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Revolution Software / Virgin Games - 1996


TEST sur PC CD


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INFORMATIONS

Titre Original :

Broken Sword

Titre Alternatif :

Broken Sword

Genre :

Aventure

Sortie :

1996

Développeur :

Revolution Software

Editeur :

Virgin Games

Langue :

Français

Support(s) :

PC CD, PS1

PEGI :

7
CONCEPTION

PC CD


Compositeur :

Barrington Pheloung

Directeur du Développement :

Charles Cecil

Doubleur :

Emmanuel Curtil, Nathanièle Esther

Graphiste :

Steve Ince, Eoghan Cahill

Producteur :

Steve Ince

Programmeur :

Tony Warriner, David Sykes

Project Leader :

James Long

Scénariste :

Dave Cummins, Jonathan Howard
REVOLUTION SOFTWARE
[1992] Lure of the Temptress
[1994] Beneath a Steel Sky
[1996] Chevaliers de Baphomet, Les ./images/jeux/chevaliers_de_baphomet.gif
[1997] Boucliers de Quetzalcoatl, Les ./images/jeux/boucliers_de_quetzalcoatl.gif
[2000] De Sang froid
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Génération 4 #89
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[sept 1996]
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Génération 4 #96
[fév 1997]
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TEST
Des croyances moyenâgeuses que l'on pensait oubliées pour toujours, un assassin déguisé en clown et une jolie photographe ne sont que les premiers éléments d'une intrigue passionnante où s’entremêlent exotérisme, mysticisme et ordre des Templiers, nous transportant des rues de Paris aux coins les plus reculés du monde. « Les Chevaliers de Baphomet » fait partie de ces titres emblématiques du point-and-clic. Pourtant le succès du jeu ne serait caché les difficultés d’un genre qui traverse une grave crise existentielle, et qui ne veut tout simplement pas disparaitre face à la mutation du marché et aux habitudes de consommation changeante d’un public toujours plus avide de jeux affichant ces nouvelles technologies 3D. Le genre doit se réinventer pour survivre. L’occasion de découvrir ce qui est considéré comme un des meilleurs jeux point-and-clic jamais produit.
« Paris en automne, les derniers mois de l'année et la fin d'un millénaire. La ville évoque en moi des souvenirs de café, de musique, d'amour … et de mort ». Pourtant cette belle journée avait bien commencé, George Stobbart, un jeune américain prend tranquillement son café à la terrasse d'un bistro parisien, il ne peut s'empêcher de penser que les Français le traitent avec un certain mépris, une certaine arrogance, comme si le seul fait d'être américain faisait porter sur lui des regards suspicieux. Son attention est attirée par cette jolie serveuse qui se fait bousculer par un homme d'affaire élégant qui porte une mallette. Soudain un étrange « cl-a-own » avec un accordéon fait son apparition et détourne votre attention. S'engouffrant dans le café, le « cl-a-own » échange la mallette de l’homme d’affaire par son accordéon qui s’avère en fait contenir une charge explosive. Quelques secondes plus tard c’est le drame ! L’explosion propulse George à terre, protégé par la présence inopinée d’un parasol. Alors qu'il reprend connaissance, George pense à la serveuse et se précipite pour lui porter secours.

Lorsque nous avons terminé « Les Chevaliers de Baphomet », le directeur général de Virgin Interactive m'a appelé dans son bureau et m'a montré un jeu d'Argonaut Software nommé « Creature Shock » . Il a déclaré : « Ce sont les jeux que vous devriez écrire, pas des jeux d’aventure. Ce sont de vrais jeux. C’est l’avenir. »

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Ces mots prononçaient par Martin Alper, alors directeur général de Virgin Interactif aux Etats-Unis sonnent comme un coup de glas et un triste aveu du désamour profond des éditeurs envers les jeux d’aventure. Ce désamour ne date pas d’hier mais depuis quelques temps il résonne encore plus fort aux oreilles des rares studios qui osent encore se lancer dans le développement de titre point-and-clic. Et l’arrivée de la console Playstation ne va rien arranger, et même accéléré cette transition forcée vers le tout 3D.

Nous sommes en 1996, et force est de constater que l’âge d’or des jeux d’aventure est loin derrière nous. Mais qu’entend-on par âge d’or du jeu d’aventure ? Est-ce celui où la production était florissante, originale, où leurs auteurs auraient été totalement libres de leur choix artistique en dehors de toute contrainte budgétaire ? Celui où les jeux d’aventure étaient vendus en masse et érigés comme le porte étendard d’un jeu intelligent, réfléchi emprunt à la réflexion, la patience et dénué de toute violence ? Si c’est bien de cela qu’on parle alors cet âge d’or n’a jamais existé.

Il faut une bonne fois se le dire, les jeux d’aventure dont le point-and-clic est un sous genre ne se sont jamais très bien vendu, même au plus fort de cette époque charnière que fut la fin des années 80 et le début des années 90. Ils ont toujours constitué une sorte de vitrine pour les éditeurs, se rachetant ainsi une bonne conduite entre deux jeux d’actions à la gâchette facile. On parle souvent des jeux de Sierra ou de LucasArts tel que « The Secret Of Monkey Island », « Day Of Tentacle », « Grim Fandango » mais quel succès commercial ont-ils connu ? combien d’exemplaires se sont-ils réellement vendus ?

Parlons un peu de « Monkey Island » qui a marqué de nombreux joueurs, devenant bien malgré lui le symbole de toute une époque et le maitre étalon du jeu d’aventure, car malgré un accueil unanime par la presse, et son statut de jeu culte aujourd’hui, à sa sortie en octobre 1990, le jeu n'a pas été un énorme succès commercial.

Ron Gilbert en a témoigné sur son blog :

Monkey Island n’a jamais été un grand hit. Il s’est bien vendu, mais sans comparaison avec n’importe quel jeu Sierra.

— Ron Gilbert, Concepteur chez LucasArts

Pareil pour sa suite « The Chuck’ Revenge » qui n’est pas mieux loti, Tim Shafer confiera au magazine The Edge qu’un peu plus de 25 000 copies ont été distribués, alors que LucasArts espérait en écouler quatre fois plus ! Cela ressemble donc plus à échec commercial qu’au plébiscite qu’on nous a fait croire.

Tim Shafer raconte :

La direction de LucasArts est venue nous voir pour nous dire que la série Monkey Island était un échec et qu’ils voulaient qu’on fasse autre chose.

— Tim Shafer, Concepteur chez LucasArts

Sa renommée viendra surtout du piratage massif du jeu, quoi de plus naturel pour un jeu de pirate !

« The Dig », est tout le contraire. Un jeu d'aventure exigeant, à l'atmosphère sombre, dont le sujet, s'il relève de la science-fiction est traité de façon très sérieuse – Alan Dean Foster, auteur de SF réputé, aura d’ailleurs la charge de la novélisation. Un accueil critique mitigé, le jeu étant jugé trop difficile et complexe. Plus grave, malgré des ventes plus que correctes et que certains le considére comme un chef d’oeuvre, « The Dig » est jugé » encore une fois comme nouvel échec commercial pour LucasArts, qui n’arrive au final pas à rentrer dans ses frais, le coût de production et du marketing dépassait de loin celui de leurs titres précédents.

Autre titre, autre cas, « Grim Fandango » sorti en 1998 a coûté 3 millions de Dollars à LucasArts, pourtant malgré les très bonnes critiques de la presse, c’est encore un échec commercial, avec 95 000 exemplaires vendus en l'espace de 5 ans. En 2013 LucasArts fermera définitivement.

Citons enfin « The Last Express » paru en 1997 sous l'impulsion de Jordan Mechner le créateur du jeu « Prince Of Persia » (1989), qui souhaitait créer un jeu avant-gardiste dont l'histoire se déroulerait en temps réel dans l'Orient Express. Pour cela Jordan Mechner fonde son studio de développement « Smoking Car Productions » à San Francisco. Pour créer « The Last Express », il faudra pas moins de 6 millions de dollars, une somme conséquente pour l'époque. Là encore malgré de bonnes critiques, l'éditeur du jeu, Brøderbund, ne propose qu'une promotion beaucoup trop minimaliste du jeu, ce qui n'emballe pas les foules. Résultat : 100 000 exemplaires vendus, Jordan Mechner est contraint de faire fermer son studio « Smoking Car Productions », et Brøderbund est racheté en 1998 par The Learning Company.

Face à tous ses constats doit-on considéré que le genre point-and-clic est mort ? Cette question simple et pourtant complexe continue à alimenter le débat et a le mérite de mettre en évidence l’absence ou quasi-absence actuelle de certaines formes de jeu dans l’univers du jeu vidéo. On pourrait la transposer à d’autres genres qui étaient plus présent au début des années 90 comme les Shoot’em up ou les Beat’em up. En fait la question de la survie d’un type de jeux s'inscrit dans un débat plus vaste sur l'immuabilité de l'art face à l'évolution des technologies, des goûts et donc des habitudes de consommations. Elle soulève des réflexions profondes sur l'évolution des formes artistiques du jeu vidéo, sur la façon dont nous interagissons avec les médias et sur la nature changeante des tendances et des préférences des joueurs au fil du temps.

Il convient de considérer que la mort d'un genre vidéoludique est un concept somme toute assez relatif. Le jeu vidéo, en tant qu'art, n’est que le reflet de son époque, soumis aux fluctuations des goûts du public, aux effets de mode et aux progrès technologiques.

Pour certains, l'avènement des graphismes 3D, des mondes ouverts qui propose une liberté d'exploration sans précédent et une expérience multijoueur en ligne offrant une connectivité sociale instantanée a relégué le genre dans les abysses de l'histoire.

Pour d'autres, cependant, le point-and-click, dans son essence, incarne une expérience de jeu plus contemplative et réfléchie, favorisant la patience et l'attention aux détails, une manière de raconter des histoires bien plus qu'un simple style de jeu ; c’est une manière de jouer. Presque une philosophie de jeu.

Peut-être que la réponse réside dans la reconnaissance de la diversité et de la richesse de l'industrie du jeu vidéo, où les différents genres et styles coexistent et se nourrissent mutuellement.

Des titres emblématiques tels que "Monkey Island", "Grim Fandango" et bien sûr "Les Chevaliers de Baphomet" ont marqué des générations de joueurs avec leurs personnages charismatiques, leurs écrans magnifiquement conçus et leurs énigmes parfois un peu tirées par les cheveux, pour ne pas dire carrément énervantes et à la limite de la crise de nerf. Mais chacun se souvient de ces moments, de ses frustrations de joueurs, faisant perdurer ainsi le jeu dans les mémoires.

Pourtant, sous cette apparence de lent déclin, le point-and-click a continué à exister, souvent sous des formes réinventées et adaptées aux sensibilités contemporaines sous différentes formes, trouvant sa place dans un paysage vidéoludique en constante mutation. Des développeurs indépendants aux studios de renom, de nouveaux titres point-and-click ont émergé régulièrement, explorant de nouvelles histoires, de nouveaux univers et de nouvelles mécaniques de jeu séduisant à leur tour un nouveau public, trouvant ainsi un nouveau souffle qu’on espère pour longtemps encore.

Mais revenons sur l’histoire des « Chevaliers de Baphomet » et de son concepteur Charles Cecil…

D’ARCTIC COMPUTING A REVOLUTION SOFTFWARE (1981-1990)

Charles Cecil s’est retrouvé dans le jeu vidéo un peu par hasard. A la fin de son cursus scolaire, son conseiller lui recommande de se lancer dans le management. Au lieu de cela, Cecil suit la trajectoire familiale et étudie le génie mécanique dans le cadre d'un cours universitaire sponsorisé par le constructeur automobile Ford.

Au début des années 80, l’industrie automobile britannique était un endroit absolument terrible. Maintenant c'est bien mieux et je pense que nous pouvons en être très fier, mais à l'époque nous produisions des voitures de qualité vraiment inférieure, le monde industriel était terrible et c’était un endroit assez déprimant.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Grâce à ce programme de parrainage, il rencontre à l’université Richard Turner, un programmeur qui avait déjà développé quelques jeux pour Tandy TRS-80 au sein d’une société Artic Computing qu’il avait créé avec Chris Thornton. Le courant passe immédiatement entre les deux hommes et ce dernier l’invite à le rejoindre pour créer de nouveaux jeux.

