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Yannick Cadin

FICHE

Prénom :

Yannick

Nom :

CADIN

Nationalité :

Français

Site Officiel :

http://diablotin.info
LUDOGRAPHIE
[1986] Zombi

Programmeur

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[1987] Manhattan 95

Auteur


[1988] Teenage Queen

Programmeur


[1988] Maître des Ames, Le

Moteur Graphique


[1988] Hurlements

Auteur

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BIOGRAPHIE

A 18 ans, il quitte le lycée et programme le très connu Zombi sur Amstrad CPC (ainsi que son portage sur PC), ce fut le premier jeu et premier succès de la toute jeune société UBI SOFT.

Puis tout va très vite, Yannick enchaîne sur Manhattan 95 et rapidement sur Hurlements qui reprend la même interface que Zombi, parallèlement il s'occupe de développer une librairie graphique "bitmap" Turbo Pascal CPC pour le moteur du Maître des Âmes.

Fort de son expérience dans le métier, il fonde en 1997 la société "KOMMANDO" prestataire de services en ingénierie informatique...

En 2002, changement de dénomination commerciale : "DIABLOTIN" pour une activité essentiellement axée vers la formation (Unix, réseau, développement).

INTERVIEW

    • Salut Yannick, en 1986 tu es programmeur sur Zombi édité par Ubi Soft. Très gros carton. Quel âge avais tu ? Raconte nous comment l'aventure a commencé.
    • J'avais 18 ans ½. J'étais au lycée dans une filière soi-disant informatique, la H : informatique de gestion. Et autant dire que le niveau était très nul, c'était à pleurer. À peu près au milieu de la terminale H, gros concours de circonstance, il se trouve qu'un camarade de classe connaissait un pote qui travaillait chez un petit éditeur de jeux vidéo du côté de la place de la République à Paris : la société Rainbow Production, installée à l'étage, au dessus du magasin de jeux vidéo Coconut. Quelques programmeurs et graphistes développaient des jeux. Je m'y rend donc avec ce copain de classe. On se balade un peu juste pour zieuter.

      Et puis deux semaines plus tard il me propose d'y retourner. Là, dans les couloirs, une certaine Sylvie m'interpelle. Elle m'embarque dans son bureau et m'explique qu'elle a été démarchée pour monter une maison d'édition de jeux vidéo et, comme elle a un peu d'expérience dans ce domaine, elle sera la directrice de cette nouvelle société. Son problème était d'arriver à former une équipe pour créer un premier jeu. Elle avait déjà virtuellement débauché un des graphistes de la boîte Rainbow et ce dernier avait un ami qui fournirait le scénario du futur jeu. Il lui manquait encore un programmeur et un musicien.

      Elle me demanda si ça m'intéressait de faire le premier programme de cette nouvelle maison d'édition. Je commençais par lui avouer que je n'avais jamais écrit de programme de plus de 100 lignes en assembleur mais devant son insistance - je ne suis pas certain qu'elle réalisait bien ce que j'essayais de lui faire comprendre - j'acceptais le challenge. Probablement son inconscience des aspects techniques a-t'il finalement été une grande chance pour moi, une bonne opportunité pour me mettre le pied à l'étrier. Chez moi je m'étais amusé sur, tour à tour, un ZX-81 acheté d'occasion, un Canon X-07 offert par mes parents (une machine exceptionnelle :-) puis sur CPC 664. J'avais acheté ce dernier et moult périphériques avec toutes les économies placées sur un compte épargne par mon grand-père et qui devaient servir à payer mes études. Pauvre grand-père, il a dû se retourner dans sa tombe de voir que son petit-fils dilapidait tout cet argent dans des matériels bizarres. Je bidouillais donc à l'époque sur la machine géniale d'Amstrad qui avait conquis l'Europe.

