d'initié: Kassar a redonné les gains mais sans plaider coupable ou innocent. Plus tard seulement la Commission, vu que la quantité d'actions vendues a été plus faible que dans les mains de Kassar, il a déclaré l'affaire close exonérant des charges. »

L’année 1983 est catastrophique, les choses empirent de jour en jour, les ventes descendent à 200 millions ce qui n’était pas une baisse de 10% ou de 15% mais de 97%. A ce moment on peut parler de Krach.

« Mais les relations avec Ross ont été brisées maintenant, à la fois les déclarations faites sur le choix de Ross pour réaliser le jeu « E.T. » et la question des actions Warner: Kassar a été forcé, donc, à démissionner en Juillet 1983. Sa place a été prise par James J. Morgan, qui est venu de Philip Morris, en Septembre 1983. » Plus tôt dans la journée, Warner Communications a déclaré que ses bénéfices pour 1982 seraient bien inférieurs aux attentes précédentes. Un facteur majeur de la baisse, a déclaré Warner, a été les bénéfices inférieurs aux attentes de la division de l'électronique grand public, y compris les ventes de cartouches de jeux vidéo, qui ont été fortes jusqu'à présent malgré la récession.  

ET LA C’EST LE KRACH !

« Le Krach du jeu vidéo de 1983 n’a jamais existé » peut-on lire parfois sur Internet. Cette affirmation sonne et raisonne telle une vérité historique intangible. Nous sommes donc en droit de nous poser la question « Le Krach du jeux vidéo de 1983 a-t-il seulement existé ? ».

La question est pourtant simple, la réponse l’est moins. Moi-même étant trop jeune à l’époque je n’ai pas de souvenir de cette période, je ne suis donc pas un témoin direct. Pour y répondre, je me suis donc replonger dans les articles parus dans les journaux et les magazines de l’époque, comme le très sérieux journal américain le « New York Times ».

Dans un article du New York Times daté du 17 octobre 1983 intitulé « L'INDUSTRIE DES JEUX VIDÉO REVIENT SUR TERRE »

Et un autre article du 8 janvier 1984 « LA BATAILLE POUR LA SURVIE CHEZ WARNER »

Il est fait mention de crise tout au plus de crash

Mais qu’est-ce qu’un Krach au fait ?

De l'allemand Krach, du verbe krachen (« craquer »), signifiant au propre « craquement » et par extension « effondrement des cours de la Bourse ». Un krach est une chute brutale et de grande ampleur des cours d'une ou de plusieurs catégories d'actifs. Il désigne un effondrement des cours des actions sur une ou plusieurs places financières.

Quelles sont les causes des krachs ?

D’une façon générale, il n’y a pas de krach sans constitution préalable d’une bulle financière dont il réalise en quelque sorte l‘éclatement. « Les excès spéculatifs dégénèrent sinon de manière inévitable du moins très fréquemment en une crise, un krach ou une panique » explique l’économiste Charles Kindleberger dont les travaux d’histoire économique et financière constituent une référence essentielle en la matière.

Cette crise de l’industrie du jeux vidéo s’est produite essentiellement aux Etats-Unis, et est en partie dû à la chute du géant Atari. L’Europe n’étant pour ainsi dire pas encore équipé, l'Atari 2600 n'est arrivé en France qu'en 1981. On estime que durant cette période, l’industrie des jeux vidéo est passée de 3,2 milliards de dollars à une centaine de millions, soit une chute de 97% !

Le crash a officiellement commencé en décembre 1982 avec la chute des actions Warner, et s’est terminé environ 18 mois plus tard, à l’été 1984, avec la vente de la branche micro-ordinateur et console d’Atari à Jack Tramiel.

DES MILLIONS DE CARTOUCHES « E.T. » ENFOUIES ?

Plus de quatre millions de cartouches d’ « E.T. » sont produites sur les cinq millions prévues initialement mais, dans les magasins, la ruée attendue n'arrivera jamais. Si les ventes sont honorables avec 1,9 million d'exemplaires vendus sur la durée, les invendus reviennent par millions chez Atari sans compter que la société doit faire faire à un phénomène inattendu. Beaucoup d’acheteurs veulent retourner le jeu. Un an plus tard la société accuse une perte record de 536 millions de dollars.

Mais que faire de l’énorme stock des cartouches invendues ? Les brader ? cela a déjà été fait et amener au krach. Les recyclées ? L’opération semble complexe. Les stocker ? Trop couteux pour un produit jugé sans valeur.

Longtemps une rumeur a alimenté les réseaux selon laquelle à la fin de l’année 1983, Atari se serait débarrassé de millions de cartouches de jeux vidéo devenues invendables dont « E.T. » en les enterrant dans une décharge du nouveau Mexique.

Pendant deux décennies cette légende urbaine a enflammé la toile, alimentant encore plus la déjà désastreuse histoire du jeu « E.T. » celle de millions de cartouches d'E.T. qu'Atari aurait enterré dans le désert pour s'en débarrasser et mettre fin à la chute des prix.