Un de mes amis que j'avais rencontré pendant mes cours avait justement démarré une société appelé Arctic Computing, basé à Hull. Il avait démonté la ROM du ZX80 - en d'autres termes, il a regardé la ROM et a décortiqué exactement ce à quoi chaque élément servait, donc si vous vouliez écrire un programme en code machine, il suffisait de se référer à son manuel. Il était très intelligent.

Il m'a montré un jeu d'aventure et j'ai dit « Je pense que je pourrais écrire un jeu comme celui-ci ». Il a dit « eh bien faisons-le alors », et c’était parti.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cecil rejoint alors son nouvel ami, Richard Turner à Hull. Très rapidement un premier jeu Adventure B : Inca Curse voit le jour en 1981.

il n’y avait pas beaucoup de jeux d’aventure auxquels jouer quand j’ai commencé. Scott Adams écrivait des jeux pour les premiers Apples, et nous avons joué à quelques-uns de ses jeux.

J’avais aussi été énormément inspiré par Indiana Jones. Ainsi, lorsque j'ai écrit Adventure B : Inca Curse pour Artic Computing – une société créée par un ami appelé Richard Turner – j'essayais vraiment de capturer une partie de l'excitation du film. Je ne sais pas si le jeu a réussi à faire cela à quelque niveau que ce soit, mais c’était certainement l’objectif.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

D’autres jeux suivent..

Je passais deux semaines pour écrire un jeu, puis Richard mettait deux semaines pour le coder. Dès que le jeu était terminé, nous téléphonions à WH Smith, le plus grand détaillant de jeux vidéo de l'époque, et le convainquions de passer une commande de 5 000 exemplaires. Nous avions appelé l'imprimeur local, lui avons demandé d'envoyer un lot de covert à la société de duplication de bandes à Banbury, puis ils enverraient les jeux emballés à WH Smith. Il nous a fallu trois appels téléphoniques et nous avions alors en banque 40 à 50 000 £. Nous étions essentiellement des étudiants. C'était fou.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

L’industrie du jeu vidéo est alors toute nouvelle, pour certains encore inexistante, pour d’autres un simple phénomène de mode qui ne durera pas, mais tout est nouveau et tout est à construire.

Malgré des noms pas vraiment captivant comme Adventure B : Inca Curse, Adventure C : Ship of Doom et – et bien sûr - Aventure D : Espionage Island, les titres finissent par se vendre. L’une des particularités de Artic Computing était que c’était l'une des premières entreprises du jeu vidéo qui développait des jeux indépendants et les vendaient directement aux magasins sans autre intermédiaire.

Cecil dessine même le logo de la société.

L’entreprise Artic, était l’acronyme des initiales des fondateurs. J'ai dessiné ce camion sans lien réel avec Artic comme notre logo. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il y aurait des éditeurs et développeurs de jeux informatiques avec comme logo un camion comme ça ? Avec le recul c'était juste un non-sens, mais à l'époque personne ne s’en soucier.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Tout comme les noms des premier jeux d'aventure d'Artic, c'était en quelques sorte une certaine forme de naïveté né du fait qu’ils étaient des pionniers dans un territoire inexploré. Heureusement, le public ne semblait lui pas très regardant sur les noms des jeux.

À l’époque, on pouvait même sans obtenir les droits, reprendre le concept d’un jeu connu voir même son nom judicieusement remanié. C'était le Far West, et Cecil et son partenaire commercial étaient un peu des cow-boys, écrivant même une version ZX80 du jeu Namco Galaxien.

Richard et moi sommes allés chez un éditeur et Richard a dit « je vais juste l’appeler ZX Galaxians » , et je me souviens lui avoir demander si c'est était légal ? Et puis Pac-Man est sorti et on a fait ZX Pac-Man. Bien sûr, c'était tout à fait illégal. Nous étions des enfants et nous n'en savions rien.

Ça a changé très rapidement, mais le début des années 80 était un véritable âge d'or, car nous étions dans le marché commun. Donc nous allions dans des pays comme l'Allemagne et la Belgique et ils étaient toujours accueillants. Je chargeais ma vieille Renault 10 avec pleins de jeux, et puis il fallait que nous obtenions une licence d'exportation. Et parce que nous avions une licence d'exportation, nous voyagions avec les camions - donc nous traversions les ferries de fret, traversions les continents et allions dans des endroits incroyables, des contrées lointaines des pays européens.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

La petite société fait aussi appel à de nouveaux talents et des indépendants proposent leur production comme cela fut le cas pour Tony Warriner.

En 1985, j'ai réussi à échouer à tous mes examens scolaires en me concentrant plutôt sur la programmation d'un jeu Amstrad CPC appelé Obsidian. Ce jeu a ensuite été publié par Artic Computing, dont Charles Cecil était copropriétaire. Après cela, j'ai dérivé ici et là en faisant de la programmation de jeux 8 bits – Codemasters, etc. – et j'ai fini par créer des logiciels d'aviation avec Dave Sykes.

— Tony Warriner, co-fondateur de Revolution Software

Cette époque s'est terminé aussi vite qu'elle a commencé avec la montée en puissance des grands éditeurs. Lorsque des sociétés comme US Gold ont surgit, Artic Computing n’a pu rivaliser et est contraint de fermer ses portes en 1986. Richard Turner est parti faire autre choses et Cecil est allé travailler pour US Gold puis Activision en 1988.

Nous avons été extrêmement chanceux de créer des jeux à ce moment précis de l'histoire. Dès que les grandes sociétés américaines se sont impliquées, il est devenu clair que nous n’avions aucune chance. Après cela, j'ai travaillé pour U.S Gold puis Activision.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

LA CREATION DE …

En 1989, Activision se retrouve à son tour en difficulté financière.

Rod Cousens me poursuivait pour devenir responsable du développement chez Activision et vers 1988, j'ai décidé de le faire, mais fin 1989, la société mère américaine d'Activision a rencontré des difficultés financières. Heureusement, à ce moment-là, un autre type appelé Sean Brennan m'a invité à déjeuner et il m'a dit que si je voulais créer une entreprise, Mirrorsoft adorerait me soutenir. Quelques jours plus tard, mon patron américain est venu et m'a dit : « Nous sommes vraiment désolés mais nous allons devoir vous licencier mais pourriez-vous travailler à temps partiel pendant quatre mois ? » C'était en fait le paradis. Cela signifiait que je pouvais travailler deux ou trois jours ou peu importe pour Activision, et le reste du temps, je pouvais créer Revolution et concevoir un nouveau jeu.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

C’était le début d’une longue histoire dans le jeu vidéo qui ne s’est jamais vraiment arrêté depuis, avec des hauts et des bas. Deux jours par semaine, Cecil travaillait chez Activision, tandis que les trois autres étaient consacrés à la création de sa nouvelle entreprise.

Eh bien, Activision et US Gold ont tous deux mis l'accent sur les conversions. Mais cela a accru mon ambition parce que j'ai réalisé que si je pouvais recruter un groupe de personnes talentueuses, je pourrais alors rivaliser face à face avec ces développeurs américains et c'est en grande partie sur cela que Revolution a été fondée : une ambition de ne pas être un Anglais paroissial. société de jeux vidéo, mais d'écrire des jeux ayant un attrait mondial.

J’avais travaillé avec un programmeur à Artic qui s’appelait Tony Warriner et en 1990, je l’ai invité et un de mes amis David Sykes à rejoindre Revolution. Ma petite amie, Noirin Carmody, était directrice générale pour Sierra Online et elle avait aussi envie de s'impliquer. Pour démarrer ma mère m’a prêter 10 000£ et je suis allé à la banque Barclays négocier un découvert de 10 000£, si bien que Revolution a été créé avec 20 000£.

Nous avons embauché un gars appelé Steve Oades comme responsable de l'animation. Notre testeur chez Activision, Dave Cummins, a également été embauché. Je me souviens qu'il avait écrit un rapport de test pour un jeu d’aventure et la façon dont il l'a écrit était bien meilleure que le scénario du jeu en question. Il est devenu absolument déterminant pour nos scénarios. Steve Ince, qui était originaire de Hull, nous a également rejoint en tant qu'artiste.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Les débuts sont difficiles, l’équipe commence par travailler à domicile, puis après avoir repéré un magasin de fruits sur Holderness Road à Hull, ils décident de créer un bureau juste au-dessus. Les locaux sont minuscules et pas très propices à l’imagination, l’environnement est glacial – tellement froid qu’ils sont obligés de porter des gants sans doigts pour programmer. Seule façon se réchauffer un vieux radiateur dégoûtant qui crache des fumées. Tony et Dave ne savaient pas vraiment s'il valait mieux le laisser de côté et mourir de froid ou le laisser allumer et s'étouffer à cause de terribles vapeurs.

Mais loin de se plaindre de la rudesse des conditions de travail, Cecil estime qu’elle a offert au contraire le type d’environnement dans lequel les start-ups prospèrent.

Nous payions des salaires très bas parce que nous ne pouvions pas nous permettre de payer plus et que tout le monde avait un horizon.

Je pense que trop d'argent peut être une chose dangereuse pour un développeur de start-up. Si vous regardez les entreprises qui démarrent en trombe, elles partent généralement en trombe.

Une fois que nous avons reçu notre première avance, nous avons ouvert un petit bureau dans un appartement et c'était charmant. Il y avait une chambre donc je restais quelques jours et Noirin venait aussi.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

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L’équipe originale de Revolution Software, de gauche à droite : Dave Cummins, Steve Oades, Charles Cecil, David Sykes, Adam Tween, Tony Warriner (Hull, 1992)

LURE OF THE TEMPTRESS (1992)

Pour moi, les jeux de Level 9 étaient tous de véritables chefs-d'oeuvre – Return to Eden, Worm in Paradise, etc. Malheureusement pour Level 9, sa tentative de s'éloigner des jeux textuels et de rivaliser avec les jeux de style Sierra n'a pas fonctionné, malgré un moteur prometteur. Tout cela a coïncidé avec le début de la Révolution.

Notre plan était de battre les jeux Sierra, qui étaient extrêmement populaires aux États-Unis et qui commençaient à faire de sérieux progrès ici. Il était bien trop tard pour des contenus contenant uniquement du texte.

— Tony Warriner, co-fondateur de Revolution Software

Tony a inventé le terme de « virtual theater », avec l'idée que les personnages pourraient parcourir le monde en se parlant et que les interactions seraient transmises. Vous pouviez être n'importe où, vous asseoir et regarder le personnage et le monde continueraient indépendamment de ce que vous faisiez. C’est devenu l’idée centrale et à partir de là, nous avons développé la matrice pour donner des ordres. Donc, notre héros Diermot avait un acolyte qui s'appelait Ratpouch et c'était aussi une idée très textuelle : on cliquait sur Ratpouch et ensuite on lui donnait une liste d’instruction par des verbes. Une fois les ordres passés vous les donniez à cet homme et le regardiez faire des choses.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Charles Cecil avait pour ambition de bousculer la scène du jeu d'aventure de l'époque qui était d’après lui en stagnation.

Il y a eu une transition importante parce que des entreprises comme Sierra commençaient à se perdre. Roberta Williams, qui est clairement une scénariste et une conceptrice de jeux très talentueuse, se prenait beaucoup trop au sérieux dans « King's Quest ». Quand j’ai écrit « Lure of the Temptress », c’était en quelque sorte une réaction instinctive contre cela. Tim Schafer, que j'ai lu par la suite, a dit absolument la même chose lorsqu'ils ont fondé LucasArts.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Pour développer son premier jeu Charles investi dans un puissant ordinateur qui l’accompagnait souvent dans sa Ford Fiesta XR2 blanche, roulant à grande vitesse sur le tronçon d'autoroute anglaise de 300km qui sépare Hullet Reading. Le PC, un 386 construit sur mesure, était si précieux que Cecil insistait pour qu'il soit enveloppé dans des couvertures et attaché à l'arrière d'une voiture avec une ceinture de sécurité soigneusement disposée. Cecil, qui avait alors 27 ans et travaillait comme responsable du développement chez Activison, avait dépensé toutes ses économies sur la machine, qu'il comptait utiliser comme simulateur de vol dédié. Mais lorsque la branche américaine de l'entreprise s'est effondrée mettant fin à son poste, Cecil et son ami programmeur, Tony Warriner, ont commencé à travailler ensemble sur une démo, qu'ils avaient l'intention de présenter aux éditeurs, se déplaçant chaque semaine avec leur nouvel ordinateur entre les deux villes.