      Mais revenons à Sylvie. Elle me fit rencontrer le graphiste Patrick Daher, un mec complètement déjanté et le scénariste Alexandre Bonan qui avait dessiné sur un cahier d'école un story-board avec les grandes lignes de ce qui deviendrait « Zombi ». Le projet était lancé. Au bout de 2 ou 3 mois, je réalisais que j'avais du mal à concilier le développement du jeu et le lycée. Il faut savoir que je bossais sur mes heures de temps libres. Je rentrais chez moi il était 7h du soir et je programmais jusqu'à une heure, deux heure du mat'. Je me levais à 6h complètement explosé pour me rendre à l'école où, évidemment, je somnolais ou dormais pendant les cours. J'étais dans une logique assez rebelle à cette époque où on entendait encore plus que maintenant « si t'as pas le bac tu feras rien », ce que je trouvais particulièrement énervant. Qui plus est, pour mémoire, je rappelle que le niveau informatique dans cette section H était vraiment affligeant, ce qui n'incitait pas spécialement à persévérer. Au total la réalisation du jeu a pris environ 6 mois.

    • Donc tu as connu les débuts d'Ubi Soft ?
    • Exactement. Les frères Guillemot avaient déjà à l'époque leur société de distribution. Il leur fallait aussi une boîte de création de jeux vidéo afin de montrer patte blanche pour la diffusion des produits étrangers sur le sol français.

      Des locaux avaient été loués à Créteil (banlieue sud-est de Paris) pour la société naissante à laquelle un bel avenir était promis. Nous étions en plein développement de Zombi. J'avais réussi à faire passer la pilule à ma mère, l'arrêt de ma scolarité 6 mois avant le BAC, et je devenais l'un des premiers employés d'Ubi comme « Chef des logiciels », à mi-temps. J'avais suggéré ce titre parce que cela me permettait enfin d'inviter une camarade de classe à dîner. Elle m'avait accordé ce privilège à condition que je devienne « Chef ».

      Je me rappelle qu'à l'époque, vu le temps de transport, 4 heures de trajet aller/retour puisque j'habitais au nord de la région parisienne, il m'arrivait de dormir sur place à même la fine moquette qui recouvrait le béton ou de passer des nuits blanches à débugger... Bref le truc hyper génial. Ça fait rêver, hein ?

      Et donc Zombi sort et fait un carton. Un concept assez novateur pour l'époque car auparavant la frontière était assez franche entre les jeux d'aventures basés essentiellement sur la réflexion et, on peut le dire, relativement moches, et d'autre part les jeux d'actions. Zombi introduisait un nouveau concept mélange de réflexes et de réflexion. Avant tu pouvais passer 3 heures devant ton écran à réfléchir, alors que dans Zombi, le jeu est un petit peu plus rythmé, plus convivial. Donc les revendeurs, je pense par exemple à Général Vidéo qui était un gros détaillant (des ex-employés fonderont par la suite Surcouf), ne sachant pas dans quelle catégorie classer le jeu créeront la classification aventure/action.

    • Comment est venue l'idée de Zombi ?
    • Je ne sais plus exactement. C'est le scénariste qui a proposé cela. C'est le film éponyme qui avait plu au graphiste et au scénariste et qui les avait inspirés. D'ailleurs je n'avais jamais vu le film et ce n'est que récemment que je suis tombé par hasard dessus dans un magasin. Je l'ai même acheté pour le visionner, sans trouver le temps pour l'instant. D'ailleurs je n'ai pas été plus imaginatif car, par la suite, j'ai repris le thème du film Hurlements pour un autre programme.

    • Finalement Zombi, Hurlements, tu apprécies les films d'horreur ?
    • Pas plus que ça, un concours de circonstances encore.

    • Combien de temps a duré le développement ? Comment a été programmé le jeu ?
    • Comme je l'ai dit environ 5 à 6 mois. C'est raisonnablement rapide mais il faut savoir qu'une personne plus expérimentée aurait peut être mis 25 à 30% de temps en moins mais on ne coûtait rien à l'époque. C'était mon premier programme en assembleur.

    • Et le choix sur Amstrad du mode 1 en 320x200 en quatre couleurs, il s'est fait en prévision des futures transpositions 16 bits ?
    • Oh là ! Non. Les versions 16 bits ne sont venues que bien plus tard. Il n'y avait pas de projection dans l'avenir. La première version était celle sur Amstrad et l'on ne se voyait pas adapter le jeu sur une autre machine à ce moment là. Le choix du mode graphique s'est fait après réflexion sur le meilleur compromis entre finesse du point et gain de place, on s'est dit que le monochrome n'était pas un mauvais choix car il permettait de faire ressortir les objets à prendre, ouvrir... Avec de la couleur. Grâce au monochrome, on divisait ainsi par 2 la taille nécessaire au stockage de chaque image.

