Le site des Jeux Vidéo rétro

PYRAMIDE

INFORMATIONS

Année de création :

1985

Année de fermeture :

1988

Nationalité :

Française

Adresse :


8, rue du Ruisseau
75018 PARIS
Tél : (1) 42 54 39 67
JEUX
[1986] Wanderer
[1986] Vroom./images/jeux/vroom.png
[1986] Manoir de Mortevielle, Le./images/jeux/manoir_mortevielle.gif
[1988] Quest
[1988] Chimera
HISTOIRE

Avant de raconter l'histoire de Pyramide, il est important de revenir quelques mois en arrière et de s'attarder sur deux acteurs du jeux vidéos de l'époque : Direco et Sinclair.

Reportage sur Direco, l'importateur officiel du QL Sinclair en France [INA]

Direco International était l’importateur en France des ordinateurs de la firme britannique Sinclair : Zx 80/81/Spectrum, Spectrum Plus et de son successeur sorti en 1984 le Sinclair QL, des ordinateurs dit de « cinquième génération ». Ses fondateurs Eric Bompard et Claude Wallet ont de grandes espérances dans le futur de Sinclair. Il faut dire que le ZX Spectrum, un ordinateur 8 bits, ou plutôt une curiosité informatique dont seules les Britanniques en avaient le secret, comptabilisait quand même en 1985 presque 300 000 machines vendues. Un succès phénoménal qu'ils espérent reproduire en France et qui pousse l’importateur à se lancer dans l’aventure de son successeur le Sinclair QL (pour Quantum Leap) et à fonder la filiale Sinclair France.

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Clive Sinclair dans une de ses nombreuses présentations de produits, plus ou moins anticipées.

Pourtant son constructeur Sinclair souffre déjà cette époque d’une certaine forme de paradoxe, mélange de succès et aussi d’ambition démesurée de son boss feu Sir Clive Sinclair (disparu en septembre 2021), l'inventeur des Zx, connu comme l'ordinateur le moins chers du monde et qui a réussi à populariser l'informatique dans les foyers européens et initier à la programmation de nombreux bambins. Mais les idées du bonhomme sont un brin ambitieuses, même trop pour la firme, si bien que la plupart de ses annonces sont suivi d’une pointe de désillusion, champion toute catégorie d’annonces prématurées de nouveaux produits qui ne verront malheureusement jamais le jour, mais passons.

La réputation du magnat britannique ne fait pas peur au P.D.G de Direco, Eric Bompard qui décide de soutenir la nouvelle machine. Pour cela Mr Bompard a une stratégie implacable, éditer lui-même certains logiciels le temps de faire décoller les ventes de la machine. Pour se faire inutile d’embaucher les salariés en interne, il s’appuiera sur une ruche inépuisable de talents par le biais d’annonces dans les journaux. L’époque est en effet propice aux nouvelles technologies, autour desquels gravitent toute une jeunesse qui voit en l’informatique la promesse d’une vie différente de leur parent, d’un avenir meilleur, presque futuriste et aussi la possibilité de se faire de l’argent rapidement, une main d’œuvre à la fois inexpérimenté et peu cher, une manne bienvenue pour Direco/Sinclair France.

Fin 1985, l’euphorie des premiers jours fait place à la désillusion, les ventes du QL sont décevantes. Il faut dire que si sur le papier l'ordinateur a tout pour séduire : Processeur Motorola 68008 à 7.5MHz (attention moins puissant que le célèbre 68000 du ST/Amiga), 128KB de Ram, mode d'affichage 512x256 ou 256x256... dans les faits la machine souffre de problème de conception majeur (Lecteur Microdrive au lieu d'un lecteur de disquette 3.5, bus mémoire trop étroit....) faisait dire qu'elle n'a pas été pensé pour le jeu et d'un prix de vente trop élevé, 7000 francs (soit 2077 euros de nos jours avec l'inflation). Les concurrents eux ont tout compris, beaucoup moins chers, une ludothèque énorme et variée, les 8 bits Amstrad CPC et Commodore C64 monopolisent à eux seul la quasi-totalité des ventes sans compter que la nouvelle génération, les 16 bits pointent leur nez mais pour le moment restent un marché de niche avec des prix stratosphériques. Pour changer cela, des décisions importantes sont prises, d’un côté Sinclair Angleterre prévoit de sortir au printemps 1986 une version 2 du QL avec lecteur de disquette au lieu des Microdrive et pour la France, ça sera la création en novembre 1985 d’une société d’édition de logiciels consacrée au QL, Pyramide.

