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Daniel Macré

FICHE

Prénom :

Daniel

Nom :

MACRé

Pseudo :

Dan McRae

Nationalité :

Français
LUDOGRAPHIE
[1986] Vroom

Auteur, Design Concept, Programmeur

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[1999] Official Formula 1 Racing

Project Leader


[2000] Warm up

Project Leader


[2000] F1 World Grand Prix

Project Leader


[2001] Ski Park Manager

Programmeur


BIOGRAPHIE

Ingénieur de formation (ENSICA), Daniel Macré fait une grande partie de sa carrière dans l'informatique professionnelle chez Digital Equipment France (DEC), une société américaine qui a notamment créé les ordinateurs PDP et VAX. Le PDP-1 étant connu pour être l'ordinateur qui a vu naître l'un des premiers jeux vidéo... Spacewar.

Après avoir possédé un Spectrum ZX80 et 81, il achète en 1985 un QL et commence à développer sur son temps libre un jeu  de F1 du nom de QL Vroom. Le jeu est édité par une petite boîte française nommée Pyramide, une filiale de Direco International, l'importateur français du Sinclair QL. Les ventes du QL sont décevantes et Sinclair fini par déposer le bilan, quand à QL Vroom, ses ventes ne seront pas à la hauteur de ce qu'espérer son créateur.

Daniel Macré se met alors en tête de convertir son jeu sur un nouvel ordinateur qui fait fureur en 1987, c'est un 16 bits, l'Atari ST.

Après six mois de développement, toujours sur son temps libre, il prend conscience que projet dépasse les capacités d’une seule personne et il contacte Jean-Luc Langlois qu'il avait rencontré chez Pyramide à l’occasion de la sortie du jeu Wanderer 3D sur QL.

Wanderer avait ensuite été converti sur Atari ST et édité directement par Jean-Luc et sa sœur Béatrice (B&JL Langlois). Ils s’étaient ensuite associés avec Bruno Gourier (Kilkhor), développeur du jeu d’enquête Le Manoir de Mortevielle sur QL également édité par Pyramide, pour fonder une nouvelle société, Lankhor. Ils viennent alors de sortir la version Atari ST du jeu Le Manoir de Mortevielle, avec synthèse vocale.

Lankhor propose alors à Daniel un co-développement et une co-édition.

Le travail commence mais le développement de Vroom ST prend du retard : Daniel Macré y consacre son temps libre et la petite équipe de Lankhor est alors monopolisée sur un titre phare, Maupiti Island (1990). Après trois ans d'attente et une réécriture presque intégrale du code avec l'intégration d'éléments en 3D, Vroom ST sort enfin en octobre 1991 et c'est le carton. Plébiscité par les joueurs et par la presse, le jeu recevra notamment leTilt d'or 1991 du meilleur jeu de sport.

Daniel Macré décide alors d’arrêter son « hobby » dans le jeu vidéo et se consacre à sa carrière dans l’informatique chez DEC.

Suivront, développées par Lankhor, l'extension Vroom data-disk  (1992) ajoutant six circuits supplémentaires et la possibilité de jouer au joystick en mode compétition, puis Vroom multiplayer (1993) permettant à deux joueurs de s'affronter sur le même écran et les conversions de Vroom Amiga (1992), Vroom PC (1994) et même Sega Megadrive sous le titre F1 (1994), avec la licence officielle.

Début 1996, Daniel quitte son job chez DEC et revient, cette fois à temps plein, chez Lankhor. Un contrat est signé avec Eidos pour le développement de jeux de F1 : Official Formula 1 Racing (1999), F1 World Grand Prix (2000). Puis, édités par Microïds, sortiront Warm up ! (2000) et Ski Park Manager (2001), une sorte de Sim Ski.

Malheureusement ce fut le dernier jeu de Lankhor qui doit déposer le bilan après avoir été lâchée par la société Video Systems, détentrice des licences officielles pour des simulations de F1.