      La première version sur disquette utilisait toute la surface de la disquette soit au total un peu plus de 180 Ko de dessins, rien que pour les images de lieux. Après le succès Ubi Soft a voulu absolument une version cassette, ce qui impliquait qu'on avait 180 Ko de dessins plus quelques 20 ou 30 Ko de programme à faire tenir dans 42 Ko de mémoire vive. Avec un ami du Lycée, Laurent Coemelck, un mec balèze qui a réussi en quelques jours à améliorer des fonctions que je pensais optimisées, on y est parvenu avec un savant mélange vectoriel/bitmap. Une prouesse ! La version K7 est donc légèrement dégradée par rapport à celle sur disquette mais je n'ai jamais entendu personne s'en plaindre.

    • Tu es crédité de la version ST de Zombi pourtant tu ne sembles pas y avoir participé ?
    • Non, j'ai juste eu 2 ou 3 fois le programmeur au téléphone mais je ne l'ai jamais rencontré.
    • Petit retour en arrière, tu étais donc un des premiers salariés d'Ubi Soft ?
    • J'étais salarié à mi-temps par Ubi Soft mais dans un rôle qui n'était pas celui de programmeur. Il s'agissait essentiellement de faire le tri dans les logiciels qu'envoyaient les gens dans l'espoir d'être diffusés par Ubi. En parallèle du développement en cours, Ubi, en toute logique, avait passé des annonces du genre « cherche nouveaux talents, envoyer votre disquette/cassette ». J'étais donc chargé de faire un premier filtrage pour déterminer ce qui était intéressant et ce qui allait à la poubelle. Je peux te dire que... J'ai à peu près tout mis à la poubelle.

      Je garde notamment le souvenir d'une personne qui avait envoyé son programme sur cassette appelé « Le petit poisson ». Titre vachement prometteur, la lettre qui accompagnait le soft laissait entendre que ce jeu allait révolutionner le monde entier. Après une présentation tonitruante mettant en lumière « Le petit poisson » en fil de fer multicolore clignotant, 7 petites barres s'affichaient les unes derrière les autres et le programme demandait d'entrer une lettre et si la lettre était fausse une petite barre, verticale cette fois, apparaissait. En fait il s'agissait tout simplement du jeu du pendu (rire).

    • Puis ensuite tu crées Hurlements ?
    • Pas tout de suite car entre-temps il y a eu des programmes tel que Masque qui se déroulait dans la ville de Venise. Mes interventions étaient assez succinctes car ma partie consistait à intégrer des systèmes de protections que les sociétés de duplication professionnelles fournissaient. J'assistais certains programmeurs dont les jeux avaient été retenus par Ubi pour fignoler des détails techniques ; la mise en place des protections par exemple. À l'époque il y avait des courses poursuites entre les pirates et les éditeurs. Un système ingénieux consistait à écrire dans les GAP qui sont de petites structures de données entre les secteurs. Cette protection était efficace car en théorie non reproductible avec les lecteurs de disquette équipant les micro-ordinateurs. Cela n'empêchait pas pour autant de « casser » la vérification de cette protection dans le programme même, à défaut de pouvoir la reproduire mécaniquement.

      Il y a un jeu dont je suis particulièrement fier, qui n'est pas de moi mais auquel j'ai apporté une belle contribution : « Le Maîtres des Âmes ». Le jeu était fort beau, réalisé par Eric Doireau. D'ailleurs maintenant il habite à la Martinique et j'ai eu le plaisir de le revoir récemment lors d'un passage dans l'Hexagone. Son histoire est assez singulière car il était à l'origine électrotechnicien et autant dire que ça ne le bottait pas trop. Il est donc entré en contact avec Ubi Soft pour faire des jeux vidéo en disant qu'il avait de bonnes idées mais pas forcément la compétence technique. On l'a donc mis en relation avec moi. Il ne voulait pas se « noyer » dans le code et donc l'objectif était de pouvoir programmer dans un langage de haut niveau comme le Turbo Pascal. Autant dire que pratiquement aucun jeu n'était programmé en Turbo Pascal. La librairie graphique fournie avec le langage était très succincte (et exclusivement pour du vectoriel) : dessiner un point, tracer une ligne, etc. J'ai donc créé des librairies spécialisées pour tous les traitements « bitmap » requis pour l'élaboration d'un jeu. Ensuite épaulé par un graphiste, le logiciel a été réalisé en un temps record.