Il y avait tellement d’exemplaires de ce jeu, incapables à écouler, à vendre ou même de les donner qu’ils les auraient enterrés en cachette dans le désert.

Plusieurs journaux font alors état de camions contenant des produits de la compagnie allant enfouir ces cartouches invendus à la décharge d'Alamogordo, dans le Nouveau Mexique.

Dans un article "Atari Parts Are Dumped" ("Des pièces Atari sont jetées") du New York Times du 28 septembre 1983, le journaliste relate les faits ainsi :

« Avec l’industrie du jeu vidéo qui a mal tourné, certains fabricants ont jeté leurs cartouches de jeu excédentaires sur le marché à des prix dépréciés.
Maintenant, Atari Inc., le principal fabricant de jeux vidéo, est allé plus loin.
La société a déversé 14 camions de cartouches de jeux et d’autres équipements informatiques mis au rebut à la décharge de la ville d’Alamogordo, au Nouveau-Mexique. Un porte-parole d’Atari a déclaré que l’équipement provenait de l’usine d’Atari à El Paso, au Texas, qui fabriquait des cartouches de jeux vidéo, mais qui a maintenant été convertie au recyclage de la ferraille. Atari a perdu 310,5 millions de dollars au deuxième trimestre, en grande partie à cause d’une forte baisse des ventes de jeux vidéo. »

Personne ne comprenait pourquoi Atari avait décidé d’enterrer ces jeux de cette manière ?

Que faire d’un produit inutile, sans valeur ? comment s’en défaire ? On l’enterre. C’est une bonne réponse.

Manny Gerard - Co-chef d’exploitation Warner Communications Inc (1974-1984)
(*) Extrait du documentaire « Atari : Game Over »

De son côté le PDG d’Atari de l’époque n’a semble-t-il pas eu connaissance de ce fait, puisqu’il a quitté ses fonctions en juillet 1983 et l’enfouissement aurait eu lieu en septembre de la même année.

Nous avons fait environ 5 millions d'exemplaires d' ET. La plupart d'entre eux ont été retournés. J'ai dit à Steve que c'était ridicule d'en faire autant parce que je ne pensais vraiment pas que ça allait être un gros succès, mais je me souviens qu'il était très ennuyé. Il a dit: "Non, non, c'est ce que nous devons faire."

Alors on en a fait près de 5 millions, la plupart ont été retournés, revenus des détaillants. Je n'ai jamais entendu parler du dumping, ni du Nouveau-Mexique.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)

Un temps sceptique, Howard Scott Warshaw a dû se faire à la triste réalité lors de leur excavation en 2014 retracée dans le documentaire « Atari : Game Over » même si au final les cartouches E.T. ne représente qu’une petite partie de la totalité du stock enfoui.

Je ne l’ai jamais cru, je n’y ai jamais cru, j’ai toujours pensé que c’était absurde

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

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Excavation des cartouches Atari dans une décharge d’Alamogordo au Nouveau-Mexique [Atari Game Over, 2014]

Comme une sorte de prémonition, ce foutu trou où tombe systématiquement « E.T. » sera devenu une réalité puisqu’il aurait fini dans une décharge d’où il n’arrivera jamais à s’extirpé complétement.

ATARI : LA FIN DE LA PERIODE WARNER

Warner a acheté Atari en 1976 pour 28 millions de dollars, qui s’est développé jusqu’à représenter environ la moitié des ventes de Warner et plus de 60% de ses bénéfices à un moment donné. Mais ces dernières années, Atari a été confronté à une baisse de la demande pour ses jeux informatiques personnels, perdant 538,6 millions de dollars en 1983 et 34,9 millions de dollars supplémentaires au premier trimestre de l’ année 1984.

Un temps pressenti comme le successeur de Steve Ross, le big boss de la Warner, Manny Gerard principal initiateur de l'achat d'Atari par la société quitte ses fonctions de membre du bureau du président et co-chef de l'exploitation de Warner Communications Inc. qu’il occupait depuis octobre 1976

Fin juin 1984, Warner vends la société à Jack Tramiel, ancien président de Commodore International, pour 240 millions de dollar la plupart en bons de souscription qui permettaient à Warner d'acquérir une participation d'un tiers dans la nouvelle société qui est renommé au passage en Atari Corporation.

Warner conservera la branche des jeux d’arcade qui n’a pas été impacté par la crise et le renommera Atari Games.

Une interview de Jack Tramiel en avril 1985 dans une des premières présentation de l’Atari ST []

Après avoir repris Atari, la première décision ordre de Tramiel a été de cesser immédiatement tout développement de jeux vidéo, de licencier tout sauf une poignée de personnes impliquées et de se concentrer sur le développement hardware pour la sortie d’une nouvelle gamme d’ordinateurs personnels. Le nom Atari jadis synonyme de jeux vidéo signifiait soudainement autre chose, et à la fin de l’année, les États-Unis ont perdu à jamais leur domination dans l’industrie du jeu vidéo au profit des japonais avec sa célèbre Nintendo NES.

Pour Howard Scott Warshaw l’aventure Atari était fini.