INTERVIEW

    • Bonjour Daniel, merci d'avoir accepter cette interview. En 1985 tu achètes un Sinclair QL et tu te lances dans la conception d’un jeu de F1 qu’on pourrait qualifier de l’ancêtre de Vroom… QL Vroom, peux-tu nous en dire plus ?
    • J’ai développé le QL Vroom en 6 mois (Programme, graphismes, son et musique) sur mon temps libre. Je n’avais aucune expérience du jeu vidéo. Mais je travaillais chez Digital Equipment France (DEC). J’étais alors manager de groupe d’ingénieurs software (avant-vente et après-vente) depuis 1980. Je connaissais bien les problématiques du temps réel et l’assembleur car j’avais été ingénieur logiciel de 1975 à 1980. C’est bien en rapport avec Michel Vaillant VROAMMM… que le jeu s’est appelé Vroom. Sur la boite du jeu, la transformation de VROOM en WROOM est due à une coquille de Pyramide ! C'est d'ailleurs par hasard chez Pyramide, à la boutique dans le XVIIIème que j’ai rencontré Béatrice Langlois et son frère Jean-Luc.
    • Tu es issu de l’informatique professionnelle, tu n’étais pas un gros joueur, j’ai lu que tu n’étais même pas fan de F1, alors pourquoi avoir fait un jeu de F1 et pris par la même occasion un pseudo en référence au pilote de rallye écossais Colin « McRae » ?
    • Je n’étais pas du tout joueur et je ne l’ai jamais été. Le fait d’acheter un Sinclair QL (trop sérieux) montre que le jeu n’était pas ma motivation. Ma motivation principale était celle-ci, à l’opposé des jeux 2D comme Pacman, etc. : Représenter et animer, sur un écran plat d’ordinateur, un monde réaliste avec sa profondeur en 3D. C’est le jeu d’arcade Pole Position qui m’a donné l’idée de faire la même chose sur QL (en mieux, si possible). Je n’étais pas du tout fan de F1 et je ne le suis toujours pas. J’ai choisi un pseudo pour garder l’anonymat par rapport à mon employeur. J’ai choisi Dan McRae, sans faire référence à Colin McRae. J’utilisais déjà ce pseudo depuis ma jeunesse dans les années 60 après des séjours en Angleterre.
    • Dans le fonds documentaire du CNJV, j’ai trouvé notamment un cahier « Vroom » avec énormément d’équation de comportement automobile, est-ce que finalement c’est n’est pas cette reproduction de la réalité qui t’a intéressé dans le projet Vroom ?
    • Bien sûr, c’est la reproduction de la réalité qui m’a intéressé. Cependant, dans Vroom, il y a pratiquement pas de modélisation physique réaliste. Principalement pour des raisons de performance.
    • Puis en 1987 tu te lances dans la conversion de Vroom ST…
    • En 1987, j’ai développé Vroom sur ST durant 6 mois (toujours sur mon temps libre), et voyant que le projet dépassait les capacités d’une seule personne pour arriver au standard de qualité des jeux ST, j’ai contacté Lankhor qui venait de se créer et nous avons convenu avec Jean-Luc et Bruno d’ une co-édition. J’ai continué à travaillé sur mon temps libre (week-ends et petites vacances), partageant le travail de programmation avec Jean-Luc et Christian Droin. Je venais quelques fois le week-end à Clamart ou chez les Langlois. Au fil du temps, Jean-Luc s’est investi de plus en plus dans le projet, revisitant et optimisant mon code. Il a refait complètement la route, il a conçu la pseudo 3D dans le jeu, développé le son, etc., etc…
    • As-tu rencontré des difficultés notamment sur la physique des voitures ? le comportement sur la route ? l’IA des concurrents ?...
    • La modélisation physique des voitures dans Vroom est très simple. Un échelonnage des rapports, qui définit le régime (base du son) et finalement la vitesse. Le tout sans presque qu’aucun calcul (table-driven) pour l’optimisation de la performance. Seule l’usure des pneus entre en jeu dans les dérapages, mais de façon très simple. Quant au modèle physique des voitures (dérapage, déplacement du centre de gravité dans l’accélération/freinage, collision avec retour de force…), il est inexistant. Ce n’est que dans les jeux ultérieurs de Lankhor (OF1R, F1WP et Warm Up !) qu’un moteur physique complet a été élaboré (Modèle physique complet de la voiture avec prise en compte de réglages ailerons, des pneus, déplacement du centre de gravité qui naturellement le déclenchement de tête--à-queues, etc., Gestion physique des collisions sur barrières et entre voitures, etc. Nous avons eu aussi des informations de McLaren que nous avons rencontré en UK par l’intermédiaire d'Eidos. J’ai écrit le premier modèle de ce moteur physique utilisé dans OF1R, en me basant sur mes connaissances restantes de mes études d’ingénieur. Par la suite, ce moteur a été affiné par David Alloza, qui après Lankhor, et depuis plus de 20 ans, intervient sur des jeux de voitures en France et à l’étranger, ayant élaboré au fil des années une compétence reconnue dans le milieu. Pour revenir à Vroom, l’IA des adversaires (revisitée par Jean-Luc) est un peu plus élaborée. Elles suivent une trajectoire liée à la topologie de la route, avec certains degrés de liberté, mais cherchent quelquefois à gêner le joueur, pouvant ralentir soudainement, ou bloquer le joueur avec deux voitures de front, etc. En mode arcade, les voitures adverses sont ajoutées au fur et à mesure de façon à ce que le joueur ne reste pas sans adversité. En mode compétition, elles font leur course.
    • Et pour les graphismes ?
    • Pour les graphismes, j’ai rencontré plusieurs fois Dominique Sablons qui habitait pas loin de chez moi à Villeneuve St-Georges. Nous avions donc une version présentable en 1988 (avec des publicités de vraies marques que j’avais oubliées). Le jeu aurait donc pu sortir, disons, en 89. Un détail : Je me souviens que Dominique m'a presenté le graphisme de la page d'introduction et que tout de suite, l'idée du texte scrollant sous une partie de l'aileron avant de la voiture, a jailli.
    • Dominique Sablons a travaillé avec toi sur cette version preview, on remarque la pâte de l'artiste, néanmoins en 1991 lors de la sortie du jeu il avait déjà quitté la société, connais-tu les raisons de son départ de Lankhor ?
    • Dans ma perception, moi qui n’était pas à Lankhor, le départ de Dominque m’a paru rapide. Dominique avait cependant fini son travail de graphiste sur Vroom quand il a quitté Lankhor. Je ne connais pas ses mobiles (installation à la campagne, dans sa région ?)
    • La version de 1988 utilise la méthode dite de « super scaler » (un objet est stocké en mémoire avec différente taille) mais as-tu envisagé au lancement du projet de le faire en 3D comme dans la version de 1991 ?
    • La version de 1991 utilise également des sprites de taille différente pour afficher les objets qui progressent en taille le long de la route, comme les voitures et les objets dans le ciel (avion, dirigeable). Mais chaque circuit ne comporte que très peu d’objets différents, ce qui permet un nombre plus important de sprites par objet. La vitesse du jeu améliore aussi l’impression de fluidité. (J’ai écrit ces fonctions d’affichage). Par contre, les objets en 3D orientée (portiques, tribunes…) sont recalculés en temps réel, comme la route (Jean-Luc a écrit ces fonctions d’affichage).
    • La version beta ne semble pas avoir de musique d’introduction mais il est indiqué dans le scrollling du bas « musique André Bescond », peux-tu confirmer qu’elle n’existait pas à l’époque ?
    • André Bescond était musicien, comme l’étaient Béatrice et Jean-Luc. Je n’ai découvert la musique que lorsque Vroom est sorti. Mais sans doute en 1988 il était prévu que ce serait André Bescond qui la ferait.
    • Pourquoi ce retard entre la version de 88-89 et la sortie du jeu (1991) ?
    • Il faut tenir compte de Maupiti Island, un gros projet Lankhor qui a mobilisé Jean-Luc et Christian jusqu’à sa sortie en 1990. C’est donc après la sortie de Maupiti que nous nous sommes totalement réinvestis sur la finalisation de Vroom. D’où l’impression d’extrême longueur du développement perçue par les joueurs suite aux diverses previews dans Tilt, etc. De nouvelles idées sont apparues alors :
      - Jeu en réseau développé par Christian Droin permettant la connexion de deux ST localement ou par modem (une tentative utilisant le Minitel comme modem n’a pas abouti)
      - Mode deux joueurs (écran partagé) qui n’a été mis en œuvre que dans la version Multiplayer.