Une chose que nous avions acheté était un ordinateur 386 très puissant que Tony et Dave ont utilisé pour produire Lure Of The Temptress. Nous devions présenter le jeu à Mirrorsoft à Londres et la veille au soir, Tony et Dave ont soigneusement enveloppé le PC dans une couverture, l'ont attaché avec la ceinture de sécurité et sont partis de leur lieu de travail à Hull jusqu'à chez moi à Wandsworth.

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— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Tout semble se dérouler comme prévu pour la présentation de la démo de leur premier jeu à Mirrorsoft, l'éditeur de jeux vidéo appartenant au magnat des médias Robert Maxwell, Warriner s'est rendu chez Cecil avec l'ordinateur emmailloté et sécurisé à l'arrière. Warriner est arrivé en début de soirée et s'est garé devant la maison. Les deux hommes ont répété leur présentation, ont bu quelques verres de vin et se sont couchés, espérant passer une longue nuit de sommeil.

Le lendemain, je suis descendu chercher quelque chose dans la voiture et j'ai vu que quelqu'un était entré par effraction et avait volé la radio. À ma grande horreur, j’ai réalisé que nous avions oublié de déballer le PC mais, heureusement, j’ai pu voir qu’il était toujours sur la banquette arrière. C'était un tel soulagement : le voleur avait pris une radio qui ne valait pratiquement rien et avait laissé le PC qui valait des milliers d'euros à l'époque.

S’ils avaient volé le PC, cela aurait signifié la fin de Revolution Software, car nous n’aurions pas pu nous permettre d’en acheter un autre et de refaire le travail. Finalement, nous avons fait la présentation à Mirrorsoft et ils ont commandé le jeu.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Le pitch a été un succès. Mais avant le lancement du jeu l'année suivante, qui deviendra plus tard connu sous le nom de « Lure of the Temptress ». L'origine de ce malheureux nom est une histoire assez cocasse.

Le scénario raconte la tyrannie d'une enchanteresse du nom de Séléna et votre tâche est de restaurer la paix dans le royaume mais l’histoire originale était complétement différente et Cecil a dû refaire le scénario pour y inclure le choix de l’éditeur.

Sean Brennan [qui a travaillé pour Bethesda et maintenant DG de Focus Entertainment] était directeur général adjoint chez Mirrorsoft et a été l'une des personnes clés pour me convaincre de créer Revolution. Il m'a assuré qu'ils nous soutiendraient si nous créions un studio et il a été fidèle à sa parole. Notre premier jeu s'appelait Vengeance, ce qui est évidemment un p****n de mauvais nom de jeu. Mais alors que le développement touchait à sa fin, nous ne pouvions pas nous décider sur quelque chose qui nous plaisait. Finalement, j'ai donné à Alison Beasley, responsable du marketing de Mirrorsoft à l'époque, une liste de titres possibles et lui a demandé de choisir entre eux. Bien sûr, elle a choisi la seule blague que j'ai ajoutée au bas de la liste : « L'attrait de la tentatrice ». Quand j'ai expliqué qu'il n'y avait ni ensorceleuse ni tentatrice dans le jeu, elle a suggéré de les ajouter avec parcimonie. Nous avons donc réécrit l'histoire et les personnages pour qu'ils correspondent au nom, en ajoutant un mois au temps de développement.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Une partie de l’ADN de la Révolution réside dans le fait que nous étions nés à une époque où est l’image des femmes représenté dans les jeux vidéo était horriblement condescendant - horriblement, horriblement condescendant. C'est donc un peu ironique que notre premier jeu se soit appelé : L'attrait de la tentatrice.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cependant, alors que le jeu entrait dans sa phase finale, le propriétaire de Mirrorsoft, Robert Maxwell, est décédé dans un accident de yacht. Presque du jour au lendemain, cet éditeur puissant est entré dans une phase de lente agonie, et la plupart du personnel ont été transféré soit à Acclaim, soit à Virgin.

Ce premier jeu a pris deux années à l’équipe et a coûté entre 20 000 et 30 000 £.Le jeu connait un certains succès, la société se fait un nom rapidement. Malheureusement ce premier jeu est beaucoup trop court mais introduit la technologie « Virtual Theater » qui permet aux PNJ de se déplacer et vaquer à leurs occupations sans se soucier du joueur, renforçant l’aspect vie réel du jeu.

BENEATH A STEEL SKY (1994)

TW : Nous avions l'impression que nous en avions assez des donjons depuis un certain temps, donc l'opposé devait être la science-fiction – un genre actuellement largement négligé dans le jeu vidéo contemporain. CC : Nous étions trois ou quatre à travailler sur « Lure Of Temptress » et six ou sept sur « Beneath a Steel Sky » Les gens avaient des attributions mais la manière dont cela s'est développé était assez similaire.

Suite au succès de « Lure of the Temptress », Revolution a commencé à travailler sur « Beneath A Steel Sky » (« Sous un ciel d'acier »), une aventure dans le genre cyberpunk, né de la collaboration avec Dave Gibbons, un artiste célèbre pour son travail avec le scénariste Alan Moore sur le comic book Watchmen.

Je connaissais Dave parce que, lorsque nous travaillions chez Activison, nous étions en discussion pour obtenir une licence pour un jeu Watchmen. J'ai adoré l'idée de collaborer avec quelqu'un qui était si expérimenté et talentueux dans un média différent, je l'ai donc convaincu de venir travailler avec nous. Nous étions maintenant dans un bureau un peu plus haut de gamme et plus agréable à Hull, et Dave venait en train pour travailler sur l'histoire avec nous. Il a conçu tous les personnages puis a dessiné les arrière-plans au crayon. Ces croquis au crayon ont ensuite été coloriés par l'un des amis de Gibbons, Les Pace, avant d'être numérisés et animés par l'équipe, donnant ainsi au jeu son look unique.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

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Dave Gibbons en plein travail sur les décors du jeu (Hull, 1993)

C'est ainsi que dans leur nouveau bureau confortable, et avec l'un des plus grands dessinateurs de bandes dessinées de sa génération content d'un bacon butty, l'équipe s'est mise au travail sur Beneath a Steel Sky.

Nous lui avons donné un exemplaire de Deluxe Paint II. Et cela lui a permis de créer lui-même des sprites. Et nous avions en fait, incroyablement, par hasard, réussi à recruter localement des gens qui étaient des artistes en sprites extraordinaires. Ce que nous voulions faire, c'était créer cette ambiance de bande dessinée interactive. Dave a donc dessiné les arrière-plans au crayon, et un artiste appelé Les Pace les peignait, nous les numérisions puis animions ces pixels.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Le voyage en train étant pénible, les dernières technologies de communication ont été utilisées.

Bien sûr, nous utilisions des fax à cette époque. Nous avions cependant un modem, un modem 56k – notre ligne actuelle d’un gigaoctet est 20 000 fois plus rapide que cela ! » Mais malgré ces problèmes, le jeu a été un énorme succès, tant critique que commercial. Et même si une suite était envisagée, la franchise « Les Chevaliers de Baphomet » avait la priorité chez Revolution, car les changements dans le secteur de l'édition menaçaient le genre d'aventure dans son ensemble.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Adam Tween avait travaillé avec nous sur « Lure of the Temptress » puis est parti, Dave a ensuite dessiné les arrière-plans de Beneath a Steel Sky – et Steve Oades, je pense, les a animé ainsi que les sprites. Quand j'étais chez Activision, mon testeur principal était un gars appelé Dave Cummins. Dave était un écrivain très talentueux – il était complètement perdu en tant que testeur, c'était fou – et il est arrivé et il a rejoint Revolution en tant que scénariste et membre clé de l'équipe pour Beneath a Steel Sky.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Beneath a Steel Sky » était composé d’une équipe très soudée. C'était Tony et Dave pour la programmation. Tony Warriner [était] principalement sur le moteur ; Dave Skyes écrivait des outils et du code périphérique. Ils étaient tous les deux absolument géniaux. Et Steve Oades, que nous avons récupéré localement – il travaillait comme employé pour Kalamazoo, je me souviens – et il s'est avéré qu'il était l'animateur le plus extraordinaire. Et puis Dave Gibbons qui a peint les décors.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Dave Cummins, qui, aux côtés de Cecil, avait travaillé sur les dialogues de « Lure of the Temptress » a écrit aussi les dialogues du jeu.

« Le ton de nos premiers jeux est né d'une tension entre Dave et moi. Il voulait être plus désinvolte dans les dialogues, alors que je voulais être plus sérieux. Cela a toujours été notre vision, trouver le juste milieu entre les histoires ridiculement sérieuses de Sierra et la comédie burlesque des titres LucasArts mais je pense que nos personnalités et nos approches ont accentué la tension. »

Situé en Australie, l'histoire et les décors de « Beyond A Steel Sky » sont l'une des raisons principales de la base de fans fidèles et bruyants du jeu. Mais le scénario est né d'une simple torsion des conventions :

« Nous aimions l'idée d'inverser l'ordre naturel des villes, selon lequel plus vous êtes élevé, plus vous avez de statut social. Notre concept était que, dans une société dystopique, lorsque la pollution augmente, vous "Les gens les plus riches vivraient dans les zones les plus basses, car plus on s'élève, plus l'environnement devient dégueulasse. Bien sûr, à l'époque, nous aimions tous Blade Runner, Alien et Terminator, les trois grands films de science-fiction de l'époque, et ils ont eu une grande influence. »

Le jeu a coûté environ 40 000 £, une somme énorme pour l'époque, les premiers jeux chez Arctic Computing coûtaient environ 200 £ par titre. Néanmoins, le jeu s'est extrêmement bien vendu, entre 3 et 400 000 exemplaires, dont la quasi-totalité sur le sol Européen.

Pour Tony Warriner le jeu a une place toute particulière.

C’était probablement le dernier jeu que nous avions fait où nous pouvions simplement nous asseoir et faire ce que nous voulions avec un minimum d’interférences. Il n'a jamais été « positionné » ou « placé » dans un segment marketing – c’était juste du bonheur. Cela le rend d’une manière ou d’une autre un peu spécial.

— Tony Warriner, co-fondateur de Revolution Software

Pour Cecil, c’était la récompense d’une évolution difficile et il pouvait s’atteler à son prochain jeu qui sera mémorable...

LES CHEVALIERS DE BAPHOMET (1996)

En 1994 avec l’émergence du CD-Rom pour PC il devenait de plus en plus évident qu’on ne ferait plus des jeux comme à l’époque des disquettes. Les jeux nécessitaient plus de personnes pour leur création, plus de temps et plus d’investissement, c’est dans cet objectif que Charles Cecil pense à son nouveau jeu, plus ambitieux mais qui nécessiterait aussi plus de moyen, afin de concurrencer les productions Américaines de Sierra et LucasArts.

> L’IDEE ORIGINALE

L’idée des « Chevaliers de Baphomet » a émergé en 1994 dès la fin de « Beneath a Steel Sky ». Charles était à la recherche d'un nouveau projet plus ambitieux pour son troisième jeu.

J'étais à la recherche d’un sujet qui pourrait apporter des éléments d'humour mais principalement basé sur le drame. Les jeux d’aventure les plus réussis à l'époque étaient centré sur l'humour, comme Monkey Island, mais je voulais m'en défaire, pour créer un jeu qui aurait un bon rythme et un scénario qui semblerait réel et immersif.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Lors d’un diner avec l'éditeur Virgin Interactive au restaurant King's Cross à Londres des idées émergent. Sean Brennan, directeur opérationnel de Virgin à l'époque, avait soutenu sans réserve les projets précédents de Revolution Software mais émet quelques réserves sur le nouveau projet de Charles.

J'aurais adoré faire quelque chose autour des hiéroglyphes et je voulais concevoir une aventure basée autour de ceux-ci. Mais Sean Brennan, qui m’avait initialement a soutenu chez Mirrorsoft, a déclaré que les jeux autour de l’Egypte ne se vendaient pas.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Sean Brennan mentionne alors qu'il venait de lire le roman « Le Pendule de Foucault » de l’écrivain et philosophe italien Umberto Eco. Ce roman-fiction mêle différentes théories de conspiration autour d’un groupe d’homme à la recherche du pouvoir pour diriger le monde. Son narrateur, l’étudiant Casaubon, effectuait sa thèse sur Templiers, cet ordre militaire chrétien qui prospérait pendant les Croisades et qui a selon le livre continuait à opérer en secret. Au fur et à mesure de la discussion, émerge l’idée d’un jeu autour des Templiers mêlant mystère et aventure pouvant constituer les bases d’un jeu intéressant. À l'époque, Cecil admet qu'il ne savait pas grand-chose sur le sujet, mais cela a donné lieu au lancement de recherches très captivantes.