Je savais que je n’allais pas pouvoir continuer de travailler chez Atari. Et un peu plus tard, un pack d’indemnités de licenciement est arrivé… et c’était l’un des moments les plus tristes de ma vie

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Atari Corporation se lancera avec succès dans la micro-informatique avec la célèbre gamme 16/32 bits des Atari ST et Mega ST, et sa console portable couleurs Lynx puis faute de renouvellement de sa gamme, déclinera pour fermer aussi ses portes suite à l’échec de sa consoles Jaguar et son micro l’Atari Falcon mais c’est une autre histoire...

EN CONCLUSION

ON AIME...
+ Programmé en 5 semaines, un exploit !
+ L'illustration sur la cartouche avait fier allure
ON AIME MOINS...
- Ce foutu trou dans lequel tombe toujours E.T.
- Encore ce trou
- Mais quel trou de merde !

L’échec d’« E.T. » n’est qu'une des composantes d'un désastre beaucoup plus complexe enclenché bien plus tôt et dû essentiellement par de mauvaises décisions stratégiques.

L’extrême popularité du film et l’attente disproportionnée des joueurs pour un jeu VCS face aux faibles capacités de la machine ont nécessairement créé des déceptions, mais pas moins que celles engendré par la conversion de Pac-man sur 2600. Mais force est de constater que depuis le lancement de la VCS en 1977, le marché et la concurrence dans le jeu vidéo avait énormément évolué, les micro-ordinateurs avaient fait leur entrée avec des prix bien plus séduisants et beaucoup plus de possibilités.

Honnêtement je suis fier de moi pour avoir relevé le défi et en même temps, non, cinq semaines ne sont vraiment pas assez pour faire un jeu solide. Je pense qu’« E.T. » était un jeu très jouable. Vous savez il y a beaucoup de gens je veux dire rétrospectivement si vous regardez toutes les critiques qu’il est connu comme le pire jeu de tous les temps. Je ne me sens pas mal à l’aise à ce sujet, en fait j’aime bien quand les gens l’identifient de cette façon mais il y a beaucoup qui connaissent le jeu, comprennent le jeu qui aiment le jeu. Donc il a ses détracteurs, il a ses fans comme la plupart des gens.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

« E.T. » fut sans doute le jeu de trop sur Atari 2600. La mauvaise réputation du jeu, la légende autour de l’enfouissement des cartouches ont longtemps alimenté les réseaux. Au final même si la légende s’est avérée vraie, « E.T. » ne représenteraient que 10% du stock des cartouches déterrées.

Même si la société a disparu, Atari est devenu avec le temps une icône d’une époque révolue, lançant l’industrie du jeux vidéo, inventant toutes sortes de nouveaux métiers et laissant une empreinte indélébile pour toute une génération d’enfants qui ont grandi avec les jeux vidéo.

C’était une expérience formidable pour moi, nous sentions tous que nous faisions presque quelque chose d’historique et entrerait dans l’histoire.

Ray Kassar - PDG d’Atari (1978-1983)



Ce que nous faisions chez Atari était que nous étions les pionniers d’un nouveau média de divertissement interactif qui se faisait sur un téléviseur est quelque chose si profond.

Ce qui m’est arrivé ici pendant trois ans et demi a fait que les 25 années suivantes ont été très dures parce que c’était la norme de ce que la vie professionnelle, de ce que la vie en général pouvait être.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

Après un documentaire « Once Upon Atari » qu’il a sorti en 2003, Warshaw a sorti en 2020 la version livre « Once Upon Atari : How I made history by killing an industry » où il y retrace ses années tumultueuses chez Atari avant le crash du jeu vidéo de 1983.

Atari était juste une expérience incroyable. J’ai vu des gens s'autodétruire, J’ai vu des gens réaliser leur potentiel, apprendre leurs limites et leurs capacités. Il y avait beaucoup de choses incroyables à voir, sur le plan humain, et je voulais raconter cette histoire d'une manière ou d'une autre. Il m'a fallu du temps pour comprendre. Puis j'ai commencé Once Upon Atari, au cours de nombreuses années. J'ai d'abord attendu la fin du délai de prescription. Puis je suis allé et j'ai commencé à travailler dessus, parce que j'ai réalisé que j'avais moi-même besoin de clore tout cela. J'ai besoin de sortir cette histoire, de la voir par moi-même et de la partager avec beaucoup de gens. Les gens s'intéressaient à ce qui se passait chez Atari, mais personne ne disait la vérité à ce sujet. Les gens inventaient ces histoires ridicules, et il y avait ces images de professeurs plus âgés et farfelus en blouse de laboratoire courant partout pour créer ces jeux mignons pour les enfants. Ce n'était pas du tout comme ça. Si les parents savaient ce qui se passait avec nous dans les coulisses de la fabrication des jeux, je ne sais pas s'ils auraient été aussi enthousiastes à l'idée que leurs enfants obtiennent les jeux.

Howard Scott Warshaw – Programmeur chez Atari (1981-1984)

EN VRAC
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