      Les derniers temps (printemps-été 1991) je passais mes week-ends complets à Clamart pour finaliser le jeu. Le jeu est sorti début Octobre 91. Je passais Bd Voltaire le jour de la sortie et sur la porte d’un Magasin de jeux vidéo il y avait une affichette : « Vroom est disponible ! ». Peu après, je passais en interview lors du JT du soir de France 3 puis vint la récompense du Tilt d’or !
    • Ensuite s’enchaine les sorties de Vroom Amiga, Vroom Data-disk, Vroom multiplayer, Vroom PC, F1 sur Megadrive…
    • J’avais trop donné sur mon temps libre et je n’ai pas du tout participé à ces développements. Au printemps 1993, avec les royalties de Vroom, j’ai acheté un bateau à moteur (petite vedette habitable) que j’appelais Vroom et que j’ai gardé seulement 3 ans..
    • Après Vroom tu abandonnes temporairement le monde des jeux vidéo, puis en 1995 retour chez Lankhor pour y superviser plusieurs jeux de F1 avec des moteurs 3D...
    • Je me suis réinvesti dans Lankhor à partir du printemps 1995 tout en continuant à travaillé pour DEC. Lankhor battait de l’aile à ce moment et n’avait plus de locaux. Bruno Gourier avait quitté la société. Avec Jean-Luc, Christian et Béatrice, nous avons cherché à développer de nouvelles idées (jeux, lunettes 3D, etc.). Ce n’est qu’à la fin 1995 que nous avons signé avec Eidos (qui venait de racheter Domark) pour un jeu de F1 (sur la base d’un avant-projet et sur la réputation du jeu F1 publié par Domark). Le temps de trouver des locaux à Voisin-le-Bretonneux et de recruter, j’ai quitté DEC et j’ai rejoint Lankhor en tant que directeur début mars 1996 , Jean-Luc prenant le job de directeur technique. En sortirons Official Formula One (PC, PS One), F1WGP (PC, PS One) édités par Eidos, puis Warm Up! édité par Microïds.

      Suite à un contrat annulé avec un éditeur japonais début 2001, nous nous sommes retrouvés en redressement judiciaire et nous avons du réduire le personnel (de 20 à 8 personnes). L’année 2001 a été très difficile, à travailler sur Ski Park Manager et de nouveaux projets qui n’ont malheureusement pas abouti auprès de divers éditeurs. Lankhor a fermé le 31 décembre 2001 et Ski Park Manager, édité par Microids, est sorti en février 2002.
    • Et après Lankhor ?
    • J’ai retrouvé du travail comme directeur de projet Grand comptes dans la SSII Euriware dès mars 2002. J’ai pris ma retraite en mars 2010 à 64 ans.
    • Merci beaucoup Daniel de toute ces informations, très bonnes continuation.