En visitant Paris il découvre un livre intitulé « Le Saint-Sang et le Saint Graal » de Michael Baigent, Richard Leigh, Henry Lincoln. Une enquête pseudo-historique sur une présumée lignée secrète née des figures biblique de Jésus-Christ et Marie-Madeleine, certains diront que le livre inspira « Les Chevaliers de Baphomet » et également le best-seller de Dan Brown « Da Vinci Code »).

Un livre faisant la part belle aux théories du complot, mélangeant histoires, religions et légendes : Templiers, Saint-Graal, Cathares, Francs-Maçons, légende Arthurienne, possible descendance de Jésus-Christ, et.. Le prieuré de Sion ».

J'ai pensé que les Templiers serait sans doute un grand sujet. Ceux-ci dit, c'était difficile de trouver des détails sur les Templiers et peu de gens avaient entendu parler d’eux. En lisant Le Saint-Sang et le Saint Graal, j'ai pressenti qu’il y avait là assez de matière sur les Templiers pour faire c’est un bon sujet sur lequel baser un jeu.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

« Le Saint Sang et le Saint Graal » contenait beaucoup d'informations sur la vraie histoire des Templiers, mais aussi plein de choses sur une secte prétendument secrète nommée le Prieuré de Sion qui aurait été fondée par le chevalier croisé Godefroy de Bouillon en 1099 pour préserver le secret de la descendance de Jésus et Marie-Madeleine, mais qui au final s’est révélé être une mystification totale dont les prétendues preuves ont été fabriquées de toutes pièces par le dessinateur français Pierre Plantard et par d'autres membres. Il fallait donc être prudent et ce qu’il fallait mettre dans le jeu et ce qu’il ne fallait pas. »

Le concept appelé le Prieuré de Sion était du génie. Je pense que Plantard avait un besoin de se valoriser auprès de ses amis, il a inventé de nombreuses sociétés secrètes y compris le Prieuré de Sion. Son génie était de mettre de faux documents secrets dans des endroits comme à la Bibliothèque Nationale de France à Paris dans l'espoir que quelqu’un trouve l’un d’eux. Je ne pense pas que dans ses rêves les plus fous, il aurait pu espérer que Baigent, Leigh et Lincoln auraient trouver l’un d’eux.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Les auteurs de « Le Saint-Sang et le Saint Graal », Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln ont soutenu qu’il y avait des preuves que Jésus avait épousé Marie -Madeleine. Le livre affirmait que le couple avait un ou plusieurs enfants et avait émigré vers le sud de la France et qu'une société secrète appelée Prieuré de Sion fut créée pour préserver ce secret, créant les Templiers, leur armée et la financer.

Une fois qu'on a fini le livre, on a commencé à griffonner quelques idées avec les scénaristes Dave Cummins et Jonathan Howard et on a décidé de continuer sur un point-and-clic comme les deux jeux précédents.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cecil commence à esquisser les prémisses des « Chevaliers de Baphomet », l'histoire de George Stobbart, un avocat américain en brevets, et de Nicole Collard, une journaliste française, entraînées dans une conspiration liée aux Templiers.

L’idée de créer un style cinématographique pour ce nouveau jeu tout en gardant la structure traditionnelle de ce style de jeu. En disant cela, après réflexion, il voulait aussi éviter de tomber dans la surenchère comme ces jeux basés sur des films interactifs qui avait déferlé au milieu des années 1990 et qui était pour la plupart joué par des acteurs très mauvais.

« Les Chevaliers de Baphomet » était plus ambitieux, à la fois sur le plan narratif avec son intrigue alimentée par une conspiration centrée sur les Templiers, et sur le plan aventure façon Tintin. De son titre original « Broken Sword : Shadow Of Templars » le jeu avait la particularité de présenter une animation de haute qualité façon dessin-animé et des cinématiques, évoquant les œuvres de Don Bluth, le tout accompagné de musiques travaillées et d’un doublage convainquant en anglais, français, allemand, espagnol et italien – qui sortait de l’ordinaire et était impressionnant pour l'époque.

Il en va de même pour Dave Cummins, un écrivain que Cecil a rencontré alors qu'il travaillait chez Activision à la fin des années 1980. À cette époque, Cummins rédigeait des rapports de test sur les prochains titres d'Activision pour que Cecil puisse les examiner. "Il était intéressant parce que ses rapports de tests étaient bien mieux rédigés que les jeux d'aventure sur lesquels il faisait des reportages", se souvient Cecil. "C'était surréaliste. Il écrivait si bien. Quand Activision s'est effondré, je l'ai invité à Hull. Il a travaillé sur tous ces premiers titres. Mais il a eu quelques problèmes et est tombé malade pour le deuxième Broken Sword." Cummins a quitté Revolution à la fin des années 1990 et Cecil a perdu contact avec lui. En 2012, il découvre que l'écrivain est décédé. "Une grande partie du mérite pour l'esprit de ces jeux originaux revient à Dave", déclare Cecil. "Il avait un humour brûlant et tranchant qui se traduisait si clairement dans les jeux eux-mêmes."

La décision de Cecil de commencer à écrire l'acte intermédiaire du jeu avant ses premier et dernier chapitres s'est avérée gênante à mesure que le développement se poursuivait. C'est plus tard que j'ai conçu l'intro et la fin. Le problème, bien sûr, c'est que le milieu soutient l'intro et définit la fin. Le jeu était en retard, même si Virgin est resté favorable, même s'il était un peu enthousiaste à l'égard de ce qu'ils considéraient comme un projet anachronique à l'ère naissante des jeux 3D.

Ce n'est que trois mois environ, avant la fin du travail sur le jeu, que Virgin a réalisé qu'ils pourraient avoir quelque chose de spécial entre les mains. J'avais rencontré le compositeur Barrington Pheloung environ cinq ans plus tôt, alors que nous jouions au cricket ensemble.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Pheloung, surtout connu pour avoir composé le thème et la musique accessoire de la série télévisée Inspecteur Morse, avait récemment quitté l'Australie pour l'Angleterre.

Je lui ai demandé de composer la musique du jeu et sa musique est arrivée juste au moment où les animations finales, les arrière-plans en couleur et les enregistrements vocaux étaient réunis", se souvient Cecil. "Tout d'un coup, le match a semblé incroyablement spécial, alors qu'avant cela, il était plus difficile d'en voir le potentiel.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Chaque fois que nous écrivons un jeu, nous essayons de regarder vers l'avenir dans le contexte de la technologie et des éventuelles contraintes. Broken Sword était en grande partie un jeu sur CD, donc il avait une partition musicale complète et traduit intégralement selon les pays.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Un budget phénoménal de 1 millions de livres Sterling ! (2,5 millions d’Euro de nos jours inflation comprise) est débloqué par Virgin pour la création du jeu.

> LE DEVELOPPEMENT

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Steve Ince en plein travail

Le développement des « Chevaliers de Baphomet » commence avec ces points de départ. Steve Ince est le producteur, Dave Cummins et Jonathan Howard les scénaristes et James Long le programmeur principal. Tony Warriner est le programmeur système et David Sykes crée les outils du jeu. Stephen Oades est nommé directeur de l'animation et pour la conception des personnages, c’est un studio de dessins animés appelée Red Rover basé à Londres qui en fut responsable. Quant à la musique Charles fait appel au compositeur Barrington Pheloung avec qui il avait joué plusieurs fois au cricket.

Lorsque nous avons commencé à travailler sur « Broken Sword », nous avons dû faire appel à une équipe expérimentée, et Steve Ince est arrivé en tant que producteur pour ces premiers jeux « Broken Sword ». Donc, en gros, c'était une très petite équipe pour « Beneath a Steel Sky », qui s'est considérablement agrandie parce que nous avions besoin de faire beaucoup plus d'animation ; nous avions notamment besoin de personnes pour dessiner les arrière-plans. Eoghan Cahill et Neil Breen étaient les maquettistes qui les ont dessinés au crayon, mais nous avions également besoin de personnes pour les peindre. Nous sommes donc passés d’une équipe d’environ sept ou huit personnes à une cinquantaine en un an environ.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Une des choses que nous avons faits a été de déménager de Hull, qui est un endroit fabuleux, à York. Et j'adore vivre à York. Mais nous pensions qu'il était important, pour que l'entreprise se développe, que nous soyons dans un endroit prestigieux où nous puissions attirer les meilleurs éléments. Nous avons donc déménagé l'entreprise à York et avons ensuite pris de l'ampleur pour entreprendre le travail sur « Broken Sword ». Alors oui, c'était une entreprise complètement différente. Avant, nous étions très petits, serrés et tous très proches, et avec « Broken Sword », nous avons grandi massivement selon nos standards. Je veux dire, selon les normes actuelles, 50 personnes, ce n'est rien, mais pour nous, cela représentait énormément.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> L’ART DE BAPHOMET

La première chose qui saute aux yeux en jouant à Baphomet ce sont les graphismes.

Chaque scène est un tableau animé, méticuleusement conçu pour être contemplé avant même de se jouer. Les décors arborent de nombreux détails que cela soit dans les expressions des visages des personnages, comme on en avait rarement vue jusqu’alors, soulignant l’énorme travail accompli par les équipes de Revolution. Des ruelles sinueuses de Paris aux sites archéologiques de l'Égypte, ces séquences visuelles magnifiquement rendues capturent l'essence même de l'aventure, invitant les joueurs à s'évader dans des paysages exotiques et des moments de suspense palpitant. Que cela soit dans les animations des personnages ou dans ses magnifiques visuels, tout semble avoir été méticuleusement pensé pour donner au joueur des émotions intenses et le plonger dans l'intrigue riche et complexe du jeu.

La fluidité des animations souligne l’énorme travail accompli par l’équipe de Revolution. Pour les animations des personnages, la tâche fut énorme : le jeu comporte 30 000 sprites animés et dessinés à la main et des arrière-plans peints en SVGA en 640x480 en 256 couleurs.

Charles a toujours voulu s’entourer d’artistes talentueux qui apportent une touche particulière et reconnaissable à ses jeux. Le dessinateur de Watchmen, Dave Gibbons avait travaillé sur le deuxième jeu de Revolution, « Beneath a Steel Sky ». Lorsque que le jeu a été terminé, Revolution Software ne comptait que six personnes. Cecil avait besoin de plus de personnel, en particulier d'artistes capables de créer des décors plus grands et plus ambitieux pour son nouveau jeu.

Ce mois-là, il tombe sur une publicité dans le magazine Edge vantant l'école d'animation Ballyfermot, basée à Dublin.

Le magazine Edge avait publié un article sur une école appelé Ballyfermot College. Ballyfermot avait été créé à Dublin pour former des maquettistes et des animateurs pour les studios Don Bluth, et Don Bluth avait un studio en Irlande à Dublin. J'ai lu quelque chose à ce sujet et nous avions besoin d'animateurs, alors je me suis dit : Eh bien, je vais aller voir ce qui se passe. J'ai été accueilli par le directeur, qui m'a alors suggéré de parler à Eoghan Cahill. Eoghan travaillait depuis de nombreuses années aux studios Don Bluth et nous avons commencé à parler de nos besoins. Je dois dire que je n'avais pas pris la mise en page très au sérieux. Mais il m'a posé des questions sur la mise en page et je lui ai montré certaines des choses sur lesquelles nous travaillions. Et il m'a regardé et il a dit : "Ce n'est pas assez bien."

Je me suis senti plutôt blessé et il m'a dit : 'Vous devez voir mon travail et vous devriez m'embaucher.' J'ai alors regardé son travail et c'était tellement beau. Et, il est venu travailler chez Revolution en tant que maquettiste. Il a apporté une énorme expertise issue de ses décennies de travail chez Don Bluth. Je lui dois énormément de gratitude car il nous a vraiment poussés. Cahill, travaillait à distance depuis Dublin, il a poussé l'équipe à mettre en œuvre des techniques d'animation dans le jeu qui n'avaient jamais été vues auparavant, comme déplacer le point de vue du joueur d'une perspective latérale à une perspective descendante.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Il parlait et parlait et nous poussait chaque fois plus loin, chaque fois que nous lui disions que nous ne pouvions pas faire quelque chose, il nous défiait. Il ne raccrocherait jamais si nous essayions simplement de le gruger. La moitié de l'équipe le trouvait énervant mais j'ai adoré travailler avec lui-même. Il a changé la dynamique des Chevaliers de Baphomet. Sa détermination a révolutionné cet aspect de la production.