      L'idée d'Hurlements provient simplement du fait que je trouvais l'ergonomie de Zombi plutôt bonne et je venais de voir le film Hurlements. En fait le film m'a surtout inspiré l'élément stressant du jeu, à savoir les loups garous, histoire de coller avec la logique Zombi : une quête avec des éléments perturbateurs pour ajouter un peu de piment. La fameuse quête consistait en l'espèce à retrouver le fruit d'un vol, l'histoire se déroulant durant les années 30 dans le nord-ouest des Etats-Unis. J'ai trouvé juste dommage qu'il n'y ait pas eu plus de recherches au niveau graphisme sur cette époque dans les décors du jeu. Finalement Hurlements a été édité à peu d'exemplaires car le but d'Ubi Soft était en priorité la distribution des produits étrangers comme ceux de Mindscape, Elite ou encore Electronic Arts.

    • Et par la suite tu n'as pas poursuivi dans le domaine des jeux vidéo ?
    • Holà ! Je n'ai pas arrêté tout de suite car mon pote Eric qui avait réalisé le Maître des Âmes avait refait entre temps un jeu, Teenage Queen, un magnifique strip poker sorti chez ERE Informatique (ceux qui avaient produit Captain Blood). Il avait trouvé un graphiste, Jocelyn Valais, qui faisait des trucs à tomber par terre, les dessins de la nana... Ils avaient sorti la version Amiga (je crois) et Eric a proposé que je fasse le portage sur ST.

      J'ai aussi rebondi sur un besoin croissant à l'époque, assurer le transfert et la conversion des données entre micro-ordinateurs. Cela n'évoque peut être pas grand chose aux « jeunes » informaticiens actuels mais en ce temps là (celui des « dinosaures ») les mémoires de masse tout autant que les formats de fichiers étaient très diversifiés et il n'était pas question d'enregistrer une image depuis le programme Deluxe Paint sur une disquette d'un ordinateur Amiga et espérer l'insérer dans le lecteur 3" si spécifique d'un Amstrad CPC.

      Un peu plus tard enfin je me suis carrément orienté vers le milieu professionnel/semi-professionnel.

    • Puis tu travailles dans diverses boîtes pour enfin fonder Kommando en 1997 ?
    • Exactement, Kommando dont la dénomination commerciale deviendra par la suite Diablotin en 2002. Après 2 à 3 années passées dans le domaine du jeu, j'ai « ratissé » large en occupant différents emplois dans nombre de structures différentes. En fait j'ai aussi, durant toutes ces années, alterné le statut de salarié avec celui d'indépendant ou de responsable d'entreprise. Ayant enfin réalisé que j'étais stable quand j'étais à mon propre compte, j'ai fondé cette société de prestations informatiques dans laquelle environ 80% de l'activité consiste à dispenser des formations. Le reste est partagé entre développements, intégration, services Internet, etc.

      Ma petite entreprise a fêté ses dix ans début 2007... Et ne connaît pas la crise :-)

    • Merci Yannick d'avoir répondu à mes questions. Je te laisse le mot de la fin.
    • Game is NOT over!

      L'informatique n'en est qu'à ses balbutiements et il reste encore d'immenses domaines à explorer. Mis à part quelques développements réellement originaux qui n'auraient pu exister sans cet outil, le champ d'investigation est tout simplement gigantesque.

      Si au moins je pouvais croire à la réincarnation, histoire de pouvoir nourrir un petit espoir de continuer à apprendre pendant quelques siècles encore et découvrir tout ce que l'avenir nous réserve.

      Sinon il reste la cryogénisation ;-)

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