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Daniel Purlich (et non Roger comme le mentionne l'article de Tilt), 2ème à gauche, entouré des développeurs indépendants composant Pyramide. A droite Jean-Luc et Béatrice Langlois, certainement avec une boite de Wanderer.

Si rien ne lie officiellement les deux sociétés, c'est Daniel Purlich l’ancien responsable du développement de Direco qui prend la tête de Pyramide. Dans un premier temps et rapidement sept logiciels sont édités : Un bloc-note (oui à une époque on payait pour çà), un logiciel compta pour la gestion du budget familial, un traitement de texte, un logiciel de dessins… bref de quoi fournir en logiciel de base le pauvre QL qui en été jusque là dépourvu. En cette fin 1985 l'espoir semble renaitre et si Daniel Purlich croit au Commodore Amiga pour lequel il ambitionne de sortir dans un second temps des logiciel, il ne croit pas par contre mais pas du tout aux deux autres machines 68000 du moment, le Macintosh et l’Atari 520 ST notamment à cause du piratage pour le second (Bad Beat Purlich!).

Une trentaine de développeurs indépendants sont alors mobilisés à la rescousse du QL. Dans ce vivier bouillonnant de jeunes talents, des amitiés se nouent, les idées fusent et trois jeux notamment se démarqueront du lot non seulement par leur originalité mais aussi parce qu'ils ont été créé par de futurs personnalités du jeu vidéo.

WANDERER

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Lorsqu’elle se lance dans l’aventure Pyramide, en 1986, Béatrice Langlois travaille déjà dans l’informatique professionnelle. Le métier est encore tristement monopolisé par les hommes. La belle a plus d’une corde à son arc. Pianiste jazz rock dans un groupe amateur, elle a des projets plein la tête : concurrencer Pro 24, la Rolls des logiciels musicaux sur Atari ST et travailler dans la digitalisation sonore, mais ça on en reparlera. Elle se passionne aussi pour la photo en relief et s’occupe aussi bien de la programmation que des graphismes ou la musique.

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Wanderer, premier jeu en relief ? Non le jeu néo-punk Bad Max avait déjà franchi le pas en 1985 sur MSX2.

Avec son frère Jean-Luc ils conçoivent un jeu de combats intergalactiques en vue cockpit, dont la particularité était d'être en relief en utilisant le système anaglyphes grâce aux fameuses lunettes 3D à filtre rouge sur un œil, bleu sur l'autre. Il est possible de désactiver l'option et de jouer sans les lunettes.Le procédé était simple, le jeu affichait deux vues monochromes superposées et légèrement décalées dans une même image. Une vue n’utilisait que la couleur bleue tandis que l’autre n’utilisait que le rouge, l'effet relief ne prenant toute sa dimension qu'avec l'utilisation des lunettes bicolores. Le jeu fut développé en neuf mois, le temps nécessaire pour s’approprier l’assembleur de la machine et réussir à donner du réalisme aux mouvements dans l’espace.

Malheureusement même si le procédé reste original, le jeu mélange l'action à la réflexion avec une sorte de cartes poker intergalactique assez déroutant, de plus les faibles ventes du QL ne permettent pas à nos deux auteurs de rentrer dans leur frais. Une version Atari ST est donc développé avec une fluidité bien meilleure que sur QL.

Un différend surviendra entre les Langlois et Pyramide, à la suite de la vente de la licence du jeu à Elite qui développera les version Commodore 64, ZX Spectrum, Amstrad CPC et Amiga avec au passage un changement de nom en Wanderer 3D, les Langlois déciderent de fonder leur propre société B&JL en 1987.

MORTVILLE MANOR

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Pas très bavard, le moustachu Bruno Gourier, cultive la culture du secret, du mystère à l’image de son jeu un certain « Manoir de Mortvielle/Mortville Manor » qu’il co-écrit avec son compère Bernard Grelaud sous le nom Kyilkhor Creation, en référence au cercle magique tibétain avec lequel les moines créent des esprits. Une enquête policière dont l’intrigue se passe dans un manoir endeuillé, perdu dans la neige, une enquête digne d’un roman à la Agatha Christie.

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Dans la version QL les images se dessinent à l'écran, rendant l'aventure assez lente.