Le problème, c’est qu’il n’arrêtait jamais de parler. C'était un homme merveilleusement talentueux et charmant… mais il n'arrêtait jamais de parler. En fait, cela a plutôt bien fonctionné, car ce qu'il faisait, c'est qu'il soumettait les gens en n'abandonnant jamais. Et dans ce cas précis, il parlait de changer l’angle de l’écran.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Je me suis dit : 'Évidemment, vous ne pouvez pas changer l'angle de l'écran, car les sprites sont dessinés selon un angle défini.' Il a dit : « Eh bien, tu ne peux pas essayer ? » J'ai répondu : « Non, bien sûr, nous n'allons pas essayer. » Quoi qu'il en soit, une demi-heure plus tard, je savais que la seule façon de me débarrasser de lui était d'accepter d'essayer. Il a donc envoyé quelques écrans et nous les avons intégrés au jeu… et putain, ça a fonctionné à merveille !

Et cela a fonctionné à merveille parce qu’il a compris que la précision n’est pas importante ; ce qui est important, c'est ce que l'œil va croire. L’œil comprend quand quelque chose est magnifiquement dessiné par quelqu’un qui comprend parfaitement la perspective et maîtrise son art, ce qu’Eoghan était absolument. Il a donc travaillé avec nous sur Les Chevaliers de Baphomet et sa suite Les boucliers de Quetzalcoatl.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> LES LIEUX : FROM PARIS WITH LOVE

Pour ses recherches sur les Templiers, Charles se rend à Paris, une ville qui l’avait captivé…

L’Angleterre était vraiment pauvre dans les années 60 et 70 et Londres était gris et terne. Paris était étincelante. Les gens marchaient différemment et ils portaient des vêtements plus à la mode. Tu étais assis dans des restaurants fabuleux et tu mangeais de la nourriture incroyable. La mythologie de Paris dans « Les Chevaliers de Baphomet » est issue des images de ma plus jeune enfance que je voulais reconstruire cela dans des lieux réels. La décision a été prise de partir dans cette direction et c'est ainsi que l’équipe a imaginé quelques décors d’arrière-plan, des œuvres d'art brute. Ce que Steve Oades pouvait faire avec les pixels était incroyable

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cecil voulait aussi une certaine authenticité, une crédibilité qui transpire de son jeu.

Ce que je voulais dans notre jeu c'est avoir une authenticité qui résonne, par exemple, si vous montez en haut de Notre Dame et que vous regardiez la Seine vers la tour Eiffel, alors vous aurez une vue très similaire à celle dans « Les Chevaliers de Baphomet ». Si vous descendez dans les catacombes, près de la Tour Montparnasse, alors les catacombes sont là et c’est l’endroit que nous montrons sur la carte. De même, les égouts sont réels.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Il va même se rendre dans les catacombes.

Je suis descendu dans les égouts et dans les catacombes sous Paris. Il y a un endroit où il y a des millions d'os enterrés ; des crânes et fémurs soigneusement assemblés. Il est important d’obtenir des références comme celle-ci et je l'ai fait avec tous les jeux que j'ai écrits.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Lors de ce voyage, coup du destin, la femme de Cecil fait une rencontre inattendue qui va consolider l’histoire du jeu.

Comme je l'ai mentionné, le concept du Prieuré de Sion était une absurdité totale. Je faisais du canoë un été en Dordogne et mon épouse était allé dans un endroit adorable appelé Carennac qui est un tout petit village surplombant la rivière de Dordogne. Il y avait une galerie d'art, et elle y est allé et il y avait un livre sur les Templiers, écrit en français - elle ne parle pas le français - mais choisit de le prendre. Le propriétaire de la galerie est venu et a demandé pourquoi elle était intéressée.

Il s'est avéré que cette personne – qui s’appelait Jean-Luc Chaumeil - avait en fait interviewé Pierre Plantard dans les années 70, celui qui se prétendait le grand maître du Prieuré de Sion. Jean-Luc avait en fait révélé que tout cela n'est qu'une supercherie. Et donc, dans ce minuscule petit village au milieu de la Dordogne, nous étions tombés sur la personne la mieux informé au monde sur le sujet. C'était absolument incroyable.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> LES PERSONNAGES : NEZ ROUGE ET HUMOUR « BRITISH »

Chaque personnage rencontré au cours de ce voyage épique était tout aussi mémorable que le précédent, quelle que soit la taille de son rôle.

L'inspecteur Moue, par exemple, avec ses soupçons incessants à l'égard de George ; les touristes américains plus vraie que nature Duane et Pearl Henderson ou encore Nejo, le très espiègle et attachant petit marchand Syrien; et ma préférée de toutes, Lady Piermont, la vieille aristo anglaise complètement cinglée de l’hôtel Ubu et n’oublions pas l’immonde Raymonde, la fameuse chèvre qui vous en fera voir de toute les couleurs. L’histoire était peut-être incroyable en elle-même, mais c’est ce brillant groupe de personnages qui a donné vie au jeu.

Ce qu’on sait moins c’est que les personnages du jeu ont été inspirés par des personnes et des événements réels.

Tous les personnages principaux sont issus de mes rencontres, l'exemple d'Albert, le concierge français arrogant qui s'avère être un obstacle dans la progression de George et Nico. C'est un personnage que ma femme [Noirin Carmody, co-fondateur de Revolution] et moi avons rencontré en France alors que nous faisions des recherches pour le jeu.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

C’est ainsi que certains personnages prennent naissance comme Albert, le gardien.

Nous sommes allés rendre visite à un ami à Paris, l’immeuble était gardé par un concierge et sommes arrivés tard dans la nuit. Le concierge était tout à fait agréable jusqu'à ce qu'il se rende compte que nous étions anglais, c'était comme si nous avions fait la chose la plus épouvantable, donc il est devenu Albert le gardien de la maison.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Au cours du même voyage, Cecil et Carmody se sont retrouvés coincés dans les embouteillages dans un taxi en route vers l'aéroport.

Il y avait un policier au centre d'une place qui essayait de diriger la circulation et tout le monde autour de lui klaxonnait. Finalement, il s'est levé, est parti et a commandé un verre de vin. En quelques minutes, la circulation était libre. Nous l'avons mis dans le jeu. Je trouve les gens comme celui-ci bien plus intéressants dans la fiction que les gens inventés simplement pour fournir une fonction dans l'histoire.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Et c’est devenu le gardien de la paix assis à la terrasse du café de Montfaucon.

Sa propre famille a aussi infusé l’histoire du jeu, devenant un titre très personnel pour lui.

Mon oncle avais combattu pendant la guerre civile portugaise et quand j'avais dix/onze ans, ma mère m'a emmené à Paris et on a séjourné avec lui. C'était un communiste et un révolutionnaire qui a échappé à l’OMS. J'ai nommé la comtesse de Vasconcellos [une espagnole aristocrate dans le premier jeu ] après qu’il s’est marié avec ma tante.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

D’autres lieux lui ont été inspiré par sa propre famille. Par exemple lorsque Georges visite Lochmarne en Irlande, cela lui est venu parce que son beau-frère, Noirin, vit dans une ville de l'ouest du comté de Limerick appelée Newcastle West et dans laquelle il y a un château des Templiers.

Au-delà des environnements riches et détaillés, des défis diaboliques et des dialogues se cache l'humour so british (ou so american ?) de George. Qui peut oublier les éternels monologues de George Stobbart (doublé par Emmanuel Curtil dans la VF) et ses plaisanteries sarcastiques lorsque vous essayiez d'utiliser quelque chose dans l'inventaire avec lequel il n'était pas d'accord ? (« J'ai pensé à utiliser le mouchoir, mais ensuite j'ai pensé… non. » )

Bien que désirant raconter une histoire sérieuse à plusieurs niveaux, la personnalité de Stobbart a justement compensé les moments les plus lourds du jeu – quelque chose que Cecil suggère était le reflet de la situation réelle de Revolution à l'époque.

Une grande partie des jeux antérieurs de Revolution, se souvient Cecil, ont été inspirés par un choc de personnalités : lui-même en tant que concepteur et écrivain principal, et un écrivain nommé Dave Cummings, décédé il y a plusieurs années. Cummings avait été testeur de jeux sous la direction de Cecil chez Activision où il écrivait magnifiquement. Cecil se souvient d'un rapport de test particulier soumis par Cummings qui était si bien rédigé qu'il était meilleur que l'aventure qu'il commentait elle-même.

Lorsque la division européenne d'Activision a fermé ses portes, Cecil a proposé un emploi à Cummings. Leur association signifiait que Cecil pouvait se concentrer sur les choses les plus sérieuses tout en ajoutant son sens de l'humour, tandis que Cummings utiliserait son esprit sec et acerbe à bon escient. La majeure partie du personnage de Stobbart, admet Cecil, est venue grâce à Cummings, et bien que certaines de ses suggestions les plus farfelues aient été rejetées, une grande partie des lignes et des insinuations intelligentes et pleines d'esprit sont venues grâce au talent de Cummings.

Ce n’est pas seulement l'esprit et l'humour de George Stobbart qui a donné vie à « L’Ombre des Templiers » mais aussi sa charmante acolyte chic Nico qui est tout aussi mémorable, une alchimie évidente bouillonnait entre les deux personnages mais jamais explorée.

L’origine de leur création était plus pragmatique que conceptuel et basée sur l’idée que le joueur obtient plus d’information sur le développement de l’histoire lorsque deux personnages échangent l’un avec l’autre. Mais alors pourquoi un Américain et une Française ?

L’intrigue se déroulait à Paris donc pour l'un des personnages il fallait un français et ça a été vraiment une question de ce qui serait le plus pertinent ; le meilleur personnage. Alors on a opté pour une Française impertinente et son opposé, un Californien décontracté. De toute évidence, une grande partie de l'histoire et des énigmes sont venues directement des différences entre les deux et comment ils travaillaient chacun l’un avec l’autre.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Nico est une belle brune, plus franche et motivée, mais aussi sarcastique. Georges est un personnage bien établi. Sa nature narquoise et passive le distingue comme quelqu'un d’amical, curieux, mais néanmoins plutôt un Américain moyen et intelligent avec un penchant pour porter des jeans et assurer ses cheveux blonds court à l'arrière et long à l'avant.

L’idée était qu’ils seraient protagonistes chacun leur tour, échangeant pensées et idées entre eux-mêmes, aidant à diriger le jeu le long de cette recherche d’indice. Cela signifiait que nous n'avions pas besoin d'avoir de longs dialogues individuels ou de 30 minutes de cinématiques. Quant à la raison pour laquelle j'ai fait George un Américain et Nico une Française, je voulais que le jeu marche aux États-Unis et en Europe. Bien sûr, c'est aussi plus exotique pour un Anglais comme moi d’écrire une histoire impliquant des gens de différents horizons et nationalités. Je pensais que George nous aiderait à accaparer le marché américain mais, en fin de compte, le jeu a surtout bien marché en Europe, notamment en Allemagne.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Dans « Les Chevaliers de Baphomet », le premier personnage que j'ai vraiment aimé, à cause de sa connexion avec Paris et du fait que j'allais à Paris quand j'étais jeune, était Nico, et peut-être que je trouvais ces femmes françaises sensuelles et sexy. Donc George était en fait un repoussoir pour Nico et encore une fois, ce que je voulais, c'était créer de l'humour à travers deux personnages tous deux intéressants mais venus de cultures différentes, pour que l'humour vienne des malentendus entre les deux.

Alors vraiment, George était… vous savez, vous avez une Parisienne française, une femme motivée et ambitieuse. Quel est le contraire ? Et le contraire auquel nous pouvions penser était un homme californien décontracté, [rire], qui était assez différent de Nico. Et bien sûr, une amitié se développera et peut-être même une relation. C'est ainsi que sont nés ces deux personnages.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Au fur et à mesure que le développement de l’intrigue progresse, il devient évident qu’il pourrait se produire une étincelle de chimie entre Georges et Nico mais Cecil confie que cela ne fut jamais exploité au risque de nuire au récit.

Il y avait une question sur le fait que Nico soit l'intérêt amoureux de George. Nous pouvions faire très facilement qu’il y ait une relation entre eux mais cela aurait ruiné l’intrigue.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

On ne pourra s’empêcher de trouver des parallèles entre les bandes dessinées Tintin et la série de jeux vidéo « Les Chevaliers de Baphomet » ; tous deux mettent en scène un protagoniste masculin aux cheveux blonds se lançant dans des aventures de globe-trotter mêlant faits historiques et fiction. Des similitudes qui n’ont pas échappé à son auteur.

J'ai un livre Tintin, et je l'ouvre à chaque fois qu'on fait un nouveau jeu et je commence à chercher des personnages.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> DES ENIGMES A EN DEVENIR CHEVRE

Comme dans tout bon jeu d’aventure, « Les Chevaliers de Baphomet » se doit d’avoir son lot d’ énigmes, plus ou moins logiques, plus ou moins difficiles parfois fourbes, vous emmenant dans une mauvaise piste comme un objet qui a l’apparence d’être incontournable pour la suite de l’aventure mais qui se révèlera au final sans importance. Certains énigmes peuvent parfois provoquer de la frustration, voire de la colère envers ses auteurs qui ont eu cette idée machiavélique, mais au final il faut le reconnaitre, ces douloureux passages ont souvent permis à bien des jeux de rester dans les mémoire des joueurs, et cela bien au-delà de leur espérance.

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Attention à ton derrière George, c’est l’immonde Raymonde !

Bien sûr « Les Chevaliers de Baphomet » comporte évidemment ce type de casses têtes, l’un notamment se déroulant dans le second chapitre à Newcastle West en Irlande et implique une chèvre hargneuse, une foutue et énervante chèvre attachée à un poteau dans la cours du château Lochmarne qui refuse de faire passer George. Chaque fois que George approche un peu trop près, la chèvre se rue sur vous et vous assène un coup de tête qui vous renvoi quelques mètres plus loin.

Ce passage difficile a laissé de profondes cicatrices aux joueurs car il était particulièrement sournois puisqu’à contrario de ce qu’on avait l’habitude de voir dans les jeux d’aventure qui a par nature ont un déroulement plutôt lent et dépourvu de notion temporelle. Il nécessitait pour être résolu d’effectuer quelques clics dans un timing serré, tellement serré que même en connaissant la solution il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour réussir à le passer, c’est pour dire.

Trouver le bon équilibre des énigmes dans ce type de jeu est un travail délicat, et Cecil a travaillé dur pour le trouver. Tout en souhaitant lui donner un ton plus accessible que les précédents jeux Sierra auxquels Revolution avait toujours voulu venir s’opposer, il ne voulait pas non plus aller trop loin dans l'autre sens et s'appuyer sur une progression trop facile et trop absurde.

Dans tous les jeux que j'ai écrits, j'ai essayé de rendre les énigmes logiques en fonction des motivations du personnage par rapport à son époque et au contexte. C'est une chose vraiment difficile à faire. Je pense que les jeux qui n'ont pas cette contrainte parce qu'ils sont burlesques sont capables de proposer des énigmes amusantes et idiotes beaucoup plus rapidement que nous ne proposons des énigmes qui doivent être justifiées par la motivation du personnage.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cette énigme de la chèvre est l'une des pièces maîtresses du jeu et l'un des puzzles les plus difficiles jamais créés dans un point-and-clic. C'est celui qui, pour le meilleur ou pour le pire, a aussi permis au premier « Chevaliers de Baphomet » de se démarquer de ses concurrents.

Encore aujourd'hui Cecil est divisé sur ce casse-tête.

Nous rendons les énigmes aussi difficiles que possible dans le contexte du fait que nous ne voulons pas qu'elles soient artificielles, puis notre mécanisme d'équilibrage donne grâce à nos voix off et aux voix des autres personnages des indices. J'avais des opinions très contradictoires sur le puzzle de la chèvre. Parce que d'une part, la raison pour laquelle c'est si difficile est que cela change légèrement le mécanisme à environ un tiers du chemin. Mais ensuite, ce puzzle est noté comme l’une des « 10 énigmes du jeu vidéo les plus difficiles de tous les temps », ce qui est plutôt cool.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

L’origine de cette énigme diabolique est pourtant voulu mais son impact n’a pas été totalement maitrisé car cela a freiné pas mal de joueurs dont pour certains c’était leur premier jeu d’aventure.

La raison pour laquelle j'ai délibérément écrit ce puzzle très difficile est qu'il y a deux types de personnes qui jouent à des jeux d'aventure : ceux qui comprennent vraiment le mécanisme et qui se plaignent comme un diable de pouvoir jouer au jeu beaucoup trop vite ; et puis des gens normaux qui y ont joué et l'ont apprécié et cela leur a pris tout le temps auquel nous nous attendions. Totalement naïf et totalement stupide, j'ai pensé que j'essaierais de flatter ou de plaire aux deux en mettant en place un casse-tête vraiment sournois.

Bien sûr, cela a très bien fonctionné pour les personnes qui comprenaient le mécanisme, car cela les a arrêtés dans leur élan pendant quelques heures avant de passer à autre chose. Mais pour la grande majorité des gens, la majorité silencieuse, cela les a complètement déconcertés. Ils ont dû attendre que les questions-réponses soient publiées, et les procédures pas à pas et tout le reste, et c'était un casse-tête vraiment injuste !

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Même si cela a dû décontenancer pas mal de joueur, peu ont abandonné l’aventure à ce stade mais ont attendu la solution de cette énigme avec les pages d’aide des magazines. La plupart des joueurs avaient succombé au charme du jeu, l'esprit et l'humour de son enquêteur à temps partiel, George Stobbart, qui atténuait la difficulté des énigmes a compensé sans doute les moments les plus lourds du jeu – quelque chose que Cecil renvoi comme un reflet de la situation réelle de Revolution à l'époque.

> PARIS EVOQUE EN MOI DES SOUVENIRS DE CAFE, DE MUSIQUE, D’AMOUR… ET DE MORT

Un des aspects intriguant du jeu ce sont les scènes où vous pouvez mourir. LucasArts avait pour philosophie de ne jamais faire mourir le joueur – et de ne jamais le mettre dans une position impossible à ne pas avancer – alors que Sierra était prêt à laisser le joueur mourir ou à le laisser se retrouver bloquer. Cecil choisit a plusieurs moments que l’aventure pouvait prendre fin en choisissant George pouvait mourir… mais pas en bloquant le joueur.

Ces scènes de mort pouvaient décourager les joueurs ; Revolution Software a-t-il toujours eu l'intention de les inclure ?

Le problème avec la mort, évidemment, c'est que… les LucasArts sont assez différents. Nous – moi – essayons d’écrire des énigmes complètement logiques dans le contexte du monde et des personnages. Ainsi, les obstacles ressemblent – je l’espère – à des obstacles narratifs plutôt qu’à de simples énigmes qui vous empêche de progresser.

LucasArts, qui sont géniaux… leurs énigmes étaient toujours burlesques. Donc vous savez, vous obtenez un singe, puis vous l'écrasez et cela devient une clé à molette. Dans une large mesure, je dirais que beaucoup de leurs énigmes ne pourraient jamais être résolues logiquement parce qu’elles n’ont aucun sens, et que la satisfaction vient rétrospectivement de la joie de l’écriture, l’humour et le ridicule.

Nous avions donc des philosophies très différentes. Dans leur genre de monde burlesque, ils ont pris la décision de ne pas [laisser le joueur] mourir. Je me souviens de façon très mémorable du moment où Guybrush [dans Le Secret de Monkey Island ] tombe d'une falaise puis rebondit parce qu'il est tombé sur un arbre à caoutchouc, et c'est ça qui est amusant. Ce que je voulais, c'était avoir une histoire plus sérieuse avec un réel sentiment de danger. Ce danger venait donc de la capacité de mourir.

Parce que si vous y réfléchissez, vous avez la musique – augmentant le tempo, augmentant le drame – à l'Hôtel Ubu, qui, je pense, est le premier endroit où vous pouvez mourir dans Broken Sword 1 , et ce que nous promettons, c'est le danger, nous promettons une menace, et j'ai senti que vous deviez vraiment y donner suite. Je pense que c'est quand même très important, parce que si vous n'y donnez pas suite, le joueur saura très vite et instinctivement qu'en réalité, le danger est un faux péril. Alors que si vous les tuez, même si vous les prévenez, parce que je veux dire clairement, vous ne pouvez pas tuer quelqu'un sans l'avertir qu'il est en danger… Mais si vous ne le tuez pas, alors je pense qu’instinctivement, le joueur saura très vite qu’il s’agit d’un faux péril.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

La scène de mort dont parle Charles – où Flap et Guido fouillent George devant l’hôtel Ubu, trouvent le manuscrit, l’attachent dans un sac et le jettent à la rivière – m’a choqué quand j’étais enfant. Après avoir affronté la pierre tombale du « jeu terminé », je me suis assuré de sauvegarder régulièrement. Ce fut une leçon difficile à apprendre !

Je sais », dit Charles, « et le problème, bien sûr, était que tant de gens sont morts et n'ont pas pu se sauver. Mais à l’époque, les gens ne se plaignaient pas, ils revenaient simplement et rejouaient depuis le début ! » Il rit, avant d’ajouter : « Les habitudes ont changé.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Bien sûr, ces scènes de mort sont rendues encore plus percutantes grâce aux superbes animations et cinématiques du jeu.

> LES CINEMATIQUES

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Le jeu s’ouvre sur une séquence animée mémorable et parfaitement maitrisée, créée et storyboardé par Charles Cecil, même si la version finale s’en démarque assez largement. Accompagné d’une voix off magistrale, celle du comédien français Emmanuel Curtil (connu pour être la voix de Jim Carrey) et de la musique du compositeur australien Barrington Pheloung elle introduit brillamment le joueur dans l’aventure. Cette cinématique du plus bel effet fait maintenant partie de l’histoire du jeu vidéo.

D’une gargouille de la cathédrale Notre-Dame, la caméra suit le vol d’un corbeau nous faisant découvrir Paris, plus loin George Stobbart un touriste américain prend son café à la terrasse d’un café. Un homme avec un attaché-case discute avec la serveuse puis entre dans le café. C’est alors qu’un clown étrange avec un accordéon fait son apparition, comme surgit de nulle-part, il se faufile à son tour dans le café, subtile la mallette et la remplace par son accordéon qui contient une bombe. Quelques secondes plus tard c’est l’explosion, qui ravage la devanture du bistro et propulse le personnage à terre. C’est ainsi que débute l’aventure…

Il y en a deux façons de démarrer un jeu. Vous pouvez donner beaucoup d'informations sur un personnage et quoi faire ou vous pouvez commencer d'une manière qui est hors du contrôle du joueur et c'est ce que je voulais. Je pensais que puisque le joueur contrôlait le personnage et s’associait à lui ou elle, que je pourrais me permettre de commencer le jeu sans qu’on parle beaucoup des personnages. Donc dans la première scène, je ne l'ai pas fait je voulais une longue exposition. Georges se retrouve dans l'intrigue à contrecœur, ayant été pris dans une explosion, il veut tout faire pour découvrir qui se cache derrière cela. Nico entre après - dix minutes après le début – et la recherche commence.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Bien plus que de simples interludes visuels ; Chaque cinématique du jeu représente des moments d'une rare beauté artistique, et constitue un élément essentiel à la narration, permettant de donner vie aux personnages principaux mais aussi secondaires, dévoilant petit à petit un peu plus l’intrigue et les secrets entrelacés d’une histoire complexe pleine de mystère. Que ce soit pour introduire de nouveaux personnages, révéler des tournants dramatiques dans l'histoire ou simplement enrichir l'atmosphère immersive, ces scènes cinématiques sont soigneusement conçues pour captiver l'imagination des joueurs.

L'attention portée aux détails dans celles-ci est remarquable. Des mouvements des personnages aux paysages pittoresques qui se déploient à l'écran, chaque élément est méticuleusement animé pour créer un monde vivant et vibrant. Les dialogues, eux aussi, sont habilement écrits et interprétés, ajoutant une dimension supplémentaire à la profondeur des personnages et à la complexité de l'intrigue.