Comme l’un des personnages de son jeu qu’on essaiera d’interroger avec trop d’insistance, Bruno Gourier ne mache pas ses mots, il a des idées bien tranchées et sais ce qu’il veut, il a abandonné l’informatique de gestion et ses salaires mirobolants pour être libre et faire ce qu’il aime… et ce qu’il aime pour le moment c’est la création de jeux vidéo.

Sur le Manoir, Bruno s’occupe de la programmation tandis que Bernard lui c’est la conception graphique. La version QL a presque tout d’un grand jeu sauf peut-être de n’avoir pas été développé sur la bonne machine. Difficile en effet de lui reprocher la pauvreté sonore, l’absence de synthèse vocale et l’affichage assez lent dû en grande partie aux carences architecturales du QL pourtant basé sur un processeur 68008.

Mais l'enquête policière, elle reste passionnante, tellement passionnante que Gourier décide de reprendre son jeu quelques mois plus tard avec l'aide de Béatrice et Jean-Luc Langlois en améliorant presque tout... ce fut le succès qu'on connait tous sur Atari ST, Amiga mais aussi Amstrad CPC.

VROOM

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Avec une boite qui mentionne un certain WROOM!, VROOM est comme son nom l'indique, un traitement de texte... mais bien sûr que non, un logiciel de simulation de Formule 1 avec une vue dans le cokpit de la voiture. En tout 5 circuits et 10 adversaires à battre. Malheureusement le jeu est lent, la faute à un QL poussif à l'image de son ancêtre le Spectrum la machine est incapable d'afficher un scrolling fluide. Néanmoins son auteur Daniel Macré a réussi l'impossible même si on sent que la machine est au bout du bout comme nous après cinq minutes de jeu. 

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Avec ses 8 images/s au max, on a envie de prendre ses jambes à son Vroom.

Pour sa conception, Daniel Macré (alias Dan McRae) s'est inspiré du hit en borne d'arcade de Namco, Pôle Position, qui a sévit au début des années 80 avec son volant et son levier de vitesse, mais l'auteur s'est aussi inspiré de la BD de Jean Graton, Michel Vaillant, sur un pilote de course et dans laquelle on y voyait des bulles "Vroommmmm".

Quelques mois plus tard Macré s'achéte un Atari ST et y développe une version ST de Vroom, malheureusement la version n'est pas au norme de qualité de la société à laquelle il le propose (... Lankhor bien sûr) et il faudra attendre plusieurs années et 1991 avant que le projet se finalise d'abord sur ST, puis 6 mois plus tard sur Amiga et PC... encore un succès.

Quelques mois plus tard et contrairement aux spéculations de Purlich, les ventes de l’Atari ST explosent, et celle du QL Sinclair plonge emportant dans ce désastre l’entreprise britannique Sinclair, on parle de seulement 3200 unités vendus en Angleterre... ce qui est très peu, quand on pense au succès du ZX81 et du Spectrum. L'aventure prend fin début 1986 lorsque lorsqu' Amstrad rachète Sinclair abandonnant au passage le QL et sa version 2 avec un lecteur de disquette. Très vite, Direco dépose le bilan en février 1986 suite aux factures impayées des fournisseurs.

La société Pyramide essaye tant bien que mal de tenir le choc en convertissant quelques jeux sur Atari ST comme Wanderer, Quest et Chimera qui sont connus comme étant les derniers jeux de la société. Quelques mois plus tard en 1988 c’est la fin, Pyramide finit aussi par fermer ses portes.

C'était la fin d'une histoire pour Sinclair, Pyramide et Direco. Quand à Béatrice et Jean-Luc Langlois, Bruno Gourier et Daniel Macré par contre c'est le début d’une nouvelle aventure avec pour les trois premier la création en 1987 de Lankhor. Pour Daniel Macré il retourne à sa vie professionnelle loin des jeux vidéo, temporairement... mais ça c'est une autre histoire.

VIDEOS
REFERENCES
  • L’ordinateur Individuel 68 p75-87 (mars 1985)
  • Science & Vie Micro n°23 p12 (décembre 1985)
  • Science & Vie Micro n°37 p110-111 (mars 1987)
  • La créatrice du mois : Béatrice Langlois (Tilt n°40 p20 mars 1987)
  • Article B&JL et Kyilkhor Creation (Tilt n°46 p25 oct 1987)
  • Depot de Bilan Direco (Hebdogiciel n°122 p1 fév 1986)