Au-delà de leur fonction narrative, les cinématiques de « Chevaliers de Baphomet » captivent également par leur esthétique. Inspirées par l'art et la culture des lieux traversés par les protagonistes, ces séquences offrent une immersion visuelle saisissante, évoquant l'essence même des destinations exotiques et des mystères anciens explorés dans le jeu.

Mais au-delà de leur esthétique époustouflante, les cinématiques des « Chevaliers de Baphomet » servent également de vecteur narratif essentiel. Elles approfondissent les personnages, dévoilent des indices cruciaux et propulsent l'histoire vers des sommets d'intensité dramatique. Chaque mouvement, chaque dialogue, est soigneusement orchestré pour tisser un récit cohérent et captivant, faisant des cinématiques non seulement un plaisir visuel, mais aussi un élément narratif indispensable. Même des décennies après sa sortie, « Les Chevaliers de Baphomet » continue d'inspirer et de ravir les joueurs, témoignant du pouvoir intemporel des cinématiques bien exécutées dans le jeu vidéo.

A contrario des films interactif de l’époque, "Les Chevaliers de Baphomet" a trouvé ce juste milieu qui permet de faire cohabiter habilement l'animation traditionnelle avec des techniques de narration interactives permise par le CD-Rom. Ces séquences loin d’être superflue, participent à la narration repoussent les limites de ce qui était alors possible dans le domaine des jeux vidéo. Elles démontrent l'engagement indéfectible du studio envers l'excellence artistique et l'innovation technique, contribuant ainsi à élever le jeu vidéo au rang d'art à part entière.

Quand « Les Chevaliers de Baphomet » est sorti, nous voguions dans l’ère des films interactifs. Ces productions étaient un désastre. Les gens qui y jouaient étaient en dehors de la réalité et aveuglés – ils voulaient se frotter avec les stars et producteurs de cinéma et les éléments narratif constitutif d’un jeu étaient gâché. Ils étaient déconnectés avec le monde du jeu. Bien sûr je me suis intéressé à l'écriture de scénarios de films et il peut y avoir parallèles avec les jeux. J'ai senti qu’il était nécessaire d’apprendre des films mais pas les imiter. C'était mon intention dans les cinématographique de Baphomet, avec excellent gameplay.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Pour les concevoir, Charles a d'abord écrit les cinématiques et les dialogues et a contacté le compositeur australien Barrington Pheloung pour en composer la musique.

Notre approche n'était pas très différent de celui d'un scénariste pour un film. Nous avons terminé les cinématiques et les dialogues au début du processus. L'une des premières décisions a été de s'assurer que le joueur se sentait aussi impliqué que possible, pour cela nous nous sommes assurés que toutes les cinématiques étaient courtes et arrivaient au bon moment.

Mais l’une des choses les plus importantes était de réussir les premières scènes et une mauvaise introduction aurait gâché l’entrée du joueur dans le jeu et donc son immersion.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Les cinématiques ont été compressées par une technologie de l’époque appelée Smacker Video Technology de RAD Software. Il s’agissait d’un format de fichier vidéo (.smk) développé par Epic Games Tools et principalement utilisé pour les vidéos animées dans beaucoup de jeux vidéo.

Le format Smacker, était très populaire puisqu’il a été utilisé dans plus de 2300 jeux comme Alien Vs Predator, Toonstruck, Warcraft II , StarCraft et Diablo I… il permet de prendre en charge 256 couleurs le rendant ultra rapide à décompresser (environ 3% CPU), mais nuisent également à la qualité des couleurs dans les vidéos qui en utilisent plus et cela avant même toute compression. C’est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse.

En plus de cette limitation, les vidéos de Baphomet souffrent de macroblocking (artefact de compression vidéo). Nous en étions encore au balbutiement du stockage de vidéo compressé sur support CD, et c’était la meilleure qualité possible en 1996.

> UN ACCUEIL MITIGE AUX ETATS-UNIS

Le jeu sort aux États-Unis en septembre 1996 soit deux semaines avant sa sortie au Royaume-Uni dans une quasi indifférence et avec peu d’enthousiasme, avec un nom « Circle of Blood » pas très adapté au contenu du jeu, une volonté semble-t-il de Virgin America qui souhaitait un titre qui sonne plus sanglant que le nom anglais « Broken Sword »

Il n'y a pas eu un énorme enthousiasme de la part de Virgin Interactive America.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Il faut dire que si les productions précédentes de Revolution étaient connus en Europe, au pays de Sierra et de LucasArts il en est tout autre.

Nous travaillions avec Virgin, et avec Sean Brennan en particulier, qui était le directeur général adjoint. Sean avait été témoin du succès de « Lure of the Temptress » et « Beneath a Steel Sky », et il pensait que la seule façon pour nous de réellement rivaliser de front avec Sierra et LucasArts était de les égaler en termes de valeurs de production, car son point de vue était que pour réussir en Amérique, il fallait avoir des valeurs de production élevées. En Europe, c'était davantage une question de gameplay et d'histoire, mais aux États-Unis, cela exigeait des valeurs de production. Il s’agissait donc d’une montée en puissance pour Broken Sword

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Virgin Interactive essayait donc de concurrencer directement Sierra et LucasArts aux États-Unis

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Nous voulions que le jeu réussisse en Amérique. Il y avait des gens formidables et très talentueux en Amérique, mais Martin Alper – pour une raison quelconque – ne prenait pas le jeu très au sérieux. Au moins en partie, c’était parce qu’il n’avait jamais joué aux jeux vidéo et qu’il en était très fier. Ils ont changé le nom « Broken Sword » en « Circle of Blood », parce qu'ils voulaient que le nom sonne beaucoup plus « sanglant » », dit-il – une décision sur laquelle Revolution Software n'avait aucun contrôle. » « Le truc avec Virgin [Interactive] Europe, c'est qu'il y avait plein de gens passionnés. C'était toujours un vrai plaisir de descendre [au siège] parce que quelqu'un vous attrapait et vous disait : « Oh, venez voir l'emballage ! ou "Ceci est notre plan marketing !" et partout où vous alliez, il y avait juste une énergie.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cependant, de l’autre côté de l’Atlantique, c’était une tout autre histoire.

Je me souviens d'être sorti avec le directeur de Virgin [Interactive] America [Martin Alper], et il était très fier de me dire que la raison pour laquelle il avait pris de si bonnes décisions concernant les titres à acheter était parce qu'il n'avait jamais joué à un jeu vidéo. . Il y avait donc une grande différence ; J’ai trouvé le côté européen plein d’énergie et de passion pour le médium. Et aussi, leur marketing était très audacieux.

L’une des raisons pour lesquelles Broken Sword a eu beaucoup de succès en Europe et non en Amérique, c’est parce que Virgin [Interactive Europe] était tout simplement fantastique. Il y avait des gens vraiment très bons en Amérique, mais la culture d'entreprise dirigée par le haut n'était pas aussi enthousiaste pour les jeux vidéo que celle du côté européen.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Ce manque d’enthousiasme aux États-Unis s’est traduit par une baisse des ventes – bien qu’au fil des années - la série a continué à toucher de nouveaux publics, non seulement en Amérique mais dans le monde entier.

Dans l'ensemble, Virgin Europe a pris la localisation extrêmement au sérieux », poursuit Charles. « Et même s'il était gênant que le jeu s'appelle « Les Chevaliers de Baphomet » en France et « Baphomets Fluch » en Allemagne, le fait qu'ils portaient des noms français et allemands est intéressant… Ils étaient extraordinairement bien traduits et localisés, et ce qui est intéressant c'est que pour aujourd'hui les Allemands qui aiment « Baphomets Fluch » croient que c'est un jeu allemand, les Français aussi avec « Les Chevaliers de Baphomet » croient que c'est un jeu français.

Même si je ne pense pas que l'intention était de prétendre que le jeu était français ou allemand, cela a eu pour conséquence involontaire de faire en sorte que les gens en France et en Allemagne se sentent très proches du jeu. C'est très intéressant et cela a probablement contribué à la vigueur des ventes dans ces pays particuliers.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

« Les Chevaliers de Baphomet » avait un côté très européen – très international –, avec le protagoniste américain (George) et sa petite amie française (Nico) voyageant à travers le monde pour résoudre des mystères. Et même s'il a cet humour et cette saveur résolument britanniques, le jeu ne semblait pas si britannique que cela.

Eh bien, c'est certainement ce que nous visions », confirme Charles, « et même s'il s'agit d'un type de jeu complètement différent, j'admire vraiment la série Grand Theft Auto – en particulier Grand Theft Auto III. Quand il est sorti, c’était tellement révolutionnaire, tellement ironique et ironique. Les Américains pensaient tous qu'il s'agissait d'un jeu américain, mais en fin de compte, il ne pouvait être que britannique en raison de la façon dont il jouait avec ironie et sur de nombreux thèmes. C’était britannique de bout en bout.

J'espère qu'à bien des égards [avec] « Broken Sword », les gens le considéreront comme international… mais en réalité, au fond, l'ADN est très britannique et anglais.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> UN COVER-ART EMBLEMATIQUE

La pochette du jeu un peu mystérieuse, emblématique, est devenu une œuvre d’art à part entière ce qui est assez inhabituelle pour cette époque où la plupart des cover-arts de jeux vidéo étaient quand même plus accès sur l’action, voir la violence. Ce cover a été réalisé par l’équipe marketing de Virgin Interactive comme le confie Cecil.

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Virgin était entièrement responsable de la première affiche. C'est brillant. À l'époque, cela semblait complètement faux, mais ils pensaient que c'était bien e »t je pense avec le recul… À bien des égards, c'est une belle œuvre d'art et elle s'adapte au jeu.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Beaucoup ont aussi connu le jeu grâce aux éditions dite petit budget White Label qui permettait quelques mois après leurs sorties d’accéder à des grands hits à moindre prix, avec un packaging simple et standardisé, et dans lesquelles nous pouvions retrouver « Star Trek 25th Anniversary », « Dune/Dune II » ou encore « The 7th Guest ».

> GENERATION PLAYSTATION

Avant « Les Chevaliers de Baphomet », la popularité et le succès des jeux d'aventure dépendaient en grande partie de la machine de destination. – l’interface consistant à déplacer un curseur sur l’écran rendait le genre intrinsèquement mieux adapté à une machine disposant d’une souris et d’un clavier qu’à l’utilisation d’une manette. Pourtant des tentatives de point-and-clic sur console avait déjà eu lieu précédemment, par exemple sur NES avec « Maniac Mansion » ou du très tardif mais impressionnant « Kings Quest V ». Pendant une grande partie des années 1980 et 1990, cela n'a pas trop posé de problème : disons que l'industrie du jeu avait suffisant de plate-forme permettant aux joueurs de se tourner vers les jeux auxquels ils voulaient jouer. Cependant, tout a changé avec l’arrivée de la PlayStation.

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La démo du T-Rex

Pour Charles Cecil une grande partie du succès commercial du jeu est en partie dû au soutien de l'équipe britannique de Virgin, mais aussi au fait qu'il a réussi à placer son jeu sur la nouvelle console PlayStation de Sony.

Invité par Phil Harrison à découvrir la nouvelle console de Sony, la PS1, alors appelée PSX, Cecil s'est rendu à Londres, et a découvert la démo technologique particulièrement impressionnante du T-rex qui cours, une démo qui avait fait son petit effet à l’époque de la sortie de Jurassic Park.

Nous avons parlé à Virgin, qui n'avait pas les droits mais il était tout à fait logique qu'ils publient… et ils ont refusé. Quelques années plus tôt, lorsque j'étais chez Activision, ce jeune brillant, très dégingandé et incroyablement enthousiaste, appelé Phil Harrison, cherchait du travail et du travail. Je lui ai confié quelques projets ; Je ne pense pas qu’aucun d’entre eux ait vu le jour, mais nous sommes restés en contact. Vers 1994, il m'a téléphoné et m'a dit : « Je travaille chez Sony maintenant. Nous produisons une nouvelle console ; c'est top secret, mais son nom de code est PSX… tu veux venir le voir ? »

J’étais évidemment très excité. [Je] suis allé là-bas, et ils ont eu une incroyable démo de dinosaure en 3D – un dinosaure en mouvement dans ce qui semblait être du très haut poly mais qui était évidemment du bas poly par rapport aux normes d'aujourd'hui.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

La démo technique de Sony poussait la PlayStation dans ses limites et avait l'air fantastique pour l'époque.

Grâce à ses liens avec Phil, Cecil réussi à convaincre sur le fil Sony.

Virgin m'a dit que le jeu ne fonctionnerait pas du tout sur PlayStation car il n'était ni en 3D ni un jeu d’action. Sony n'était pas non plus très enthousiaste, je dois dire – mais il y avait un gars appelé John Roberts chez Sony et il l'a défendu, puis Martin Alltimes [a fait le même]. Nous avons convaincu [Sony] qu'ils devraient l'accepter, et encore une fois, ils n'étaient pas extrêmement enthousiastes

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Malgré des temps de chargements un peu long entre chaque écran (maudit soit cette foutue pièce qui tourne !), la presse Playstation de l’époque se prend d’affection pour ce jeu dépourvu de 3D et sans effet spectaculaire mais tellement attachant.

Neuf sur dix dans le magazine officiel PlayStation, avec cinq ou six pages, une couverture étendue en Allemagne, en France et au Royaume-Uni ; À cette époque, le magazine PlayStation officiel avait un tirage de 600 000 exemplaires. Nous avions un public captif qui s'élevait à un million et demi de personnes. Le jeu s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Bien sûr l’absence de souris signifiait que le contrôle était moins intuitif que sur PC mais pas rédhibitoire vu le succès qu’a connu le jeu.

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Comparaison des versions PS1 (635x364) et PC (640x400 ou x480 si on compte les menus)

Mon seul grand regret était que personne ne pensait que la version Playstation se serait aussi bien vendue, donc nous l’avons gardé tel que la version PC. Avec le recul, je pense que si nous avions introduit le contrôle direct dans ce style de jeu, ça aurait été énorme. Mais pour être honnête, je ne suis jamais content de mes jeux et je regarde toujours comment ils auraient dû être.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Bien que la Playstation a aidé au succès des « Chevaliers de Baphomet », certains lui attribuent l’accélération du déclin des point-and-clic, par ses avancés technologique en 3D la console de Sony faisait passer le genre dans la catégorie des jeux du passé, oubliant ainsi que la Playstation comme toute les consoles, n’était pas prédisposé à ce type de jeu tout comme l’ont été les autres consoles qui l’avaient précédé tel que la Mega Drive et Super Nintendo.

En fait ce qui avait changé avec cette console c’est son énorme succès, vendue à des dizaines de millions d’exemplaires faisant miroiter aux éditeurs des possibilités de ventes de leur jeu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires contre quelques dizaines de milliers précédemment, faisant que les éditeurs sont devenus plus réticents à investir dans des jeux qui ne pourrait pas s’adapter à la PS1 et ne voulaient pas passer à côté de ses ventes importantes.

Lorsque la PlayStation est sortie en 1995, elle a connu un succès extraordinaire. Tous les éditeurs ont commencé à consacrer toutes leurs ressources aux jeux PlayStation. Et ils pensaient que les jeux PlayStation devaient être viscéraux et en 3D parce que c'était, selon eux, ce que voulait le public. L’idée d’un jeu point-and-clic en 2D était donc hors de question.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

La version PS1 des « Chevaliers de Baphomet » reste donc un contre-exemple, malgré son succès aucun autre point-and-clic n’a suivi son chemin, hormis sa suite « Les Boucliers de Quetzalcoatl ». Les grands point-and-clic de la fin des années 90 comme « Toontruck », « Discworld » ou encore « Blade Runner » n’ont pas eu droit à des versions PS1 et c’est bien dommage.

L’origine du titre original anglais « Broken Sword » (« Epée cassée ») est assez floue même pour son concepteur, quant au titre français, l’explication est plus convenue…

Je ne suis pas certain de l’origine du titre, si ce n’est qu’une épée cassée est un symbole de paix. A l’époque j’habitais à York et quelques années plus tôt une stature de l’Empereur Constantin fut érigée à côté de la cathédrale pour la commémoration de son couronnement en 306 après J-C. La statue représentait Constantin assis tenant une épée cassée. Peut-être qu’inconsciemment le titre vient de là. En ce qui concerne le titre français, c’est Virgin notre distributeur en France, qui l’a trouvé.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

En Allemagne, le jeu sort sous le titre « Baphomets Fluch » et a été très bien accueilli, tout comme en en France. Au final « Les Chevaliers de Baphomet » fut un succès critique et commercial, se vendant à plus de 650 000 exemplaires, un « chiffre énorme » à l'époque.

C'était incroyable parce que c'était tellement inattendu. Même Sony ne pensait pas que le jeu fonctionnerait de la sorte.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

> ET UN ET DEUX… ET SIX

Étonnamment, même après le succès du jeu original – sans parler du soutien de l'équipe britannique de l'éditeur Virgin – une grande partie de la grande direction américaine n'était pas enthousiaste à l'idée d’une suite.

Heureusement Revolution possédait la propriété intellectuelle, sinon il ne fait absolument aucun doute qu'il n'y aurait jamais eu de suite au jeu original.

Même si la version PC de BS1 a bien fonctionné, Virgin ne semblait pas être pleinement à l'aise avec l'idée des jeux d'aventure. D'un côté, BS1 était rentable et solide, mais de l'autre, ce type de jeux ne se transforme pas en méga hits, comme l'ont fait « Command & Conquer », par exemple. Il y avait une mentalité dans l'édition qui disait qu'il valait mieux dépenser de l'argent au hasard, et peut-être obtenir un gros succès surpris, au lieu de soutenir des jeux stables, mais néanmoins rentables comme « Broken Sword ». Mais cela résume le problème que les aventures ont toujours eu : elles se vendent, mais pas assez pour exciter les éditeurs.

— Tony Warrriner, co-fondateur de Revolution Software

Malgré ses réticences, un an plus tard sort « Les Boucliers de Quetzalcoatl ». Cette fois fini les catacombes et les sombres complots des templiers, place à l’aventure avec une enquête sur une mystérieuse statue Maya et un trafic de drogues à l'échelle planétaire.

L’expérience acquise sur le premier jeu a permis moins de problèmes techniques (le premier jeu incluait un bug qui empêchait certains joueurs d'atteindre le chapitre final), les ventes de cette suite ont décollés en partie grâce à la renommée du premier jeu.

Par exemple, Broken Sword 3 est sorti sur Xbox ainsi que PlayStation 2 et PC, tandis que Broken Sword: Shadow of the Templars – The Director's Cut est sorti sur Nintendo Wii et Nintendo DS avant de finalement arriver sur iOS et PC. Je me demande à quoi ressemble la relation de Revolution Software avec Microsoft par rapport à Sony, par exemple ?

Dans les années qui ont suivi la série est apparue sur de nombreuses autres consoles mais il faudra quand même six ans avant l'arrivée du troisième épisode, connu sous le nom « Le manuscrit de Voynich » (« The Sleeping Dragon » en Angleterre), sorti sur Xbox ainsi que PlayStation 2 et PC. Cet épisode a abandonné la vue 2D des deux premiers jeux au profit d’un environnement 3D plus représentatif des jeux de l’époque, le jeu a aussi failli provoquer le dépôt de bilan de l'entreprise car durant cette période Revolution avait sorti un autre jeu « De Sang Froid » (« In Cold Blood »), un jeu d'aventure plus orienté action qui a été moins bien accueilli.

Nous avons subi une perte énorme sur ce jeu parce que le modèle d’amortissement était vraiment biaisé. Les éditeurs nous payaient 7% du prix au détail, mais compensaient d'abord tous les coûts de développement, une partie de la localisation et une partie des tests.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

En conséquence, Revolution a enregistré une perte de plusieurs centaines de milliers de livres sterling, tandis que l'éditeur du jeu, aujourd'hui disparu, THQ, a réalisé un bénéfice de plusieurs millions de dollars sur le jeu, selon Cecil.

Malgré la situation précaire dans laquelle l'accord avait laissé Revolution, Cecil a quand même entamé des discussions avec THQ sur la création d’un quatrième épisode.

Les termes de l'accord ont changé à mi-chemin et la relation s'est détérioré. Le studio a également perdu de l'argent sur Broken Sword 4, le seul jeu de la série à ne pas être sorti sur console.

Nous étions financièrement dans une position très délicate. L'entreprise a été essentiellement sauvée lorsque Apple est venu nous voir avec l'iPhone et nous a soutenu, non pas avec des finances, mais avec des encouragements, pour écrire des aventures et les adapter au format Apple.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Le studio avait récemment créé une version Nintendo DS des Chevaliers de Baphomet : Director's Cut, qui utilisait une interface pionnière conçue autour d'un écran tactile.

En conséquence, il s'agissait d'une étape assez simple entre cette version et la tablette. Nous faisions la course avec l'équipe de Monkey Island pour sortir notre jeu en premier. Ils ont déployé tous leurs efforts pour améliorer les graphismes et nous, les nôtres pour améliorer l'interface utilisateur. C'était la bonne décision. Notre jeu a bien mieux fonctionné.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Les portages iOS des titres classiques de Revolution ont aidé le studio à se rétablir financièrement, mais la société n'était pas encore dans une position suffisamment solide pour financer un prototype pour un nouvel épisode de Baphomet, malgré la demande évidente des fans.

En 2012 Cecil a donc décidé de se lancer une campagne de financement participatif sur Kickstarter et ainsi avoir un aperçu de l’attente réel des fans de la série. La campagne est un succès et fourni assez de fond pour lancer le projet mais pas totalement le financer, le reste de l'argent provenant de HSBC et de Funding Circle, un site Web sur lequel n'importe qui peut prêter et investir de l'argent dans de petites entreprises.

Je ne suis pas du tout anti-éditeur.

En fait, la relation entre développeurs et éditeurs est devenue beaucoup plus équilibrée et égale ces dernières années. Il est certain que si le développeur parvient à financer le jeu, il y aura beaucoup plus de capitaux propres.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Il est intéressant de noter que les jeux se sont toujours mieux vendus sur les appareils Sony, et cela fait peut-être partie de l'héritage qui perdure. Certainement pendant un certain temps, car notre jeu « De Sang Froid » était sur PlayStation et [le cinquième épisode] « La Malédiction du serpent » s'est également extraordinairement bien comporté sur PlayStation 4. Mais évidemment, Apple a été aussi un partenaire fantastique. En tant que développeur indépendant, je suppose que nous voulions garder toutes les options ouvertes et travailler avec des personnes qui aiment travailler avec nous.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

Cette richesse de création et la diversité des plates-formes de ses jeux a aidé Revolution Software à constituer une base de fans diversifiée, que vous soyez un joueur sur PC, PlayStation, Xbox ou Nintendo – et malgré ses racines PC, le studio est devenu au fil des années le seul studio point-and-clic de l’époque à avoir survécu aux années 2000.

Pour ceux qui ont voyagé avec George et Nico à travers la série au fil des années, Broken Sword recèle de nombreux bons souvenirs. Ces jeux sont, pour de nombreux joueurs, uniquement collaboratifs ; ils peuvent être joués par un groupe de personnes dans la même pièce sans avoir besoin de plusieurs contrôleurs. Chacun peut donner son avis et ses idées sur la manière de résoudre chaque énigme mystérieuse. "

Il y avait cette personne qui m'a parlé qu’il jouait aux Chevaliers de Baphomet avec sa grand-mère. Lorsque nous avons lancé le Kickstarter, il a dit que cela lui rappelait des souvenirs d'eux jouant à la série, cela fut une partie importante de leur relation. Elle est décédée maintenant, donc c'était devenu un point de contact précieux dans sa mémoire avec celle-ci. C'est un jeu tellement fédérateur. Nous entendons tant d'histoires de personnes jouant ensemble. C'est dommage que nous semblions incapables de communiquer ces moments incroyablement importants au monde entier.

— Charles Cecil, co-fondateur de Revolution Software

EN CONCLUSION

ON AIME...
+ Un vrai point-and-clic taillé pour le CD-Rom
+ La réalisation dans son ensemble
+ Le doublage d'Emmanuel Curtil
ON AIME MOINS...
- Quelques séquences de dialogues parfois un peu longues
- Cette foutue chèvre !
- La compression vidéo et audio, un peu dépassée
« Les chevaliers de Baphomet » est un jeu incontournable et indémodable avec une excellente trame scénaristique, si vous ajoutez à cela des graphismes de toute beauté, des musiques digne d'un film et un doublage excellent alors vous êtes en face DU Point-and-clic auquel il faut avoir jouer.
EN VRAC
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